Comprendre le consommateur du réseau spécialisé bio
Après avoir proposé en 2018 un séminaire consacré à l’avenir des distributeurs spécialisés bio, et pour répondre à la volonté des participants d’intégrer à la réflexion la notion de consommateurs, Natexbio a organisé, ce 20 juin dernier, une nouvelle édition sur le thème « Pour agir, appréhender le consommateur du réseau spécialisé bio ». Au programme de cette journée riche en informations : une conférence sur les Français et leur alimentation, la présentation des résultats de l’étude qualitative des consommateurs des magasins bio puis l’organisation de groupes de réflexion sur les sujets identifiés comme majeurs par l’étude.
Évolution de l’alimentation des Français : comprendre les attentes des consommateurs par Eric Birlouez
La société française s’est transformée, au même titre que les attentes des consommateurs qui évoluent constamment. Il est donc indispensable pour les acteurs de la filière bio d’être à l’écoute de leurs clients et de comprendre leurs besoins afin d’y répondre au mieux.
Pour les aider dans cette démarche, une conférence était organisée lors du séminaire sur « Les Français et leur alimentation ». Eric Birlouez, ingénieur agronome et sociologue de l’alimentation, a ainsi évoqué les évolutions de l’alimentation des Français depuis 1950, leurs causes et conséquences.
L’occasion pour les participants de comprendre les mutations des habitudes de consommation et des comportements alimentaires de la société, sur fond d’évolution des mentalités. « La population française fait un lien entre alimentation et santé, environnement et climat », soulignait Eric Birlouez, précisant que les consommateurs « veulent donner du sens à leur alimentation ». Ces derniers sont ainsi « plus méfiants, voire défiants », et sont de plus en plus nombreux à déclarer privilégier la qualité au prix dans leurs choix alimentaires. Mais qu’entendent-ils par « qualité » ? « Bio » et « sain » sont les tendances qui ressortent des différentes études.
Ainsi, les attentes des Français sont de plus en plus nombreuses mais également « éclatées » en fonction des individus : « Il n’y a pas un consommateur, mais des consommateurs », rappelait Eric Birlouez. Sécurité sanitaire, goût et saveur, praticité, prix, santé, besoin de savoir, naturalité, local, proximité humaine ou encore bien-être animal font désormais partie des critères déterminants lors de l’acte d’achat.
En 2018, selon une étude de l’Agence Bio, un Français sur deux assurait en effet avoir modifié ses comportements alimentaires de manière significative. Cela se traduit notamment par plus de bio, de local, des plats faits maison, et une assiette qui se végétalise : s’ils souhaitent continuer à manger de la viande (93% des Français déclarent qu’ils en mangeront encore dans 5 ans), les consommateurs en mangent moins souvent et privilégient la qualité.
Pour le sociologue, ces attentes « révèlent un besoin de réassurance » des Français, de plus en plus inquiets suite aux différentes crises sanitaires. Et la bio « n’échappe pas au climat de méfiance » : « Pour certaines personnes, la bio était le graal et on voit aujourd’hui un risque de désenchantement. » Bio importée, bio hors saison, absence de l’aspect sociétal, doute sur le caractère 100% bio du produit, font partie des raisons évoquées.
« Les citoyens sont de plus en plus nombreux à vouloir reprendre le contrôle de leur alimentation, pour lui redonner du sens et de l’éthique. Les acteurs de la filière doivent savoir communiquer, tenir des discours de vérité », notamment sur la situation actuelle et les perspectives d’amélioration, concluait Eric Birlouez.
Les comportements des consommateurs du réseau spécialisé bio par Bio Développement
Également au programme pour les participants au séminaire, la présentation des résultats de l’Étude qualitative des consommateurs des magasins bio, par Biodéveloppement. Basée sur des réunions de groupes consommateurs dans plusieurs régions, elle a fait aussi appel à des entretiens avec des gérants de magasins spécialisés bio et rapporte leur vision de leur clientèle.
Plusieurs constats ont été soulignés en introduction : « La société française n’est absolument plus la même que celle qu’elle était avant » et « la bio a changé et doit changer ». L’étude fait apparaître trois grandes catégories de consommateurs fréquentant les magasins spécialisés bio, avec des attentes différentes pour chacune :
- Les « adeptes », qui représentent 35% des clients et sont « le socle » du réseau spécialisé. Ils ont une fréquentation quasi-exclusive de celui-ci, sont fidèles à l’enseigne et très informés. Leurs enfants, habitués à consommer bio, continueront de fréquenter ces magasins : les valeurs de la bio ne sont pas oubliées. Le prix n’est par ailleurs pas un frein lors de l’acte d’achat. Dans le discours à tenir, il est possible de leur parler de la planète avant la santé.
- Les « pratiquants », qui représentent 54% de la clientèle, sont la nouvelle génération qui est en migration du réseau conventionnel vers le réseau spécialisé suite, notamment, aux différentes crises sanitaires. Ils représentent « le socle de votre avenir ». Ce sont les consommateurs qui, pour des raisons de santé, de crises alimentaires ou encore de premier enfant, commencent à fréquenter les réseaux spécialisés pour mieux consommer, pour la sécurisation. Ils ont une sensibilité au prix plus importante car ils sont habitués au conventionnel, mais ne sont pas opposés à payer plus cher si on leur explique : ils ont un besoin de comprendre. Ils continuent en revanche à fréquenter l’ensemble des réseaux : leurs actes d’achats sont segmentés en fonction de leurs besoins. Ils sont plus réceptifs à une campagne de communication, au positionnement d’une enseigne et consomment bio pour leur santé, leur sécurité, avant la planète.
- Enfin, les « occasionnels », sont une clientèle qui ne développera pas votre chiffre d’affaires car elle vient pour répondre à un besoin de consommation spécifique, elle cherche un produit en particulier.
Vendre du bio n’est donc pas aisé car il existe une conjonction entre les nouveaux consommateurs et les consommateurs historiques. L’étude a ainsi cherché à répondre à la question : pourquoi consomme-t-on bio ? Pour cela, elle a opposé l’individu au collectif et la nature (au sens organique du terme) à la culture (les idées et la politique). L’objectif étant de comprendre le consommateur sur quatre aspects : la biologie (santé, sécurité), l’idéologie (faire changer le monde avec sa consommation), l’écologie et la nostalgie (le retour à des valeurs passées). Les adeptes sont par exemple beaucoup plus engagés sur l’idéologie, tandis que les pratiquants sont plus critiques et ont une consommation plus raisonnée.
Parmi les motivations, le plus important chez toutes les catégories reste l’interdiction des pesticides, puis viennent les bons nutriments et enfin la protection de la planète, le bien-être animal et les travailleurs.
L’étude indique également que le doute par rapport à la bio s’installe, tout comme la guerre des prix. Nous assistons en effet à une déferlante de produits verts non bio, sans pesticides, créant une confusion chez les clients. Les labels, notamment AB et Eurofeuille, même s’ils ont une bonne image, sont parfois mal compris par les consommateurs, qui manquent d’informations. Par ailleurs, ceux-ci ont une tendance à consommer plus facilement un produit local qui a été traité en conventionnel qu’un produit bio qui vient de l’étranger. Le label AB garde malgré tout une valeur symbolique de refuge : les clients viennent chercher la confiance, qui est un point essentiel pour les nouveaux consommateurs.
Et demain, la bio ? Trois groupes de travail et de réflexion ont été organisés lors du séminaire sur les différentes pistes apportées par cette étude : la communication, la confiance et le digital, avec pour objectif de reprendre la parole positive « et non pas d’être toujours en défensive par rapport au réseau conventionnel ».
Alice Roznowiez
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