Développer le bio est historique, salutaire et unique
Historique, parce que pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, une économie aveugle de la finitude de la biosphère, marchandant et polluant ses ressources, s’est mise dans une impasse. Seule la richesse de la biodiversité régénérée par des acteurs de valeur l’en fera sortir. Cette biodiversité est la seule assurance vie que nous puissions durablement transmettre à nos enfants, aux générations futures, car personne ne survit longtemps dans un désert d’espèces et un climat en vrille. L’agroécologie est la solution majeure pour demain nourrir le monde, comme le montrent aujourd’hui des rapports internationaux, et cela commence à se savoir. Elle est plus productive en biodiversité, condition d’une nourriture de proximité équilibrée.
Les OGM agricoles ont nourri essentiellement depuis plus de vingt ans les cochons, les vaches et les poulets des pays riches, laissant de plus en plus d’enfants pauvres dans le besoin et le désarroi, avec ses brevets sur la base de l’alimentation. Ils sont le fer de lance de l’agriculture intensive, ils la simplifient. Ils sont emplis de pesticides, soit parce qu’ils sont modifiés pour s’en imbiber, comme le soja tolérant au Roundup, soit parce qu’ils en produisent, comme les maïs Bt secrètent leur propre insecticide.
Nous avons beaucoup mieux compris la toxicité de ces produits, ces dix dernières années. Par des expériences originales que ni les industriels, ni leurs publicitaires pseudo-scientifiques, ni les agences sanitaires n’ont été capables de mener, mais nous l’avons fait : donner un OGM et/ou de très faibles doses de l’herbicide Roundup à des rats pendant une vie entière et suivre leurs analyses de sang. Nous avons alors malheureusement observé de graves maladies de foie – des stéatoses – et des reins se développer avec de grosses tumeurs mammaires hormono-dépendantes. Cela a été expliqué par plusieurs publications, dont la dernière en 2017[1], sur le Roundup et les stéatoses hépatiques, vouant aux gémonies les critiques sur les prétendues faiblesses de notre protocole ou sur, croyaient-ils, les statistiques insuffisantes. Fin 2016 nous démontrions par ailleurs, encore dans la revue de qualité élevée Scientific Reports du groupe éditorial Nature, que le maïs transgénique au doux nom de NK603 produisait de la cadavérine (cela ne s’invente pas, comme les cadavres) ; pour moi cela explique probablement une partie de sa toxicité à long terme, liée au stress que subit la plante transgénique en produisant trop de l’enzyme qui lui permet artificiellement de tolérer le Roundup.
Notre équipe à l’Université de Caen a depuis longtemps réalisé et publié beaucoup plus de recherches que nos détracteurs. Les pesticides comme les plastifiants sont des résidus de la chimie du pétrole. Les résultats sont que pour les principaux pesticides du monde, dont les Roundup ou des néonicotinoïdes, des poisons cachés sont non déclarés, classés « inertes » et confidentiels, et sont pourtant dans les mixtures des bouteilles de pesticides, appelées formulations. Ces « formulants » sont donc des résidus de pétrole très corrosifs, aux propriétés détergentes, toxiques, cancérogènes, probablement des fonds de cuves de distillation de ce liquide fossile, brûlés avec des graisses. Ils ont à eux seuls des propriétés herbicides dans le Roundup, tuent mille fois mieux les cellules humaines que les néonicotinoïdes purs par exemple ou le glyphosate, censé être le « principe actif » déclaré des fameux Roundup de Monsanto. Ce géant de la chimie, des pesticides, des OGM et des médicaments est aujourd’hui en absorption par Bayer.
Cacher ces produits ressemble fort à de fausses déclarations, d’autant que ce sont les néonicotinoïdes ou le glyphosate, ou les « matières actives » déclarées de pesticides (leurs noms chimiques), pures c’est-à-dire sans formulants, qui servent aux tests de sécurité sanitaire, pour l’obtention d’autorisations de commercialisations de produits jamais utilisés purs, mais avec ces formulants toxiques en agriculture ou jardinage. Cherchez l’erreur. De la sous-estimation de risque, très grave, et systématique, environ d’un facteur mille, sur le dos des utilisateurs…
La « bio » a de quoi être fière d’éviter les pesticides de synthèse du pétrole. On ne devrait jamais mettre cela dans de la nourriture ! Voilà pourquoi l’agroécologie représente un espoir salutaire pour demain. Et même sanitaire…
Le travail de Natexbio est unique parce que mettant en valeur les produits d’une agriculture naturelle, on en redécouvre les arômes détoxifiants. Celui qui m’a fait fleurer cela vraiment, et ouvert à ce sujet, est un Chef cuisinier nature et bio, un « artisan-cuisinier » comme il préfère se définir, au Mas de Rivet à Barjac, Jérôme Douzelet, avec qui nous proposons des formations et conférences[2] pour recouvrer plus de fierté et de connaissances récentes sur la bio et les pesticides.
Il est important que l’agriculture biologique, ses transformateurs, ses « consomm-acteurs », et défenseurs aient plus de fierté. On les rend timides par une réglementation aujourd’hui découverte comme mensongère sur les effets des pesticides, or s’en passer est un vrai bonheur et un espoir pour les générations de demain.
Tribune de Gilles-Eric Séralini
Professeur à l’Université de Caen Normandie en biologie moléculaire
Cofondateur du CRIIGEN [1], expert pour différents pays, chercheur sur les OGM et pesticides, et auteur
[1] Les références de nos études sont nombreuses, vous pouvez les demander dans leur version scientifique originale en anglais à l’auteur gilles-eric.seralini@unicaen.fr, consulter www.criigen-org, ou son dernier livre avec Jérôme Douzelet « Plaisirs cuisinés ou poisons cachés », Ed. Actes Sud, prix Chapitre Nature de l’Essai 2015, qui les contient et les explique.
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