Entretien avec Laure Verdeau, Directrice de l’Agence Bio

Nommée Directrice de l’Agence Bio depuis le 11 janvier, Laure Verdeau nous parle avec enthousiasme de cette nouvelle mission et de ses enjeux. Après plus de 10 années passées dans le secteur de l’alimentaire et de l’agroalimentaire, elle compte bien aujourd’hui mettre à profit la richesse de ses expériences passées au service de l’Agriculture et de l’alimentation…

Natexbio : Laure, après ces trois premiers mois passés à la tête de l’Agence Bio, quelles sont vos missions prioritaires aujourd’hui ?

Laure Verdeau : « D’abord je souhaiterais rappeler que l’Agence Bio est une structure unique en Europe, et qu’elle réunit différentes visions de l’Agriculture Biologique. Chez nous, tout le monde se parle et discute librement des enjeux; notre mission, c’est la mise en relation des acteurs de la Bio et des écosystèmes, notre priorité, c’est l’alimentation biologique, qu’elle soit brute ou transformée, pour étoffer l’alimentation des Français.»

Compte tenu du fait que la consommation de produits Bio est en plein essor, nos objectifs sont multiples. Nous souhaitons, avec les outils dont nous disposons, rendre le Bio encore plus lisible auprès des consommateurs, mais aussi des agriculteurs souhaitant se convertir au Bio. La création d’emplois nouveaux dans les territoires reste aussi un objectif important, ainsi que de multiples autres points comme augmenter les Surfaces Agricoles Utiles, mieux structurer les filières, développer la présence du Bio dans la Restauration Collective, veiller à préserver au mieux l’environnement…les différents experts présents au sein de l’Agence Bio sont là pour créer ou renforcer les synergies existantes  entre les acteurs du Bio. En résumé, nous œuvrons à amplifier les transitions en cours vers de nouveaux modèles alimentaires et agricoles»

Natexbio : Et comment se passent les relations entre les producteurs et l’Agence Bio ?

Laure Verdeau : « Plutôt bien, et c’est tant mieux dans la mesure où ces relations sont obligatoires pour chaque candidat à la conversion biologique :).  Chaque agriculteur ou producteur qui se converti au Bio a pour obligation de se signaler auprès de l’Agence Bio. Non seulement nous les accompagnons dans leur transition, mais nous collectons, synthétisons, vérifions, analysons et partageons toutes les informations recueillies afin, au bout du compte, de délivrer l’information la plus pertinente auprès des consommateurs et des agriculteurs. C’est le cœur de notre mission. 

Notre observatoire est très « pointu » : dès le dépôt du projet de conversion, nos ingénieurs agronomes analysent et décortiquent chaque projet pour vérifier s’il est éligible au Fonds Avenir Bio. Chaque projet abouti devra être « sécurisé » par nos soins, pour que chaque euro investi grâce à ce fond ait un « effet papillon », à savoir déclencher de nouvelles aides de la part d’autres partenaires financier tels que des banques ou autres fonds d’investissements. »

Natexbio : Ce Fonds d’Avenir Bio, qu’est-il au juste ?

Laure Verdeau : « Ce fonds fut créé initialement en 2008 pour déclencher et soutenir des programmes de développement des filières biologiques en France. Il s’adresse aux acteurs économiques porteurs de projets collectifs impliquant des partenaires à différents stades d’une filière amont et aval, sur un engagement de trois ans. 

En 2008, son montant global était alors de 2 millions d’euros. En 2021, il atteint les 13 millions d’euros via son renforcement grâce au volet transition agricole du plan de relance gouvernemental, un plan qui vise à accélérer le développement de la production biologique en France par l’augmentation du nombre de projets soutenus. Ainsi, nous pouvons  désormais accorder à chaque projet validé une enveloppe maxi de 1,2 million d’euros;  c’est une belle progression !  »

Pour information, il est prévu prochainement un webinaire pour présenter ce fond :

Natexbio : Vous parliez d’information pertinente auprès des consommateurs,  pouvez vous nous donner un exemple concret ?

Laure Verdeau : « Bien sûr. Prenez le prix d’un produit alimentaire Bio, comme de la viande, des céréales, ou des lentilles Françaises. Notre mission va être de « donner les clés » au consommateur qui achète ce produit. Nous allons lui expliquer pourquoi il paye ce prix, afin qu’il comprenne et choisisse plus librement son alimentation. Les résultats de notre 18è baromètre de la bio 2020 indiquent que le prix des produits bio ne constitue plus un frein à l’achat, comme ça pouvait être le cas avant. Les consommateurs achètent plus de produits brut, en circuit court, et ils cuisinent plus, donc ils font des économies tout en achetant des produit bio. C’est un constat très intéressant pour nous.»

Natexbio : Justement, parlons de ces résultats, que peut-on retenir de votre dernière conférence de presse au sujet du baromètre de la bio 2020 ?

Laure Verdeau : « Si nous devions retenir un seul chiffre, ce serait les 15% de nouveaux consommateurs de produits Bio en France, par rapport à 2019. Même si la crise sanitaire et les deux confinements sont passés par là, et ont influencé cette tendance, cela nous prouve le que le Bio est vraiment entré dans les mœurs des Français(ses). Ce résultat nous a surpris car nous ne pensions pas que la croissance serait telle ! Cela démontre que la bio a vu son accessibilité accrue, que ce soit sur le plan économique, que géographique ou culturel. »

Natexbio : Et que peut on dire des autres tendances qui ont émergé en 2020 ?

Laure Verdeau : « Comme je l’ai dit plus haut, le frein du prix est en diminution notoire (critère en baisse de 7% par rapport à 2019); c’est une donnée très encourageante. Nous pouvons aussi remarquer que les femmes restent sur-représentées au niveau des achats (17%); et nous voyons s’affirmer de nouveaux profils d’acheteurs comme les ouvriers et employés (20%), et les 18-24 ans (21%), ce qui est très prometteur pour l’avenir; car ils resteront surement des consommateurs fidèles. On y voit aussi la confirmation d’un attrait pour les petit producteurs et faibles surfaces de vente, les marchés ou les ventes à la ferme et les artisans en général. L’an passé, les consommateurs de produits bio ont eu tendance à moins fréquenter les GMS, on verra si cela se confirme en 2021. »

Beaucoup de données sont très intéressantes, et vous pouvez accéder à tous les détails dans le lien ci-après : https://www.agencebio.org/wp-content/uploads/2021/03/AgenceBio-DossierdePresse-Barometre2021_def.pdf

Natexbio : Avec la crise pandémique, comme beaucoup d’entre nous, l’agence Bio a mis en place des outils de relation à distance, pouvez-vous nous en parler ?

Laure Verdeau : « Oui, en ce qui concerne les webinaires, c’est une solution qui est devenue assez commune et éprouvée désormais ; très pratique pour toutes les personnes qui nous suivent, et nous en produisons régulièrement sur des thèmes très variés. A titre d’exemple, le prochain webinaire traitera du thème « Réussir son installation en maraîchage Bio », un sujet qui intéresse beaucoup de jeunes porteurs de projets bio.

J’ai plus envie de parler de nos matinales, qui sont une innovation plus récente. La première a eu lieu le 19 janvier dernier et a été plutôt très bien accueillie. Le principe est simple : sur un plateau TV nous faisons débattre, avec l’aide d’un journaliste, plusieurs intervenants, donc autant de points de vue différents, sur des thématiques aussi variées que l’affichage environnemental, la notation des produits, l’analyse de leur cycle de vie, comment tester les applis de notation pour les aliments…autant de sujets qui préoccupent pas mal les consommateurs en ce moment. »

Natexbio : Du 6 au 10 septembre prochain aura lieu le Congrès Mondial de la Bio, à Rennes. Comment se positionne l’Agence Bio sur un tel évènement ?

Laure Verdeau : « En tant que partenaire bien sûr ! Ce congrès a lieu tous les 3 ans et reste un des événements majeurs de la bio au niveau mondial. Cette année, il va rassembler environ 2500 acteurs, agriculteurs, producteurs chercheurs ou simplement citoyens, qui vont réfléchir ensemble et partager autour de thèmes aussi importants que la résilience, la transformation de notre société, la régénération des écosystèmes ou la souveraineté alimentaire…En tant que pays d’accueil, la visibilité sera très positive pour la France, la ville de Rennes, et la bio Française en général.

C’est pourquoi l’agence Bio est partenaire de l’évènement et mettra l’accent sur sa double tutelle avec les ministères de l’agriculture et de la transition écologique, pour se positionner en tant véritable « instance de dialogue » auprès des acteurs du Bio. »

Natexbio : et en octobre, c’est le salon Natexpo 2021, autre évènement incontournable de la bio en France.

Laure Verdeau : « Oui ! Et nous y serons aussi bien sûr. A la fois sur notre stand en tant qu’officiels pour rencontrer nos partenaires et le public; mais aussi au travers du Natexbio Challenge, pour lequel je serais membre du jury qui auditionnera les 10 projets retenus, pour 10 jeunes entreprises de la Bio. Je me réjouis particulièrement de cette opportunité d’échanger avec de jeunes entrepreneurs passionnés et de découvrir leurs projets; cela me ramène aussi à l’époque où j’accompagnais en tant que conseil le développement de jeunes entreprises de l’agro alimentaire. »

L’Agence Bio fêtera ses 20 ans en novembre prochain. Groupement d’intérêt public chargé du développement, de la structuration et de la promotion de l’Agriculture Biologique en France. Son conseil d’administration est constitué, d’une part, par des représentants des pouvoirs publics – Ministère de l’Agriculture & de l’Alimentation – et d’autre part par des professionnels divers (FNAB, APCA, Synabio, Coopération Agricole).

Propos recueillis par Christophe Beaubaton pour Natexbio