La distribution des produits naturels et bio en Belgique
Rien de plus facile que de franchir la frontière entre France et Belgique. Aucune mer, aucun grand cours d’eau, aucune montagne ne nous sépare de nos voisins du nord, contrairement à tous les autres pays qui bordent l’Hexagone. Qui plus est, la plus grande partie de cette frontière n’est pas une frontière linguistique puisque c’est celle avec la Wallonie francophone. Pour autant, à l’instar des autres pays déjà étudiés dans ce panorama de la distribution bio à l’étranger, la situation belge, malgré la proximité, est aussi très différente de ce que l’on connaît en France.
La Belgique, « terre de contrastes »
La diversité est une caractéristique de ce pays 22 fois plus petit que la France en superficie et 6 fois moins peuplé (11,3 millions d’habitants). Diversité de paysages, mais surtout diversité économique et culturelle, en raison du multilinguisme : 57 % à 60 % de la population est néerlandophone et 40 à 43 % francophone (et environ 0,6 % germanophone). La question linguistique joue un rôle crucial dans la politique et dans l’économie du pays, en l’absence de réels contacts et échanges entre les communautés.
Des trois grandes régions qui composent le royaume, la plus riche (sur la base du PIB par habitant) est Bruxelles-Capitale, suivie de la Flandre, la Wallonie étant en queue de peloton. Mais si on regarde les 10 provinces dans le détail, c’est le Brabant wallon qui est la 3e la plus riche du pays, derrière Bruxelles-Capitale et la province d’Anvers. Ces différences économiques et culturelles ont leur influence sur le marché bio belge, comme le montre par exemple l’évolution de la consommation de produits frais et de boisson bio en fonction des grandes régions :
Dépenses des ménages belges pour les produits frais bio et les boissons bio en milliers d’euros en 2008, 2012, 2013 et 2014 (source Biowallonie)
Un marché bio qui se porte plutôt bien
Si de façon globale, la consommation, tous secteurs confondus, ne se porte pas bien en Belgique, avec une baisse du panier moyen, le bio est plutôt en forme depuis une quinzaine d’années, sa part de marché ayant atteint 2,3 % en 2014 (les chiffres 2015 ne sont pas encore connus). Le graphique ci-après montre aussi que la consommation bio en Belgique augmente de façon régulière depuis 2008, mais avec là aussi une grande différence selon les régions : +3,8% sur l’ensemble du pays entre 2013 et 2014, mais +15 % , en Wallonie.
Dépenses totales des ménages belges pour les produits bio (alimentaires et non alimentaires) en millions d’euros et évolution annuelle de 2008 à 2014 (source Biowolfonie)
Comme quasiment partout, c’est la grande distribution conventionnelle qui, avec 45 % de part de marché, est le premier canal de distribution des produits bio, même si elle a perdu un peu face aux magasins spécialisés et au hard discount entre 2013 et 2014.
En l’occurrence, ces acteurs de la GMS sont surtout les magasins Delhaize, Colruyt et, dans une moindre mesure, Carrefour Belgium qui possède pourtant 748 magasins, dont 45 hypermarchés. Très ancienne, puisque née en 1867, l’enseigne Delhaize d’origine bruxelloise – qui a essaimé ailleurs en Europe ainsi qu’aux États-Unis et en Asie – est forte de près de 840 magasins dans tout le pays. Delhaize annonce plus de 600 références bio, bien que dans les faits, le nombre de produits effectivement vendus dans chaque magasin semble être inférieur. En 1989, l’enseigne a créé sa propre gamme de produits « Delhaize » Bio », identifiés par une étiquette et un emballage orange et vert. Elle comporte des produits aussi bien alimentaire que non alimentaires (linge de bain et sous-vêtement notamment)
Avec un siège dans le Brabant flamand, Colruyt est également une entreprise assez ancienne, ayant débuté son histoire en 1925 comme grossiste. Les premiers magasins à son enseigne propre furent ouverts à partir de 1965. Colruyt a aujourd’hui 233 points de vente (dont 2 au Grand-duché de Luxembourg), classés dans les magasins discount. L’offre bio y est assez complète, avec une partie également (mais uniquement des produits alimentaires) en marque propre. Baptisée Bio-time, elle a été lancée en 1999. Depuis l’été 2015, les 250 produits qui composent cette gamme ont basculé progressivement sous une nouvelle marque, baptisée Boni Sélection Bio, destinée à être vendue non seulement dans les magasins Colruyt mais aussi dans les 110 magasins de proximité Okay qui appartiennent au groupe et chez Spar, magasins de proximité également mais tenus par des indépendants.
La distribution spécialisée
Cette marque Boni Sélection Bio se retrouve par ailleurs cher Bio-Planet, la plus importante chaîne de supermarchés bio en Belgique, qui appartient également au groupe Colruyt. C’est en 2001 que le premier Bio-Planet ouvert ses portes, le nombre de magasins atteignant aujourd’hui 17, avec une surface de 400 à 750 m2. Les Bio-Planet furent longtemps implantés uniquement en Flandre et sur Bruxelles-Capitale, mais parmi les derniers ouverts deux sont en Wallonie, à Nivelles (550 m2 de surface commerciale, janvier 2014) et à Mons (650 e, novembre 2015). L’objectif annoncé est d’avoir à terme 30 succursales dans tout le pays, plusieurs noms de ville circulant déjà. Sur les 6500 références qui composent l’assortiment moyen, plus de 3500 produits peuvent être commandés en ligne et livrés dans un des 340 magasins Colruyt ou Okay.
Origin’O, un concept moderne de magasin bio
Face à cette chaîne de supermarchés bio aujourd’hui la plus importante, d’autres initiatives se font jour, mais principalement en Wallonie. En Flandre en effet, où la croissance du marché est déjà moindre que dans la partie francophone, réussir face à l’hégémonie du groupe Colruyt est plus difficile.
La plus importante reste néanmoins Origin’O. Issue d’un magasin de produits naturels ouvert en 1990 à Louvain (Brabant flamand), la chaîne compte aujourd’hui 15 points de vente, en Flandre et sur Bruxelles-Capitale. Plus petits que les Bio-Planet, les magasins ont une surface de 200 m2 en moyenne.
En Wallonie, on rencontre Biocap, des magasins de 400 m2 dont le premier a ouvert à Bouge (Namur) en 2001, le second à Charleroi (Hainaut) en 2006, suivi d’un autre à Erpent (Namur) en 2013 et d’un dernier à Libramont (prov. de Luxembourg) en 2015. Un 5e est annoncé. 3 des 4 magasins de la chaîne Bi’OK (Corbais,Thorembais, Wavre) sont situés dans le Brabant wallon, et le 4e dans la province de Namur (Bois-de-Villers). Une extension de ce nombre est aussi prévue. Egalement avec 4 magasins à ce jour, Sequoia est implanté dans la région de Bruxelles-Capitale pour 3 magasins (Uccle, Waterloo, Stockel). Le 4e, à Wavre (Brabant wallon), est avec 300 m2 le plus petit des magasins de la chaîne, qui projette une 5e ouverture. Enfin, avec une histoire commençant par la vente sur marché d’une production maraîchère bio en 1984, Al Binète (« le sarcloir » en wallon) est une coopérative qui dispose de 3 magasins (200 à 300 m2) dans la province de Liège, à Liège même, Rocourt et Haccourt. Un 4e magasin est en préparation.
Le magasin Bio-Planet de Destelbergen, en Flandre Orientale (Photo Bio-Planet).
Cette liste n’est bien entendu pas exhaustive. Bien que le chiffre précis ne soit pas connu, il y a entre 450 et 500 magasins bio en Belgique, sans parler des herboristeries ou des magasins à la ferme. 60 % des ces magasins environ seraient en Flandre et à Bruxelles, les 40 % restants étant en Wallonie. Comme évoqué plus haut les indépendants flamands souffrent plus, en raison de ta présence, déjà ancienne maintenant, de Bio-Planet. D’autant pis que ces indépendants flamands sont en général des magasins plus petits que leurs homologues wallons : alors qu’en pays francophone il n’est pas rare de voir des indépendants avec une surface de 300 m2 ou plus, en Flandre, les magasins auraient plutôt 150 m2. L’absence de Bio-Planet en Wallonie jusqu’à il y a peu y a en effet créé des conditions plus favorables. Mais les Wallons affichent aussi visiblement un dynamisme plus grand lié à une culture et à des conditions économiques différentes. Un esprit collaboratif plus développé, un environnement économique avec moins de grandes sociétés industrielles ou commerciales et l’absence de plein emploi, une tradition agricole plus forte, toutes ces choses, et d’autres encore, expliquent le dynamisme wallon évoqué et des volontés plus fortes de développer le commerce bio.
Incluant une pépinière/ jardinerie écologique sur un site de prés de 1 000 m2 à Welkenraedt (Liège), Bio Nat’ est représentatif du dynamisme des indépendants wallons (photo Bio Nat’).
Typique à ce propos est Unadis, association regroupant une trentaine de magasins indépendants depuis 2010, et qui n’a pas d’équivalent en Flandre (Unadis visant néanmoins à fédérer également les confrères flamands). Le but est de s’entraider, d’échanger des données, de mutualiser certaines ressources, d’avoir plus de poids face aux grossistes, etc, le tout dans l’optique de mieux résister à la grande distribution.
Les principaux grossistes
A propos de grossiste, il n’est pas nécessaire ici de développer outre-mesure le sujet: cela a été fait en détail dans le n° 61 de Bio Linéaires (Sept,/Oct 2015), Force est de constater, simplement, que l’erre grossiste qui est faite aux magasins est très grande, presque surdimensionnée. Celle-ci témoigne néanmoins de la vitalité de ce marché. On constate ainsi la présence d’une multitude de petits grossistes locaux, surtout pour les produits frais, et dont l’activité, outre la question linguistique, est beaucoup basée sur la tendance forte aux achats locaux. À l’opposé, certains groupements de producteurs de fruits et légumes, italiens ou français, livrent aussi en direct des magasins qui se sont regroupés.
Parmi les entreprises plus importantes livrant dans tout le pays, il faut mentionner Hagor (groupe Natudis/Wessanen), actif sur les marchés belge et luxembourgeois, incluant logiquement dans son assortiment des marques appartenant au groupe ; Biofresh, créé en 1980, qui a un des CA les plus importants ; Mannavita (1971), qui fait aussi partie des acteurs importants, proposant des produits à sa propre marque ; Hygiena (1954), qui propose aussi des produits à sa marque ; Vajra, depuis 1982, avec aussi des produits à sa marque. D’autres entreprises se sont spécialisées, comme Delibio pour les produits frais, ou encore Ecodis David Grodent pour les produits laitiers.
Les autres points de vente de produits naturels et bio
À côté des magasins bio au sens strict subsistent également quelques magasins diététiques ou herboristeries, qui vendent des compléments alimentaires, des cosmétiques naturels et bio, des produits diététiques, etc. Ils ne sont cependant plus majoritaires, depuis l’ouverture de magasins bio de plus en plus nombreux.
Magasin Dame Nature
Dans le monde du complément alimentaire justement, outre quelques inévitables parapharmacies qui en proposent, il faut mentionner ici la chaîne de magasins Dame Nature, avec 9 boutiques de présentation très moderne et lumineuse, 6 situés en région Bruxelles-Capitale et les 3 autres en Wallonie (Louvain-la-Neuve, Nivelles et Huy). L’assortiment est composé de cosmétique naturelle, d’herboristerie, de produits diététiques et pour sportifs, de « super-aliments », et bien entendu donc de compléments. Enfin, la cosmétique bio étant évidemment aussi une préoccupation qui touche nos amis belges, on commence à voir dans les grandes villes des boutiques spécialisées, souvent associées à des cabines de soin. C’est le cas par exemple – pour ne parler que de la région de Bruxelles – de Senz, qui outre des marques majeures de ce secteur a aussi créé sa marque propre, de La Feuille ou encore de Okinaha, à l’ambiance japonaise extrêmement épurée. Sans oublier une chaîne comme iU Skin & Body Specialist (plus de 20 magasins dans tout le pays) qui propose aussi de la cosmétique certifiée, mais en parallèle de produits conventionnels.
Par Michel Knittel avec l’aimable autorisation Bio Linéaires (dossier réalisé avec la participation de Jean-Philippe Hennen (Biofresh), Dominique Crémer (Bio Nat’/Unadis), Julien Kaibeck et Biowallonie)
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