Bio et e-commerce : entre alliances et stratégies, ces acteurs qui révolutionnent le marché
Dans le cadre de notre série d’articles sur le e-commerce, et après avoir évoqué le mois dernier tout l’enjeu qu’il représente pour la filière Bio, nous vous présentons ce mois-ci les différents acteurs de ce mode de distribution qui opèrent une véritable métamorphose du marché de l’alimentaire en France.
Devant l’ampleur du e-commerce, les enseignes repensent leur stratégie
Avec 81,7 milliards d’euros en 2017, selon la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad), le chiffre d’affaires des ventes en ligne a presque été multiplié par 5 en 10 ans. Cette révolution du e-commerce bouleverse la distribution traditionnelle. Elle oblige en effet les enseignes à repenser leur stratégie et à former des alliances, avec pour enjeu principal l’alimentaire et plus particulièrement la Bio.
Ainsi, les distributeurs physiques souhaitent accélérer leur transformation digitale en utilisant les compétences des pure players. Ceux-ci, à la recherche de nouveaux clients, d’optimisation de la gestion de leurs stocks et de solutions pour le « dernier kilomètre », y trouvent également leur compte. Ces derniers mois, les alliances entre les acteurs de la distribution alimentaire et les géants du numérique se sont donc multipliées : Auchan s’est associé avec Alibaba, Monoprix avec Amazon et Carrefour avec Google. L’objectif : répondre aux attentes des consommateurs, qui se tournent de plus en plus vers le e-commerce et les produits Bio.
Symbole de l’importance que représentent ces deux domaines, l’achat, en 2017, de l’enseigne américaine de magasins Bio Whole Foods par Amazon, la plus grosse acquisition de son histoire. Le pure player s’est ainsi hissé, entre 2001 et 2018, de la 180ème à la 6ème place du classement des distributeurs mondiaux, établi chaque année par le cabinet Deloitte. Dans le même temps, Carrefour a chuté de la 2ème à la 9ème place. Un changement souligné par le cabinet Deloitte qui constate qu’en 2001, aucun e-commerçant ne figurait dans le top 10. Les enseignes qui ont le plus reculé sont les hypermarchés classiques comme Carrefour, le néerlandais Ahold ou l’américain Target.
Des produits Bio livrés en moins d’une heure avec Amazon Prime Now
Le géant du e-commerce a étendu sa stratégie en France avec l’arrivée fracassante, et non moins inquiétante pour les distributeurs français, d’Amazon Prime Now en juin 2016. Ce service permet aux clients, à Paris et ses environs, d’être livrés en une heure ou sur un créneau de deux heures dans la journée ou le lendemain. Parmi les enseignes présentes sur le site, Bio c’ Bon, qui propose tout l’éventail de ses produits à la livraison, de l’épicerie aux fruits et légumes, en passant par le vrac, les produits frais et autres produits d’entretien. Truffaut ou encore, depuis cette année, Monoprix, y référencent également leurs produits.
Ces partenariats permettent aux enseignes de prendre une longueur d’avance sur leurs concurrents en matière de livraison, et entrent dans la stratégie d’Amazon de s’implanter dans le secteur alimentaire français.
Par ailleurs, plusieurs marques bio telles que Natessance, So’Bio Etic, Weleda ou encore Bjorg, ont fait le choix de vendre directement leurs produits sur la Amazon.
Greenweez et Carrefour accélèrent le développement du digital dans la filière Bio
Premier e-distributeur de produits Bio en France, avec plus de 35 000 produits référencés, Greenweez enregistre une forte croissance depuis plusieurs années. Signe de ce dynamisme et de sa volonté de se développer sur le marché européen, le pure player a signé, en septembre, l’acquisition de son homologue espagnol Planeta Huerto.
Autre temps fort pour Greenweez et le monde du e-commerce alimentaire, son rachat, en 2016, par Carrefour, permettant à ce dernier d’accélérer son développement dans le digital et dans la filière Bio.
Par ailleurs, l’enseigne So.bio, née dans le Sud Ouest, a également été rachetée par Carrefour cet été, et devrait faire son entrée à Paris en 2019. Avec ces deux acquisitions, le distributeur entend faire passer ses ventes de produits Bio de 1,3 milliard d’euros actuellement à 5 milliards d’euros en 2022.
S’associer avec les géants du e-commerce, un pari risqué ?
Distributeurs traditionnels et pure players trouvent donc un intérêt dans ces diverses stratégies d’achats et d’alliances. Mais, le risque pourrait être de devenir, à terme, un simple sous-traitant. Ces problématiques ont ainsi été évoquées lors de l’annonce du partenariat entre Amazon et Monoprix, ou de celui entre Carrefour et Google.
En effet, à titre d’exemple, depuis le rachat de Whole Foods, plusieurs cadres de l’enseigne bio américaine ont quitté leur poste, pointant notamment les pratiques d’Amazon qui aurait demandé aux fournisseurs de baisser leurs prix de 25%. Ainsi, certains produits ont affiché des baisses de tarifs de plus de 30%.
Les places de marché séduisent une clientèle engagée
Parallèlement, les places de marché, plateformes de vente en ligne ouvertes aux vendeurs professionnels/e-commerçants, gagnent du terrain. Avec leur démarche engagée, elles bénéficient d’une image militante qui correspond davantage aux valeurs portées par certains clients. Ainsi, sevellia.com, ouverte en 2015 dispose d’une offre de 20 000 produits référencés et « met en avant des producteurs, des artisans éthiques et responsables ainsi que des vendeurs militants pour consommer autrement », explique le site. Les commandes peuvent être livrées à domicile, retirées en relais colis ou lors d’un salon.
Start-up française qui ambitionne de « démocratiser le bio », auroremarket.fr entend, pour y parvenir, baisser les prix de 25 à 50% par rapport à ses concurrents. Pour cela, l’entreprise réduit les intermédiaires et a mis en place un système d’adhésion à l’année, d’un montant de 60 euros, pour ses clients. Et pour ceux qui n’auraient pas les moyens de s’en affranchir, elle peut être gratuite pendant un an.
Nouvelle arrivée sur le marché, depuis septembre, Lafourche.fr vient également casser les prix de 25 à 50% avec son offre disruptive inspirée d’Amazon Prime. Le site s’affranchit de la marge appliquée habituellement par les distributeurs grâce à un autre mode de rémunération: un abonnement mensuel (7,90 euros) ou annuel (58,80 euros) payé par le consommateur qui lui « permet d’accéder à cette offre bon marché« . L’avenir nous dira si ce modèle économique est viable ou pas.
Les distributeurs Bio et l’enjeu du e-commerce
L’implication des distributeurs spécialisés bio dans le e-commerce reste relativement faible face aux (r)évolutions en cours. Ainsi, Biocoop, qui ne propose pas encore cette offre, entend se lancer d’ici quelques mois dans le e-commerce. La Vie Claire a pour sa part fermé, en 2017, son service « Cliquez bio », celui-ci ne répondant pas aux attentes des consommateurs en matière de livraison et de logistique. Naturalia possède un site de vente en ligne avec la possibilité de se faire livrer partout en France, de récupérer ses achats en point relais ou en « Click and collect ». Ce dernier service est également proposé par une partie des franchisés de l’Eau Vive.
Alors que les géants du digital s’implantent sur le marché français, que diverses stratégies des pure players et de la grande distribution se mettent en place, les enseignes bio opèrent progressivement leur transformation digitale pour répondre aux attentes des consommateurs connectés.
Alice Roznowiez
Photo de John Schnobrich
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