Entretien avec Jean Verdier, président du SYNABIO
Jean VERDIER, PDG des sociétés Naturgie et Favols, Président du Syndicat National des entreprises bio (SYNABIO), administrateur de la Fédération Natexbio nous parle de l’évolution du secteur de la transformation bio, de ses enjeux économiques et environnementaux.
Natexbio : Pouvez-vous nous présenter les missions et réalisations du SYNABIO ?
Jean VERDIER : Le SYNABIO est l’organisation professionnelle qui fédère les entreprises françaises de transformation agroalimentaire bio ainsi que les distributeurs spécialisés disposant d’une marque propre.
Notre action se décline en quatre axes :
– Fédérer les acteurs de la bio ;
– Contribuer au développement pérenne de la bio en veillant à l’équilibre entre offre et demande ;
– Maintenir le niveau d’exigence du label bio et veiller à son application en France et en Europe ;
– Inscrire la responsabilité sociétale des entreprises au cœur de la bio.
Le Synabio met en œuvre des actions structurantes pour le secteur tant sur la règlementation bio que sur la qualité des produits, le suivi du marché et aussi le développement durable dans les entreprises de la bio.
Natexbio : Quel est le profil des adhérents du SYNABIO ? Combien sont-ils ?
Jean VERDIER : L’organisation fédère aujourd’hui 137 adhérents dans le secteur de l’agroalimentaire et de la distribution ainsi que deux entreprises qui font des produits cosmétiques. Nos adhérents sont, comme les produits qu’ils proposent, riches de diversité ! Composé de pionniers du bio, de jeunes pousses, de groupes agroalimentaires comme de PME/TPE, l’ensemble des adhérents du Synabio représente plus de 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires.
Nous comptons aussi six interprofessions régionales parmi nos adhérents qui sont autant de partenaires pour la mise en œuvre des projets du Synabio et pour le développement de la bio sur le terrain.
Natexbio : Quels sont les dossiers en cours?
Jean VERDIER : Ils sont nombreux mais on retiendra en priorité la responsabilité sociétale des entreprises avec la démarche Bioentreprisedurable®, un outil simple conçu pour les PME de notre secteur et qui leur permet de s’engager dans une démarche d’amélioration continue.
Parmi nos priorités, figure aussi la maîtrise des contaminants. Même si la bio se développe, l’essentiel des surfaces agricoles sont traitées avec des pesticides chimiques et les acteurs de la bio ont à gérer en permanence les risques de contaminations. Pour les accompagner et les aider à anticiper ces risques, nous développons une expertise grâce à une base de données baptisée Securbio®. L’idée est de mutualiser des résultats d’analyse pour ainsi d’avoir une vision globale des contaminations et des mesures de prévention à mettre en œuvre dans les entreprises.
Natexbio : Pouvez-vous nous présenter les objectifs de votre démarche RSE Bioentreprisedurable® ? L’avez-vous déjà mise en oeuvre au sein d’entreprises ?
Jean VERDIER : Nous avons souhaité donné aux entreprises de la bio, qui sont majoritairement des PME, un outil à la fois accessible et rigoureux pour structurer leurs démarches RSE. Il s’agit de positionner les entreprises de la bio parmi les pionniers du développement durable. L’enjeu n’est pas mince car si les valeurs et les pratiques sont là dans les entreprises, la formalisation et le suivi ne sont pas toujours au rendez-vous, faute de temps et de ressources humaines.
Nous avons donc travaillé à l’élaboration d’un référentiel accessible aux PME de la bio que nous avons construit avec Ecocert à partir de l’ISO 26000, la norme de référence en la matière. En 2014, Bioentreprisedurable® est né de ce travail et son déploiement est en cours depuis un an. Une dizaine d’entreprises ont franchi le pas la première année et grâce à l’accompagnement que nous proposons, nous comptons sur une accélération significative en 2016.
Natexbio : Lors de la dernière Assemblée Générale du SYNABIO, vous avez invité la Fondation 2019 qui défend un projet de fiscalité écologique appelé TVA circulaire. Quelle différence avec la taxe carbone ? Pourquoi le SYNABIO soutient-il ce projet ?
Jean VERDIER : L’enjeu du Carbone est bien évidemment prioritaire pour les générations futures mais il ne faut pas oublier les autres défis environnementaux : la qualité de l’eau et de l’air sont aujourd’hui en péril avec peut-être des impacts sur la santé publique que nous ne soupçonnons pas encore.
N’oublions pas non plus la biodiversité et la question des sols dont la fertilité est menacée à l’échelle de la planète. Selon la FAO, environ 33 pour cent des sols sont modérément ou fortement dégradés par l’érosion, l’épuisement des substances nutritives, l’acidification, la salinisation, le compactage et la pollution chimique. A cette question essentielle, l’agriculture biologique, qui repose avant tout sur un sol vivant dont la matière organique assure la fertilité, apporte une réponse évidente.
La proposition de la Fondation 2019 portée par son directeur Romain Ferrari est de ce point de vue très séduisante. Il s’agit de quantifier et de comparer l’ensemble des impacts, et non pas le seul carbone, de différents systèmes et sur cette base de construire une fiscalité plus juste.
Aujourd’hui, la production bio est assujettie au même taux de TVA que la production conventionnelle alors même que nous contribuons à la préservation des ressources. Les pollutions agricoles, en particulier la pollution de l’eau, ont un coût considérable pour la collectivité que la production bio permettrait d’économiser. Il est absurde autant qu’injuste que notre mode de production soit taxé de la même manière que l’agriculture conventionnelle !
Le débat doit donc s’ouvrir sur une fiscalité écologique qui permettrait de taxer les impacts négatifs tout en rémunérant les modes de production et de consommation vertueux. En juin dernier, Madame Corinne Lepage a fait des propositions en ce sens au Ministre de l’Ecologie dans le cadre d’un rapport sur la transition écologique. Ce n’est qu’une étape et une mobilisation de la société civile, au-delà du seul monde de la bio, sera nécessaire pour avancer sur ce terrain.
Qu’il s’agisse de l’énergie, des transports, des emballages, la transition écologique suppose des incitations législatives, financières et fiscales. Cela est vrai pour l’agriculture et l’agroalimentaire comme pour les autres secteurs et la fiscalité écologique fait partie de la palette des outils qui permettront de faire évoluer les pratiques.
Natexbio : La transformation bio est caractérisée par une croissance très dynamique et un tissu économique composé essentiellement de TPE et de PME. Quels atouts et quelles faiblesses cela représente ?
Jean VERDIER : Pour les consommateurs, la bio est étroitement associée à l’idée de filières courtes, d’acteurs à taille humaine et d’ancrage territorial. Notre tissu de TPE/PME bio est donc en adéquation avec ces attentes et c’est une chance. Le revers de la médaille c’est une certaine fragilité. Certains caps de développement ou de structuration sont plus difficiles à franchir et les entreprises ont parfois à traiter avec des clients ou des fournisseurs qui sont de vrais poids lourds. J’ajouterais qu’il est aussi plus difficile d’anticiper ou de peser sur les évolutions de l’environnement économique ou règlementaire, d’où l’importance d’une organisation comme le Synabio.
Natexbio : Selon la dernière étude ASTERES sur la transformation Bio*, 7% de la production bio est exportée. Un chiffre assez faible si on le compare à l’industrie agroalimentaire conventionnelle qui exporte 28% de ses produits. Pourquoi une telle différence ? Comment rattraper ce retard ?
Jean VERDIER : Il est vrai qu’aujourd’hui le marché national est porteur et que la priorité de nos entreprises est de répondre à la demande domestique. C’est sans doute ce qui explique cette faible part de l’export dans l’activité de nos entreprises. A cela s’ajoute les difficultés que connaissent la plupart des PME à l’international.
Natexbio : Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à un chef d’entreprise de transformation bio qui souhaiterait exporter ses produits à l’étranger ?
Jean VERDIER : Il faut d’abord bien définir ses marchés cibles. Je pense que la Chine offre par exemple de belles perspectives. Evidemment, il faut se faire accompagner à la fois sur le plan commercial et sur le plan règlementaire afin de ne pas se trouver confronté à des barrières techniques ou administratives. Plusieurs solutions existent au niveau d’UbiFrance, de la Sopexa. L’embauche d’un VIE peut aussi faciliter les choses.
Natexbio : La COP 21 où vous étiez présent avec l’agence bio s’est achevée il y a quelques jours. Quel bilan tirez-vous de ce grand rendez-vous sur le climat ? Quel rôle la Bio peut-elle jouer pour le climat et l’environnement de façon générale ?
Jean VERDIER : Je pense que l’accord du 12 décembre qui a permis de réunir 195 pays contribue à une prise de conscience universelle de l’enjeu du réchauffement. Il vient confirmer ce que nous constatons depuis longtemps dans les entreprises de la bio : l’avenir a changé de direction et nous sommes de plus en plus nombreux à vouloir le construire autrement.
Bien sûr, l’essentiel reste à faire, mais je crois que les états et les acteurs économiques vont progressivement réorienter leurs stratégies. Dans ce contexte, la bio a une carte à jouer : nos systèmes sont moins émetteurs de gaz à effet de serre car nous n’utilisons pas d’engrais minéraux qui sont très énergivores. La bio, c’est également des sols vivants plus aptes à fixer le carbone et un système alimentaire fondé sur un équilibre entre productions animales et végétales ce qui contribue à réduire l’empreinte carbone de nos assiettes.
*La transformation bio face au défi de la croissance : Eclairage sur la contribution de la transformation de produits biologiques à la richesse nationale (Document réalisé par ASTERES pour le compte de NATEXBIO ) Mars 2015
Propos recueillis par Natexbio
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