Cantines scolaires: une nouvelle génération de végétariens?
Plusieurs écoles proposent désormais aux enfants des menus végétariens. De nouvelles pratiques qui pourraient bien permettre au végétarisme de gagner du terrain, loin des préjugés sur les carences qu’il serait susceptible d’entraîner. Une politique vertueuse qui commence à faire des émules.
L’ alimentation saine progresse ! Éliminer la viande de ses repas n’est désormais plus considéré comme une hérésie nutritionnelle. Y compris dans la restauration collective, tenue pourtant de respecter une certaine orthodoxie alimentaire. Aujourd’hui, plusieurs cantines scolaires proposent des menus végétariens aux enfants. Une ouverture importante puisque la restauration scolaire, de la maternelle au lycée, représente un milliard de repas servis chaque année.
La ville de Saint-Étienne, une des communes les plus volontaristes sur la question, a ainsi mis en place en janvier 2015 un menu sans viande et sans poisson en plus du menu classique. «La restauration scolaire était déjà 100 % bio. L’équipe municipale voulait aller plus loin avec les menus végétariens et la lutte contre le gaspillage alimentaire, raconte Samy Kefi-Jérôme, élu de Saint-Étienne en charge de l’éducation et de la petite enfance. On constate que de nouvelles habitudes se développent chez les familles. La collectivité permet d’offrir une continuité à ces pratiques. De plus, on sait que manger de la viande tous les jours, avec l’agro-industrie et les pollutions que cela génère, n’est pas bon». Dans les Pyrénées-Atlantiques, l’agglomération de Pau fait elle aussi l’expérience de menus sans viande depuis la rentrée 2015.
Si on ne considère que les chiffres, le succès de la formule reste timide. Sur l’ensemble de l’année, 12 à 15 % d’enfants stéphanois l’ont testée et en quatre mois, les repas sans viande ont représenté 7,5 % des repas servis pour les quatorze communes de l’agglomération de Pau, tandis que 5% des familles ont choisi de tester ce menu une fois par semaine. Notons toutefois que dans Pau intra-muros, l’engouement est plus significatif.
Locavore et antigaspi, l’autre cercle vertueux
La mise en place de menus végétariens dans les cantines s’accompagne souvent d’autres initiatives. Les cantines s’efforcent alors de favoriser les productions issues de l’agriculture biologique, les produits locaux issus de circuits courts et de lutter contre le gaspillage alimentaire. Dans cette démarche, les collectivités sont désormais soutenues par le ministère de l’Agriculture. Depuis décembre 2014, ces différents aspects d’une restauration collective plus durable font aussi partie du Programme national pour l’alimentation (PNA).
Une révolution en marche
«Dans la région, où l’on mange beaucoup de viande, c’est déjà une révolution. Les familles ne font plus de la viande une panacée. D’autant que beaucoup d’enfants ne la mangeaient pas. Celle-ci était gaspillée », analyse Clarisse Johnson-Le Loher, adjointe au maire de Pau en charge de l’éducation. Du côté des parents d’élèves, le projet a donc été plutôt bien accueilli. Même si à Pau, la discussion sur le caractère végétarien des menus s’est déplacée vers la question religieuse : serait-ce un subterfuge pour que les enfants de confession musulmane ne mangent pas de viande hallal ? Un débat vite évacué par les porteurs du projet. «La polémique n’a pas lieu d’être car de nombreux non-musulmans ont choisi ces menus. Notre but est avant tout nutritionnel et nous avons voulu politiser ce choix. Il faut sortir du discours qui affirme que pour être en bonne santé, il faut manger beaucoup de viande. L’association céréales-légumineuses, élaborée par nos nutritionnistes, convient», clame l’élue paloise. La problématique a rebondi avec le projet de loi, déposé par le député Yves Jégo en octobre, demandant l’instauration d’une alternative végétarienne dans les cantines scolaires. Pour ce dernier, il s’agit aussi de répondre aux Français qui «refusent par éthique de consommer viande ou poisson» et d’anticiper les problèmes écologiques liés à l’élevage.
Ceux dont l’activité pourrait en pâtir ont d’ailleurs réagi assez vivement. «Nous avons reçu de nombreux courriers d’éleveurs qui nous menaçaient», affirme Clarisse Johnson-Le Lober. Selon elle, les exploitants agricoles ont tout à gagner à soutenir les initiatives s’intéressant à une alimentation saine et éthique. Mais de manière générale, la polémique reste contenue car ce nouveau choix de repas reste une alternative, et non une obligation. C’est aussi ce qui rend la chose possible et compatible avec les préconisations nationales de santé. Car légalement, est-il autorisé de proposer des menus végétariens?
Le Plan national s’adapte
Le Groupe d’étude des marchés de restauration collective et nutrition (GEM-RCN), accrédité par le gouvernement, impose en effet la composition des repas pour les écoles (et dans les centres pour personnes âgées). Ses directives sont transcrites dans le Plan national nutrition santé (PNNS). Pour les menus des cantines scolaires, les recommandations comprennent un minimum de quatre plats de viande non hachée et quatre plats de poisson pour un cycle de vingt repas.
Mais depuis l’été 2015, les choses ont bougé. Les fiches techniques du GEM-RCN ont été revues et intègrent désormais le plat protidique végétarien dans la même catégorie que les plats avec viande, poisson et œuf. Le menu végétarien est constitué d’une association de céréales et de protéagineux tels que les haricots rouges et le maïs, le boulgour et les pois chiches ou encore le riz et les lentilles. «Il est maintenant acté que le menu végétarien n’entraîne pas de carences», explique Carole Vaussenat, diététicienne et membre de l’association de professionnels de santé pour une alimentation responsable (Apsares). «Les recommandations se font par type de produits. La viande est donc remplacée par un substitut protéinique : des oeufs, du soja, des légumes secs… », explique Fabrice ‘Poinat, responsable de la restauration scolaire de Saint-Étienne.
Selon les nouvelles recommandations, le plat végétarien reste limité à trois fois maximum sur vingt repas. Le PNNS n’en est pas encore à préconiser de réduire la viande. Mais ces évolutions restent un premier pas en faveur du végétarisme. Éduquer les enfants en premier lieu favorise ce changement d’habitude et estompe dans les consciences l’importance de la viande. C’est aussi l’idée des responsables du projet : «Le but est que cela se propage, mais sans injonction. Les enfants sont la cause de 45 % des achats des familles. Ils donnent même des prescriptions sur les économies d’énergie, estime Samy Kefi-Jérôme. Il y a quinze ans, le végétarisme n’était pas imaginable, mais les visions évoluent et notre initiative donne à réfléchir» Ainsi se diffusent chez nos enfants de nouvelles habitudes alimentaires plus saines et plus écologiques. Un espoîr de plus pour demain.
Une alternative, pas d’obligation
Pour les élus ayant mis en place des menus végétariens, c’est le fait de proposer une alternative qui permet d’en parler et de diffuser de nouvelles habitudes. Une obligation nationale n’aurait pas les mêmes vertus. «Quand on est contraint, on se braque», simplifie Clarisse Le Loher, élue de Pau. Pour elle, les peurs liées au végétarisme seraient encore trop fortes. Samy Kefi-Jérôme, élu de Saint-Étienne, craint les conséquences budgétaires: «Instaurer des menus sans viande génère des dépenses au départ. Nous, nous avons pu le faire grâce aux économies réalisées sur le gaspillage alimentaire.» Bref, c’est plutôt la politique des petits pas qui fait l’unanimité.
Par Claire Lecoeuvre avec l’aimable autorisation de Plantes & Santé
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