Apiculture et Miel bio
Alors que leurs vertus thérapeutiques sont de mieux en mieux mises en évidence par des études scientifiques, la disponibilité des produits de la ruche, non seulement en termes de quantité mais aussi de qualité, est le principal sujet de préoccupation du consommateur vigilant. Que choisir, et surtout comment choisir?
Les abeilles sont une aubaine pour notre santé. Cependant, leurs conditions de vie sont devenues particulièrement difficiles, et leur existence est aujourd’hui menacée Aux facteurs environnementaux s’ajoutent des conditions climatiques compliquées, sinon catastrophiques pour la récolte de miels en France, et donc, pour les produits de la ruche qui en découlent Les tonnages n’ont jamais été aussi faibles (16000 tonnes de miels produits en 2013 pour environ 40 000 consommées) et les prix s’envolent. Conséquence: la chasse aux trésors des abeilles risque de se transformer en chasse à la qualité. Car la rareté implique un accroissement considérable des importations, avec des risques de fraudes qui s’accentuent. Fraude à l’étiquetage, à l’adultération (ajout de sucres), fraude aussi à la qualité bio. Les consommateurs des grandes villes sont les plus exposés, étant les plus éloignés des circuits courts qui favorisent fraîcheur et transparence. La complexité des produits dérivés de la ruche (pollen, propolis, gelée royale) justifie de passer par des marques de référence si besoin est.
Et le miel était presque parfait…
Résultat du plus fantastique des mariages, celui des abeilles et des fleurs, le miel compte parmi les trois principales denrées issues de l’animal, et sans le tuer, directement consommables par l’homme, aux côtés du lait et des œufs, Il est le seul aliment humain issu des insectes. Et quel aliment! Il est plutôt pur car les abeilles ont tendance à éliminer les substances toxiques lorsqu’elles le fabriquent. Vous pouvez donc goûter sans crainte les miels des quelque 300 ruches installées à Paris. Cependant, leur qualité est variable, fragile, et leurs vertus thérapeutiques les plus élaborées peuvent s’estomper, voire disparaître. A entrer d’emblée dans les subtilités des miels, on en oublierait presque sa plus évidente et incontestable propriété: du fait de sa composition en sucres rapides aisément assimilables, c’est un aliment énergétique exceptionnel sans aucune transformation, qui remplace avantageusement les sucres raffinés, le blanc en premier lieu. On a vu des coureurs d’ultrafond ne se nourrissant que de miel durant leurs courses de 80 à 100 km. Aspect pas si anecdotique que cela, le miel a un pouvoir sucrant supérieur au sucre blanc. Dans tous les cafés et restaurants nous devrions exiger des dosettes de miel. Or cet usage est quasi inexistant! Parmi ses vertus, rappelons l’effet prébiotique du miel, c’est-à-dire qu’il stimule l’activité de bactéries favorables à la microflore intestinale. Simultanément, ses qualités physico-chimiques le dotent d’un pouvoir antibactérien et cicatrisant suffisamment remarquable pour que son usage s’en soit répandu dans certains services hospitaliers, comme en chirurgie. Par ailleurs, le miel est une source alimentaire d’antioxydants, majoritairement de flavonoïdes, dont la concentration se voit au caractère plus ou moins foncé du produit. Les miels de châtaignier, de sarrasin ou de thym, entre autres, en sont bien pourvus, mais il suffit d’augmenter la consommation de miels plus clairs pour obtenir la même dose. D’une manière générale, les études tendent à montrer qu’une consommation régulière offre une protection contre certains cancers. Si leur grande majorité est comestible, mieux vaut toutefois se montrer exigeant dans le choix si l’on veut bénéficier au mieux de ses qualités thérapeutiques.
Des miels d’ici
Malgré la diminution dramatique de la production française, il est encore possible de jeter son dévolu sur des miels français. Mieux encore, de privilégier ceux de proximité. Si on ne veut pas tomber dans l’intégrisme du tout local, on peut néanmoins opter pour des miels importés, notamment d’Europe, à condition que l’origine géographique soit spécifiée (obligatoire pour les bio). Les miels avec mention « Mélange de miels UE et hors UE», bien qu’autorisés, sont à bannir pour le moment. Leur traçabilité est faible, sinon nulle. On ne sait rien ni de leur conditionnement, ni de leur fraîcheur (leur mise en pot peut se faire longtemps après les récoltes). Or les opérations de chauffage et de refonte des miels finissent par détruire leurs qualités subtiles. Comme nous l’indique Paul Schweitzer, du Laboratoire d’analyses et d’écologie apicole des miels Cetam Lorraine, «tous les miels de l’année achetés chez un apiculteur présentent ainsi un test à la peroxydase positif alors que pour 90 % des miels de la grande distribution, il est négatif. Finalement, les consommateurs qui achètent ces miels consomment des produits qui restent conformes légalement, sont parfaitement comestibles mais ne présentent plus de véritables intérêts pour la santé ». Il note aussi qu’au moins 10% des miels premier prix de la grande distribution font l’objet d’ajout de sucres. Toujours sans parler des conditions dans lesquelles ils ont été produits, récoltés et stockés.
En quête de primeurs
Un miel de qualité optimale du point de vue de la santé devra donc avoir été récolté dans l’année, ne pas avoir été chauffé longtemps (surtout pas au-dessus de 40 °C) et n’être pas trop humide. Un miel mûr, dont les abeilles ont operculé de cire les alvéoles, contient entre 15 et 20% d’eau. Trop d’eau se décèle au caractère trop liquide du miel pour sa catégorie et, plus sûrement, à l’odeur de fermentation au terme de quelques mois en pot. Rappelons que, légalement, la date limite d’utilisation (DLU) est de deux ans après son conditionnement. Un achat direct auprès d’apiculteurs permet donc de savoir quand la récolte a réellement eu lieu. Préférez enfin un conditionnement en pot de verre, qu’il est recommandé de conserver à l’ombre, la lumière étant un facteur de détérioration prouvé. Il est d’autres raisons, plus discrètes mais non moins sensées, qui justifient de choisir des miels issus des régions dans lesquelles nous vivons. Le docteur Albert Becker, président de l’Association francophone d’apithérapie (AFA), évoquait la présence de pollens anémophiles (ceux portés par le vent) dans les miels, dont la consommation locale aurait un effet immunisant contre, précisément, les troubles liés à ces pollens locaux, comme le classique rhume des foins. Une étude sur ces sujets a été présentée au dernier congrès d’apithérapie.
Entre une et mille fleurs
En plus des qualités importantes qu’on trouve dans tous les miels sains, les miels mono floraux présentent des vertus thérapeutiques spécifiques avérées. Le miel de romarin est réputé pour le drainage hépatique, le tilleul pour son pouvoir somnifère, la lavande et le thym, du fait de leurs qualités antiseptiques, pour les bronches et les poumons. Le miel d’acacia, un des rares à rester liquide en raison du type de sucre qui le compose, est recommandé pour prévenir et traiter les troubles gastriques. C’est par ailleurs le seul miel consommable par les diabétiques. Les miellats d’arbres (sapin, chêne…) sont, eux, spécialement nutritifs. La liste des miels spécifiques est très longue, et il faut souhaiter qu’elle le reste. Cependant, elle ne saurait ternir la valeur des miels dits «toutes fleurs» ou poly-floraux. On y revient lorsqu’on envisage le sujet de manière plus globale, qu’on essaye de saisir l’ensemble de ses aspects, en particulier le bien-être des abeilles et le nôtre, intimement lies. De même que des aires de butinage multifleurs offrent aux abeilles une nourriture variée, équilibrante, et à même de stimuler leurs défenses naturelles, leurs miels multifleurs locaux nous sont très favorables. Trop de transhumances, qui ont pour but d’obtenir le plus de miels mono-floraux possibles avec le même cheptel, perturbent inévitablement la vie de ces nobles insectes. Par ailleurs, aspect peu souvent évoqué, les abeilles naissent géo-localisées, c’est-à-dire que leurs cristaux de magnétite sont en quelque sorte programmés. Cet aspect milite en faveur de l’apiculture sédentaire — très dure à tenir pour un apiculteur professionnel. Cependant, certaines aires de butinage multiflorales permettent encore aux petits apiculteurs chevronnés de faire deux récoltes, voire trois, sans déplacer leurs ruches. Dans les pays où l’agriculture industrielle s’est répandue, ces zones se font plutôt rares. Et précieuses!
Questionner son apiculteur Bienveillance et vigilance
Quand ce miel a-t-il été récolté? Un miel de moins de 12 mois conserve pleinement ses qualités les plus actives et fragiles. Quel est son taux d’humidité? Entre 15 et 20% d’eau, c’est correct Quelles sont les fleurs butinées? Par exemple, ne pas confondre lavandin et lavande fine, généralement plus sauvage, donc moins sujette aux éventuels intrants chimiques. Dans tous les cas, mieux vaut éviter les miels de ruchers situés trop près de zones industrielles ou de grandes cultures. Avec quels produits soignez-vous vos abeilles? À quels moments? En principe, quels que soient les produits utilisés, aucun ne doit avoir été administré dans les 2 mois qui précèdent la récolte. Quel est le taux de fleurs de thym dans ce miel de thym? Les apiculteurs disposent normalement d’analyses de leurs miels monofloraux (ou moins 80% d’une même fleur) et peuvent vous répondre. A contrario, certains miels «toutes fleurs» sont à dominante d’une fleur, sans atteindre les 80%. Comment allez-vous? Car si la vie des abeilles est dure, celle des apiculteurs l’est aussi. Dégradation de l’environnement oblige…
Le bio minoritaire
La disponibilité des miels bio n’est pas non plus sans limite .Au contraire, ils ne représentent grosso modo que 4 à 6% de l’ensemble des miels récoltés en France, Par ailleurs, s’il faut reconnaître leurs qualités naturelles, permises par le respect des chartes assez strictes qui permettent l’obtention des labels bio, ils peuvent aussi être imparfaits, notamment du point de vue de l’environnement. Or, si les contraintes et les coûts inhérents à cette apiculture justifient un prix plus élevé (de l’ordre de 20% en moyenne), mais bien accepté par le consommateur, il serait utile que les contrôles soient renforcés à mesure que le nombre d’apiculteurs hio augmente… C’est ce qu’admet l’un d’entre eux, Julien Daval, en agriculture biologique (AB) dans le Sud depuis une vingtaine d’années, après avoir été certifié Nature & Progrès.
Le traitement pré hivernal autorisé à l’acide oxalique pour lutter contre l’acarien varroa, véritable vampire des ruches, est notamment discuté, Certains experts le considèrent comme un poison pour les abeilles. Tout dépend en réalité des conditions dans lesquelles ce produit est répandu. Évidemment, la même méticulosité devrait être déployée vis-à-vis du non bio pour évaluer l’impact sur les abeilles et les miels des traitements administrés. Les méthodes alternatives pourraient ainsi être plus soutenues et les expériences multipliées, comme celles sur les chocs thermiques et les protections magnétiques. En dernier ressort, le consommateur est décideur. Il lui faut s’informer inlassablement, et discuter avec ses apiculteurs. Le boycott bienveillant (ou l’achat éclairé !), est en cela un précieux pouvoir. Miel et pollen sont les deux aliments essentiels des abeilles et forment, ensemble, leur «pain de miel ». La récolte spécifique du pollen est plus récente que celle du miel. Son usage, comme celui de la gelée royale, est lié au développement de l’apithérapie. Pourtant, les chamanes apiculteurs en connaissent intuitivement et de longue date certaines vertus. La composition chimique des pollens récoltés et transformés par les abeilles exprime sans détour sa richesse nutritive. Celle-ci vient non pas tant du grain pollinisateur lui-même que des substances destinées à en protéger te force fécondante: les pollens contiennent tous les acides aminés essentiels, de nombreuses vitamines, plusieurs oligo-éléments, des antioxydants ainsi que des lactoferments qui nous sont très favorables.
Du pollen frais
Le pollen augmente ainsi l’énergie vitale la croissance, stimule les de ses immunitaires, régularise les troubles digestifs, renforce les capacités intellectuelles et exerce une action antioxydante. Son potentiel thérapeutique touche aux sphères cardiovasculaire, digestive, génito-urinaire et neuropsychique. Le pollen frais est préférable, en particulier si on souhaite bénéficier de ses effets sur la flore intestinale. En vue d’une cure générale saisonnière, le pollen polyfloral est le plus adapté, mais pour des cures spécifiques liées à des pathologies sérieuses manifestes, ou à titre préventif, on préférera des pollens dédiés (cistes, châtaigniers, saules, bruyères…), bien que les études manquent encore de données précises sur les effets thérapeutiques particuliers de tel ou tel pollen.
Sur le chemin du bio
Un apiculteur non bio nous indiquait récemment qu’Il avait enfin trouvé la manière d’éviter de perdre trop de colonies après l’hiver : il ne place plus ses ruchers près des cultures agricoles conventionnelles…. En d’autres termes, il privilégie les fleurs les plus sauvages possibles.
Une des principales obligations des apiculteurs en bio est donc précisément d’installer leurs ruchers à plus de trois kilomètres de rayon des grandes cultures (colza, tournesol…), avec toutefois une autorisation spéciale pour les champs de lavande cultivée, et donc traitée.
En leur faveur encore, le contrôle deux fois par an par des organismes indépendants (ce n’est pas le cas des exploitations conventionnelles), ainsi que le nourrissage des ruches avec des mixtures bio. En regard de la qualité mesurée par le taux de déshydratation des sucres (un bon indicateur de la fraîcheur d’un miel, ou une preuve qu’il n’a pas été trop chauffé), les miels bio présentent un taux moins élevé de HMF (hydroxyméthylfurfural), un composé organique issu de la déshydratation des sucres. Olivier Belval, apiculteur bio et président de l’Union national de l’apiculture française, rappelle enfin que les miels bio ont tendance à contenir les plus faibles taux de résidus de pesticides. C’est certes l’essence même du bio.
Cependant, pour que ce taux s’approche de zéro, il faudrait que les abeilles ne vivent que dans des zones d’agriculture et de jardinage biologiques. Autant dire de vastes zones franches, assez utopiques actuellement.
Les abeilles décident
Catherine Flurin, cofondatrice et directrice de l’entreprise Ballot, Flurin, sous label bio et certifiée ISO 9001, contrôlée par Bureau Veritas, fait valoir quant à elle des procédés à la fois plus proches du monde des abeilles et plus économes en énergie. En amont de son système « hydroplus » de séchage modéré et naturel, qui diminue la quantité d’eau contenue dans les pollens sans l’éliminer et facilite sa conservation sans congélation, l’entreprise se fournit auprès d’apiculteurs régionaux dont les abeilles ont en quelque sorte un libre arbitre (le système est breveté) : en revenant dans leurs ruches, elles rentrent soit du côté de la trappe à pollen horizontale (qui ne leur arrache aucun membre), soit du côté où il n’y a pas de grille récupératrice.
Le pollen récupéré reste, lui, un temps dans l’atmosphère de la ruche, puis est trié manuellement avant d’être conditionné et rendu disponible. Ces pollens sont nécessairement plus régionaux et polyfloraux que ceux de Pollenergie, mais limités en quantité. Ballot-Flurin récolte entre un et dix tonnes de pollen chaque année, pour une soixantaine de tonnes cher son confrère Pollenergie. Deux philosophies d’entreprise, l’une plus holistique et féminine, l’autre devenue plus industrielle, bien qu’efficace en elle-même. Le consommateur peut aussi acquérir chaque printemps du pollen frais auprès de ses apiculteurs de proximité, après s’être renseigné sur les zones de butinage, le congeler et sortir sa dose quelques heures avant consommation. Les posologies journalières recommandées sont d’environ une cuillère à soupe pour un adulte et une cuillère à café pour un enfant en cures saisonnières de quelques semaines.
Par Edouard Ballot et avec l’aimable autorisation de BioInfo
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