Entretien avec Bernard Kimmel de Arcadie
Bernard et Dominique Kimmel sont engagés dans la bio depuis plus de trente ans. D’abord producteurs de plantes médicinales dans les Pyrénées, ils ont par la suite été membres d’une coopérative qui est devenue Arcadie, (située à Méjannes-lès-Alès dans le Gard) société spécialisée dans les épices et arômes alimentaires biologiques. Bernard Kimmel nous raconte l’histoire de cette aventure entrepreneuriale qui conjugue avec succès croissance économique et développement responsable.
Natexbio : Avec votre femme Dominique vous êtes précurseurs en matière de plantes aromatiques et médicinales issues de l’agriculture biologique. Comment est née Arcadie ?
Bernard Kimmel: En fait Arcadie est née après une dizaine d’année passée à s’installer comme producteurs de plantes bio dans l’Aude, à participer à la création d’un syndicat de producteurs de montagne (SIMPLES) en 1982, à créer une coopérative « l’Herbier des Pyrénées » en 1985, à commencer à ouvrir un marché avec les magasins et les premiers grossistes. Arcadie a pris le relais de la coopérative en 1990 pour élargir la zone d’approvisionnement et pour introduire la gamme d’épices en provenance de Madagascar. Après un an d’activité, Arcadie a déménagé dans le Gard.
Natexbio : Depuis plus de 30 ans, vous commercialisez tout une gamme de produits exclusivement issus de l’agriculture biologique à travers différentes marques, sur les marchés BtoC et BtoB. Pouvez-vous nous présenter ces marques et ses gammes de produits ?
Bernard Kimmel: La gamme historique de plantes à tisane a pris le nom de « l’ Herbier de France » et regroupe 85 références en sachets kraft et infusettes . Les épices et autres ingrédients culinaires (champignons déshydratés, aromes, sucres aromatisés) sont commercialisés sous la marque « Cook » qui compte 160 références. Enfin , 30% du chiffre d’affaire se réalise avec les professionnels transformateurs , industriels ou artisans et certains revendeurs ou re-conditionneurs.
Natexbio : Dans quels pays avez-vous développé vos approvisionnements ?
Bernard Kimmel: Si l’on s’en tient aux statistiques, nous travaillons avec une quinzaine de pays. Par ordre d’importance, Madagascar vient en tête du fait des gros volumes d’épices. En deuxième vient la France, dont 20% de la région proche. Puis nous pouvons citer la Turquie (cumin), l’Iran (safran), le Guatemala (cardamome), l’Allemagne, l’Autriche, l’Egypte, l’Espagne , la Hongrie, etc…
Natexbio : En France, dans quels réseaux vos produits sont-ils distribués ?
Bernard Kimmel: Nos produits finis sont distribués exclusivement dans les réseaux bio spécialisés, directement ou au travers de grossistes régionaux et nationaux.
Natexbio : Vos produits sont-ils distribués à l’étranger ? Sous quelles marques ?
Bernard Kimmel: Nous réalisons 12% de notre CA à l’export, essentiellement par la vente de nos produits finis sous nos marques. Une vingtaine de pays sont concernés, mais le principal de l’activité se fait en Europe. Par ordre d’importance : Belgique, Pays-Bas, Danemark, Espagne, Suisse.
Natexbio : Aujourd’hui vous êtes à la tête d’une entreprise florissante, vous avez récemment agrandi vos locaux 2 500 m² de nouveaux bâtiments pour répondre à une croissance du marché. Comment gérez-vous ce succès ? Quels sont les défis à relever pour votre société ?
Bernard Kimmel: Notre société a suivi la croissance du marché de la bio, en ajoutant le développement à l’export qui est appelé à s’intensifier. Cela signifie un doublement de l’activité tous les cinq ans. Dans la pratique, nous sortons d’un plan d’investissements pour rentrer dans un autre. La dernière extension de nos locaux nous amène à une surface de 5000 m2 et une nouvelle tranche est à l’étude. Nous avons dépassé les 70 salariés ainsi que le cap des 10 millions de CA. Nous avons adapté notre gestion et notre façon de voir les choses à cet état de fait. Je crois que nous aurions du mal à nous réadapter à une croissance faible. La gestion d’un entreprise en forte croissance demande une approche spécifique qui intègre une préoccupation permanente pour le financement, les investissements, l’évolution des métiers, des équipes. C’est bien sûr exaltant. La deuxième génération de dirigeant a maintenant pris les rênes de l’entreprise et a parfaitement accepté de répondre au défi de la croissance, dût-elle s’accroître encore (25% en 2015).
Siège social d’Arcadie à Méjannes-lès-Alès (Gard)
Natexbio : Vous êtes engagé depuis longtemps au sein d’organisations telles que le Synabio, Bio Partenaire et Sud et Bio (Association interprofessionnelle pour développer l’agriculture biologique en Languedoc-Roussillon) dont vous vous êtes le Président. Quels sont les objectifs et les réalisations de Sud & Bio ?
Bernard Kimmel: Sud et bio est une structure interprofessionnelle régionale qui regroupe les producteurs et les entreprises sur des objectifs de développement de filières durables et solidaires. Son avantage est de représenter d’une seule voix la bio en Languedoc-Roussillon. La fusion avec Midi-Pyrénées nous amène à confronter notre organisation avec celle de notre voisin, fort différente. La nouvelle région, dont nous ne connaissons pas encore le nom sera la première région bio de France avec 250 000 ha (20% de la surface nationale). De belles opportunités nous attendent et beaucoup de travail aussi.
Sud et Bio organise des commissions de filières (7) au sein desquelles s’élaborent des projets qui sont accompagnés et aidés, grâce au partenariat privilégié dont nous bénéficions avec la Région et l’Etat. Ainsi, ont été soutenues des filières de pains locaux, la nouvelle filière de plantes aromatiques, des actions de promotions sur les points de ventes de la région et aussi au niveau national (fruits et légumes). Un observatoire est mis en place pour connaître encore mieux l’activité bio de la région.
Natexbio : L’économie sociale et solidaire fait partie intégrante de votre culture d’entreprise. Comment se traduit concrètement l’engagement d’Arcadie dans le développement durable ?
Bernard Kimmel: Arcadie s’est engagée depuis plus de dix ans dans la reconnaissance des partenariats équitable et solidaires avec nos fournisseurs de matières premières. Tout d’abord avec les projets du Sud où il faut veiller à être véritable facteur de développement et non pas accentuer les graves déséquilibres de ressources et de niveau de vie par des pratiques néocoloniales. Nous avons participé dès sa création à l’initiative de l’association Bioéquitable devenue récemment « Bio Partenaire , aux côtés d’autres entreprises importatrices (Kaoka, Euronat, Emile Noel,…).
Les labels Bio Equitable (Nord-Sud) et Bio Solidaire (Nord-Nord que nous avons élaborés (réunis maintenant sous « Bio Partenaires ») s’appuient sur la notion de partenariat durable sur la base d’un projet de développement pour les producteurs.
D’autre part, il nous a paru indispensable de progresser sur tous les aspects du développement durable et de la responsabilité sociétale (RSE). Nous avons rejoint la démarche du Synabio « Bio entreprise Durable » qui offre un accompagnement aux entreprises qui souhaitent engager une démarche structurée dans ce domaine. Les rencontres entre les entreprises sont l’ outil de prédilection pour stimuler les mises en place de plans d’actions réalistes.
Natexbio : Yvon Chouinard, le fondateur de Patagonia (entreprise californienne de vêtements techniques éco-conçus) dit lui-même que « dans une entreprise qui dure, les méthodes opératoires sont sujettes aux changements mais les valeurs, la culture et la philosophie restent constantes. » Partagez-vous cette analyse ? La bio n’est-elle pas une philosophie de vie pouvant s’appliquer à l’entreprise ?
Bernard Kimmel: La bio est issue de positionnements philosophiques et politiques qui vont bien au-delà de simples techniques agronomiques. Il y a le respect de la nature, mais aussi le respect de l’homme, la substitution du principe de concurrence par le principe de collaboration, de collégialité. Ce n’est pas par hasard si la bio a pris son essor à la suite de mai 68 et du mouvement de retour à la terre qui a suivi. Ces préoccupations, alors marginales sont maintenant sur le devant de la scène avec l’impasse écologique et économique. Nous nous considérons comme des formes de laboratoires pour les modèles de demain. La bio en tant que filière économique a déjà montré sa pertinence par son indéniable succès commercial et social.
Natexbio : Le salon Natexpo où vous étiez exposant vient de s’achever. Quel bilan tirez-vous de cette édition 2015 ?
Bernard Kimmel: C’est une très bonne « cuvée ». Il faut dire que la bio est sur un petit nuage avec des croissances à 2 chiffres qui se suivent, année après année. On peut dire aussi que la plupart des acteurs trouvent leur place en dépit des annonces alarmistes de mouvements de concentration qui ramèneraient la bio à la fameuse loi de la jungle. On entend cela depuis plus de vingt ans, mais grâce peut-être à l’esprit de partenariat très présent dans la bio, on peut constater une grande stabilité des acteurs, malgré l’arrivée de nouveaux très dynamiques
Natexbio : Les professionnels des produits biologiques et éco-responsables sont aussi des ambassadeurs du bien-être. Quelle est la formule gagnante de votre hygiène de vie ? Avez-vous un conseil à donner à nos lecteurs ?
Bernard Kimmel: Notre corps est en interaction constante avec notre environnement, à commencer par notre alimentation quotidienne qui nous fait ingérer, c’est à dire intégrer à notre propre corps des parties de la nature. Nous savons de plus en plus comment nous mettre en harmonie avec la nature et faire de notre corps un « outil » pour notre propre réalisation. Il s’agit d’abord d’être à l’écoute de notre organisme, d’être à l’écoute aussi des expériences de plus en plus abouties sur la diététique et l’hygiène de vie dont nous pouvons profiter grâce aux gigantesques progrès de la communication et de ne pas hésiter à soi-même être en recherche pour trouver son équilibre.
Propos recueillis par Natexbio
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