Entretien avec Guillaume Chopin de la Fromagerie Bio du Maine

28 avril 2014

Coordinateur de la Fromagerie Bio du Maine située à Entrammes (Mayenne), commune qui jouit d’une longue tradition fromagère,  Guillaume CHOPIN nous raconte avec passion comment, avec la coopérative Lait Bio du Maine, il a créé un fromage bio de renom : l’ENTRAMMES.

Natexbio : Pouvez-vous nous présenter la coopérative Lait Bio du Maine, ses origines, son mode de fonctionnement ?

Guillaume Chopin: Pour faire simple : tout commence en décembre 1994 : 8 paysans mayennais, producteurs de lait de vache en BIO, décident de se regrouper pour collecter et commercialiser leur production laitière avec comme volonté d’encourager et faciliter en Mayenne le développement de la production laitière BIO.

20 ans plus  tard, le groupe a bien grandi, mais a gardé la même volonté. Passant d’un statut de GIE (Groupement d’Intêret Economique) à celui de coopérative laitière en 2007, il regroupe aujourd’hui 45 paysans.

L’activité historique demeure, encore aujourd’hui, la collecte et la commercialisation du lait BIO de nos fermes. Nous sommes ainsi fournisseurs de lait pour un grand nombre de transformateurs régionaux de produits laitiers BIO, petits ou grands (produits frais, fromages, lait de consommation…).

Depuis sa création, le groupe a été animé d’un projet complémentaire, un projet encore plus fou : transformer le lait de nos fermes et commercialiser nos propres produits laitiers BIO.

C’est ainsi qu’en 2010, nous avons concrétisé ce projet et créé une petite fromagerie à Entrammes (à côté de Laval) qui est devenu également le siège social de la coop.  Nous y fabriquons une gamme de fromages de Tradition au lait cru de nos fermes, uniquement produit à base d’herbe pâturée et de foin.

Cette gamme de fromages s’appelle ENTRAMMES : un clin d’oeil à l’histoire du lieu.

Pour finir de répondre à votre question, la coopérative est dirigée par 10 administrateurs, tous producteurs de lait associés coopérateurs, qui gérent une équipe d’une quinzaine de salariés (des chauffeurs laitiers aux commerciaux en passant par le personnel de fromagerie et administratif).

Nous collectons à peine 10 millions de litres de lait par an dont une petite partie (600 000 litres par an) est transformée en Entrammes.

Natexbio : Comment s’opère la collecte de lait bio ? Les fermes sont-elles toutes situées en Mayenne ?

Guillaume Chopin: La collecte de lait se fait dans les fermes toutes les 48 heures (soit toutes les 4 traites) grâce à nos 4 chauffeurs laitiers et nos 2 camions citerne.

Pour le lait transformé en fromage, s’agissant de lait cru, nous avons décidé de collecter le lait tous les jours. Ainsi, le lait est collecté dans les fermes au petit matin et apporté à la fromagerie avant que ne démarre la fabrication vers 7h00.

Les producteurs de la coopérative sont situés majoritairement sur le département de la Mayenne mais également sur quelques cantons limitrophes. Cela engendre chaque jour d’importantes tournées de collecte de lait. Mais le développement de l’agriculture biologique est parfois à ce prix.

Natexbio : En 2010 vous créez la Fromagerie bio du Maine. D’où vous est venue cette idée ? Comment avez-vous réussi à la concrétiser ?

Guillaume Chopin: Comme je l’ai dit précédemment, il s’agissait d’une volonté du collectif de départ. Cette envie de concrétiser le projet collectif en un produit local de qualité n’a eu de cesse que de grandir avec le temps. Jusqu’au jour où la décision a été prise d’embaucher un animateur pour ce projet…. voilà comment je me suis retrouvé ici à travailler avec ce groupe de paysans.

Nous sommes passés par différentes étapes : analyses des attentes individuelles des producteurs vis à vis du projet collectif, définition du projet, étude de marché, changement de statut juridique puis création de l’atelier. Et ce n’est finalement que le début de l’histoire.

Nous pouvons résumer la création de la fromagerie et de l’Entrammes comme la conjugaison de plusieurs attentes :

  • un produit qui soit complémentaire de ceux que produisent nos clients laitiers/fromagers
  • un produit de qualité
  • un produit qui apporte de la valeur ajouté à la production laitière des fermes
  • un produit qui ait une identité locale

Quand on a rassembler tout cela, on est arrivé sur la création d’un fromage au lait cru de type Trappe.  Ce n’est pas pour rien si en Mayenne, on produit et consomme (comme dans l’Ouest de la France) beaucoup de fromage de ce type. Je ne vais pas citer les marques mais tout le monde voit de quoi je parle. En Mayenne, nous sommes dans le berceau de cette tradition fromagère liée à l’Abbaye du Port du Salut installée à … ENTRAMMES.

Pendant plus d’un siècle, l’Abbaye a produit et commercialisé le célèbre fromage. Cette activité a été cédée (marque et bâtiment) à un grand groupe fromager français qui a fermé le site au tout début des année 2000. Résultat, une histoire fromagère locale qui s’arrête…. l’opportunité de lui donner une suite était née dans nos têtes.

Les moines, enchantés du projet nous ont vendu un hectare de terrain agricole appartenant à l’Abbaye pour y concrétiser notre beau projet à 200 m de chez eux. La Fromagerie Bio du Maine allait voir le jour en octobre 2010 sur un terrain classé monument historique, car pour couronner le tout, la fromagerie est installé en plein cœur de l’oppidum d’Entrammes: l’ancienne cité gallo-romaine dont il reste ici de nombreux vestiges formidables.

Natexbio : Quels types de fromages proposez-vous ?

Guillaume Chopin: Techniquement, l’Entrammes est une pâte pressée non cuite à croûte morgée au lait cru entier de vache. Ouah ! Tout ça pour dire qu’il s’agit d’un fromage plutôt doux, à pâte souple et à la croute naturellement colorée et formée grâce aux lavages successifs à l’eau salée pendant l’affinage sur planche de bois.

Natexbio : Quelles sont les contraintes de votre cahier des charges pour la fabrication de vos fromages bio ? Elevage, fabrication et transformation, conservation, distribution…

Guillaume Chopin: A ce niveau là, on a mis la barre très haut ! A la production, la fabrication de fromages au lait cru induit un lait d’une qualité irréprochable. Pour atteindre cet objectif, nous transformons le lait le plus frais possible. Ainsi nous collectons tous les jours les producteurs qui fournissent la fromagerie (tous les 2 jours pour nos autres producteurs) alors qu’aujourd’hui la norme c’est plutôt de collecter le lait tous les 3 jours dans les fermes, même en BIO.

A la production du lait, nous avons fait le choix d’interdire l’ensilage et l’enrubannage sur l’ensemble de l’exploitation (modes de conservation humide par fermentation acide du fourrage, souvent vecteurs de contaminations du lait en flore pathogène ou d’altération du fromage). Il s’agit là de la contrainte la plus forte pour les producteurs de la coopérative par rapport aux autres producteurs Bio. L’alimentation des vaches à partir d’ensilage ou d’enrubannage est possible avec le règlement européen Bio sans limite de quantité pendant la période hivernale. Il s’agit d’une « harmonisation » par le bas des cahiers des charges BIO nationaux, alors que l’ancien cahier des charges français en limiter l’usage à 50% de la ration journalière des vaches l’hiver. Cela a certes faciliter un grand nombre de conversions d’exploitations à la bio, qui se sont faites sans réellement de changement de système de production. Pour être caricatural, on peut dorénavant passer d’un système maïs/soja conventionnel à un système maïs/soja bio. Certains diront que c’est toujours ça de pris…. pourquoi pas. Mais n’est-ce pas le rôle de la BIO que de tirer l’agriculture vers l’avant ? C’est encore un autre débat.

Pour la fabrication de l’Entrammes, on peut résumer ainsi : du lait entier et cru, tel que sortie de la mamelle, des ferments, de la présure animale, du sel de Guérande, du savoir faire et de l’huile de coude pour frotter et laver les fromages tout au long de leur affinage sur planche en bois. Ici, c’est le fromager qui s’adapte au lait et pas l’inverse !

Natexbio : Quels circuits de distribution avez-vous développés ? Travaillez-vous à l’export ?

Guillaume Chopin: Fabriquer des fromages avec du lait cru bio, produit sans ensilage, cela coute cher. Soyons clairs, on ne sera jamais les moins chers. Tant mieux, car l’objectif reste malgré tout d’assurer une rémunération correcte de nos producteurs, pas de faire la course au moins disant. Aussi, plus les circuits sont courts et mieux producteurs et consommateurs s’y retrouvent.

Nous avons fait le choix d’une commercialisation régionale en circuits courts avec une clientèle très diverse : magasins spécialisés, GMS, supérettes, restaurants, traiteurs, restauration collective, crèmerie…..  Tous les matins, notre livreur part en tournée pour livrer les clients, que ce soit pour un fromage comme pour 100. Les tournées sont effectuées avec un rythme de 15 jours pour une DLUO de 60 jours. Cette activité est complètée par quelques grossistes bio locaux.

Nous travaillons  avec une seule marque pour notre gamme de fromages : ENTRAMMES. C’est une politique parfois difficile à comprendre par les magasins. Mais pour notre petite structure, faire naître une marque, c’est déjà compliqué et onéreux, alors 2…. !  Nous avons en revanche décidé autant que possible de segmenter la gamme de produits. Ainsi l’Entrammes Tradition n’est pas commercialisé en GMS, mais on le retrouve en magasin spécialisé bio et chez les fromagers.

Pour l’instant nous ne travaillons pas à l’export. Cela nous intéresse et nous y réfléchissons.

Natexbio : Vous étiez exposant au salon Natexpo 2013. Quel bilan tirez-vous de ce salon ?

Guillaume Chopin:  Nous étions à Natexpo en tant qu’ambassadeur et représentant de la marque BIO-COHERENCE (http://www.biocoherence.fr/). Une première pour nous. Cela apporte de la visibilité et de la reconnaissance à l’Entrammes mais également à la marque BIO-COHERENCE puisque s’était l’objectif. En cela, c’était un salon intéressant. Nous avons rencontré beaucoup de distributeurs sensibles à la démarche BIO-COHERENCE, certains que nous connaissons déjà et des nouveaux.

Natexbio : Les professionnels des produits bio sont aussi des ambassadeurs du bien-être. Quelle est la formule gagnante de votre hygiène de vie ? Avez-vous un conseil à donner à nos lecteurs ?

Guillaume Chopin: Je ne sais pas si mon hygiène de vie est une formule gagnante. Pour l’instant, elle me réussit assez bien.

Peut être : Manger de l’Entrammes nourrit l’âme ! Trêve de plaisanterie, je n’ai pas la prétention de donner des conseils. A chacun de trouver son équilibre en son âme et conscience !!!!

Juste une chose : restez acteur de vous même et ne lâchez rien !

Propos recueillis pas Natexbio


Articles récents dans la même catégorie

+

Inscrivez vous à notre newsletter

Vous acceptez de recevoir nos derniers articles par email
Vous affirmez avoir pris connaissance de notre Politique de confidentialité.