Entretien avec Louis Jardel, Président d’Actibio
Ce mois-ci, nous sommes partis à la rencontre de Louis Jardel, qui a repris Actibio en 2022, grossiste en ingrédients bio situé à Laval créé il y a plus de 20 ans par Birgit Uetz.
Natexbio : Louis Jardel, pouvez-vous nous dire qui vous êtes, et ce qui vous a amené à reprendre cette PME, après des années passées à l’étranger ?
Louis Jardel : Je suis originaire du Limousin, de formation ingénieur en Génie Industriel à l’École des Mines de Nancy.
J’ai démarré ma carrière dans le conseil et l’audit, avant de retourner sur les bancs de l’école suivre un MBA à l’INSEAD.
Suite à cela j’ai intégré un groupe de télécoms actif sur les pays émergents. J’ai occupé différents rôles dans différents pays ; d’abord en travaillant pour l’équipe exécutive, puis en menant des plans de développement en Amérique Latine.
Le dernier pays en date était le Salvador, une filiale qui était en perte de vitesse et pour laquelle nous avons défini et exécuté un plan de redéveloppement passionnant. J’y suis parti avec toute ma famille, ce fut une expérience intéressante, très opérationnelle.
Natexbio : Et qu’est-ce qui vous a amené à envisager un autre projet professionnel ?
Louis Jardel : Depuis longtemps je nourrissais le projet d’entreprendre. Mes missions précédentes m’avaient montré que j’avais des capacités pour emmener une équipe sur un plan de développement, et j’ai donc pris la décision de monter un projet de reprise d’entreprise en France. C’était aussi un projet personnel, dans la mesure où mes enfants arrivaient à des âges où je trouvais important de les enraciner dans un tissu social, économique, académique qui leur convienne au mieux. Je souhaitais aussi identifier une entreprise qui soit porteuse de sens à long terme. Et chemin faisant, j’ai rencontré Birgit Uetz, gérante d’Actibio, et nous nous sommes compris tout de suite.
Le marché du bio avait du sens pour moi, nous avons constaté avec Birgit qu’il y avait quelque chose à faire ensemble, et nous avons vite aboutit à cette transmission d’entreprise, douce et respectueuse, dont nous sommes assez fiers. En cette phase de transition opérationnelle, Birgit reste associée à ce projet intelligent, très construit sur l’avenir. La confiance mutuelle est primordiale pour cette réussite, et je reprends Actibio avec la volonté de poursuivre un chemin déjà commencé, et ne pas faire une révolution ; juste continuer son développement en respectant ses valeurs, ses engagements, tout en essayant d’apporter ma pierre à l’édifice. C’est le sens que je cherche dans mon investissement au quotidien.
Natexbio : Justement pouvez-vous nous parler d’Actibio au moment où vous avez découvert cette entreprise ? Et comment comptez-vous la faire évoluer ?
Louis Jardel : Actibio, c’est une entreprise créée il y a un peu plus de 20 ans par Birgit Uetz, avec une activité principale de grossiste en ingrédients bio. Nous proposons une large gamme de plus de 1500 références, qui va des commodités aux produits plus techniques. Notre gamme est très large : des oléagineux, des fruits secs, des produits sucrants, des conserves, de l’épicerie sucrée et salée, ainsi que quelques marques… sans oublier toute une offre cosmétique bio, une partie importante de notre activité, qui peut apporter beaucoup à nos clients, aux équipes R&D pour développer de nouveaux produits. Nous avons aussi une activité de mélanges et de reconditionnement, pour des offres « à façon », des assemblages, comme pour les fruits secs par exemple, ou encore pour les épices. Depuis juillet 2022 nous sommes certifiés IFS, donc très investis à toujours améliorer notre système de management de la qualité. C’est une des premières exigences recherchées par nos clients. C’est très structurant pour l’entreprise, et vient justifier tout notre travail, tous nos efforts. Actuellement, Actibio compte 32 personnes. Nous sommes une équipe engagée, sur un très beau site, à Laval, dans un bâtiment récent, construit spécialement pour notre activité. Nous travaillons avec des producteurs français, européens, et du monde entier pour les ingrédients plus exotiques. Nous faisons de l’équitable, et nous veillons à améliorer sans cesse nos chaînes logistiques pour impacter positivement nos approvisionnements en ingrédients biologiques.
Natexbio : Qui sont vos clients, quelle valeur ajoutée leur apportez-vous ?
Louis Jardel : Principalement des transformateurs industriels ou artisanaux de l’agroalimentaire, à qui nous apportons toutes sortes d’ingrédients pour leurs fabrications. Nous aimons être en amont des projets avec eux dans leurs réflexions R&D, leur apporter notre aide pour sortir un « top produit » qui fonctionne, et sur lequel nous puissions assurer le réapprovisionnement. Comme nous sommes compétitifs en termes de prix sur les matières, et capables de les conditionner à la demande, notamment pour les rayons vrac, nous avons également pour clients des magasins bio spécialisés, indépendants ou en réseau, des épiceries alternatives de proximité et nous pouvons toucher un marché assez large. Nos clients nous contactent directement le plus souvent, et nous prenons aussi des contacts intéressants sur les salons. Notre équipe interne d’administration des ventes est très compétente pour traiter les demandes et conseiller tous nos clients, les orienter selon leurs besoins.
Natexbio : Comment vous positionnez-vous face à la hausse des prix des matières premières dans l’alimentaire actuellement ?
Louis Jardel : C’est assez difficile pour tout le monde ; nous avons tous la double difficulté de l’augmentation des matières premières agricoles ET des matières premières industrielles. La problématique reste dans l’impact de ces augmentations sur la demande du consommateur final et l’attractivité des produits bio devant les arbitrages que requièrent les augmentations subies. Notre objectif est de toujours être au plus proche du marché pour nos clients tout en assurant notre capacité à continuer à investir dans notre stock, notre outil de travail, notre qualité afin de permettre notre développement.
Il est primordial que l’ensemble des acteurs de la chaine de valeur puissent maintenir ou augmenter leurs niveaux de marges afin de pouvoir l’investir dans l’amélioration continuelle de la qualité des produits proposés. Devant l’inflation il est clair que l’industrie agro-alimentaire ira vers une moindre qualité et plus de volume, modèle américain que je connais bien. C’est déjà engagé et je peux vous dire que c’est la catastrophe pour les consommateurs, l’environnement, la biodiversité et à long terme la santé publique ; l’approche du bio doit être tout l’inverse : être très exigeants sur la Qualité avec un grand « Q » : qualité des filières, des produits, de l’impact environnemental, des rémunérations… Continuons notre différenciation, ne cédons pas aux sirènes du volume à bas coût. La bio n’est pas un produit ou un label, c’est une démarche engagée. Ceux qui y voient une « opportunité de marché » ou un argument « marketing » n’ont rien compris. Ils n’ont pas saisi qu’il s’agit d’assurer la transition écologique par la transition alimentaire. Et oui, cette qualité a un prix. Nous devons l’assumer pleinement.
Natexbio : Quels projets, quelle stratégie pour Actibio depuis que vous avez repris l’entreprise ?
Louis Jardel : Je souhaiterais challenger, compléter, renforcer ce que j’ai trouvé : les outils, les marchés, la qualité. Mon objectif est de continuer à faire d’Actibio l’acteur de référence du marché des ingrédients bio. Outre sa gamme très large, nous allons continuer à toujours renforcer notre Qualité, là aussi avec un grand « Q » : qualité de notre engagement, de nos produits, de notre excellence opérationnelle pour répondre aux besoins de nos clients, de nos prestations de service et bien au-delà. J’estime que nous avons une mission qui va bien au-delà du simple aspect « business » : notre développement n’est pas un objectif. C’est un moyen qui va nous permettre d’avoir un impact toujours plus important sur les défis de notre siècle : la protection de la biodiversité, la transition environnementale, le changement climatique, la transition alimentaire et la santé publique.
Natexbio : Participerez-vous au salon Natexpo en octobre prochain ?
Louis Jardel : Oui c’est important pour nous, ce salon est ultra-pertinent pour consolider les liens avec nos clients, et pour voir émerger les nouvelles tendances.
Pour en savoir plus :
Propos recueillis par Christophe Beaubaton pour Natexbio
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