Entretien avec Noah Courtial, Directeur Général des Côteaux Nantais
Noah Courtial, Directeur Général des Côteaux Nantais, nous livre sans concessions l’actualité et les engagements de cette marque pionnière de la bio en France, créée par des producteurs et transformateurs de pommes et de poires, et entreprise engagée dans la biodynamie depuis près de 80 ans.
Natexbio : Noah, vous êtes maintenant Directeur Général des Côteaux Nantais, pouvez -vous nous rappeler votre parcours professionnel ?
Noah Courtial : « Cela fait maintenant 10 ans que je suis entré aux Côteaux Nantais, après avoir travaillé dans les médias et en agence de communication sur Paris et Lyon, pour des marques alimentaires notamment, et fait aussi un passage d’un an dans l’humanitaire. Les premières années, j’étais basé à Lyon, région où il y a largement de quoi faire en tant que commercial représentant les Côteaux Nantais, auprès des magasins du réseau spécialisé bio et des grossistes. Au fur et à mesure de cette fonction commerciale, au fil des années, j’ai pris la responsabilité marketing « à distance », en montant à Nantes une fois par mois, afin de passer du temps à l’entreprise avec mon beau-père Benoit Van Ossel, participer aux réunions stratégiques et faire mieux connaissance avec les collaborateurs. Ce rythme a perduré 4 ans et demi avant que je ne m’installe à Nantes en 2016 avec toute ma petite famille, et assumer le poste de Directeur Commercial et Marketing de l’entreprise, pour prendre ainsi le relais opérationnel de Benoit, gérer les grands comptes, et approcher la Grande Distribution et l’Export, qui sont deux autres pans de l’activité des Côteaux Nantais. Le but étant au final d’avoir une réelle vision transversale de l’activité commerciale et marketing de l’entreprise. Au bout de deux ans je suis devenu Directeur Général Adjoint, et Directeur Général depuis une année maintenant. Ma fonction s’est élargie, puisque je travaille désormais aussi sur la transmission opérationnelle de la direction de l’entreprise, les problématiques de formation, d’organisation, le futur comité de direction et de management, et tout ce qui a trait à l’organisation interne et à la performance. Également tout ce qui concerne le marché, qui a bougé pas mal depuis 10 ans, puisqu’on était à l’époque à 50% entre production et transformation, et qu’aujourd’hui nous sommes plus passés à 60% en transformation et 40% à la production de fruits frais. »
Natexbio : Aujourd’hui, les Côteaux Nantais ont quel poids sur leur marché ?
NC : « Déjà, on peut dire que c’est une entreprise qui a bientôt 80 ans d’existence, on les fêtera l’année prochaine. Et qui a deux métiers : nous sommes producteurs de fruits biologiques, essentiellement des pommes et des poires, donc nous produisons et vendons ces fruits, qu’on appelle « fruits de table » dans notre jargon, et cette activité pèse environ 10 millions d’euros de chiffre d’affaires. Et nous avons ensuite la partie « transformation », c’est à dire les purées de fruits, les compotes, les jus, le vinaigre… qui représente 15 millions d’euros de chiffre d’affaires. Nous sommes actuellement 135 personnes à travailler aux Côteaux Nantais, avec une centaine d’hectares de vergers en propre, et tout un réseau de producteurs partenaires qui nous fournissent le complément de fruits dont nous avons besoin, que ce soit pour le frais ou pour la transformation. »
Natexbio : Quels réseaux de distribution pour vos produits ?
NC : « C’est une chose qui n’a pas trop changé, nous sommes à 80% sur le réseau spécialisé bio en fruits frais ou en produits transformés, et c’est ça qui nous a mis un peu en difficulté depuis quelques mois ; le reste se répartit à 10% en GMS et 10% à l’export. C’est une constante qui n’a pas évolué depuis des années, même si la partie transformation s’est bien développée. Mais on a élargi notre portefeuille clients autour des centrales d’achat et des grossistes, qui sont devenus nos interlocuteurs privilégiés. Nous ne livrons plus les magasins en direct, même si ces derniers sont tous visités par notre force de vente externalisée Canal Bio. »
Natexbio : Êtes-vous présents sur certaines « niches » de produits ?
NC : « Plutôt que de parler de niches, j’utiliserais le terme de « Domaines d’Activités Stratégiques ». Le principal étant les purées de fruits, historiquement à base de pommes, qui représentent 40% de notre CA. Suivi par les compotes, confitures et gelées, quant à elles, qui représentent 25% de ce CA. Nous avons beaucoup investi sur ce dernier segment pour gagner en qualité face à la concurrence. La transformation des fruits est devenue notre cœur de métier. Aujourd’hui, nous proposons de la purée de pommes en conditionnement de 120g, et jusqu’à 1,6 kg en bocaux verre. Nous avons même lancé une offre en 3 kg en format « push up » autoportant, à la manière d’un « bag » de jus de fruits. Nous avons aussi développé une offre de compotes de fruits autres : de l’abricot, de la pêche jaune, ou de la rhubarbe par exemple . Et enfin la partie liquides, qui va être représentée par les vinaigres de cidre, les jus de fruits, les pétillants sans alcool, et les cidres. Sans oublier la partie Export qui se développe doucement au travers de marques spécifiques.»
Natexbio : Le sourcing, est réalisé uniquement interne ou avez-vous des accords avec d’autres filières ou producteurs ?
NC : « Ce qu’on peut préciser, c’est que nous avons une capacité de production unique, et qui se développe, c’est la biodynamie. Toute notre production est en biodynamie labellisée Demeter depuis 1998. Et même avant cette labellisation, nous pratiquions ce type d’agriculture au sein de nos vergers. Au fur et à mesure de notre développement, nous sommes allés la chercher à deux échelles.
D’abord auprès de nos vergers partenaires de producteurs français, dans un rayon de 150 km autour de notre site près de Nantes, avec cinq producteurs différents. Nous avons alors regroupé nos entreprises sous une appellation nouvelle, « Les vergers d’avenir », dont l’ADN reste la production en biodynamie. Ainsi nous augmentons notre capacité de sourcing et de production en biodynamie. Mais comme cette capacité restait limitée nous l’avons élargi par des partenariats Européens, en Allemagne et dans le nord de l’Italie. Cela nous permet de répondre à toutes les demandes en biodynamie, que ce soit pour les produits transformés comme pour les fruits de table.
Et depuis quelques années, nous avons noué d’autres partenariats avec des producteurs français de fruits bio, que nous accompagnons depuis la conversion jusqu’au passage en bio. Et pour ceux qui sont intéressés, nous leurs proposons de travailler ensemble sur la partie biodynamie, uniquement sur les pommes et poires. »
Natexbio : Quel est le profil de vos consommateurs, qui aime et achète vos produits ?
NC : « C’est toujours difficile de répondre puisque nos consommateurs sont « noyés » parmi la clientèle des magasins bio ; nous n’avons pas de détails car pas trop de datas sur le sujet, mais nous savons quand même que notre cœur de clientèle est plutôt représenté en MSB par des femmes, avec enfants, donc des familles, avec des profils de 35 ans jusqu’à 60 ans, et une appétence pour des produits familiaux, consommés par tous.
Par ailleurs, nous avons constaté durant la crise de la Covid que la meilleure vente des Côteaux Nantais était la purée de pommes, conditionnement pot de verre de 1,6 kg. Donc on sait que notre cible est familiale et que ce sont en majorité les mamans qui achètent nos produits. Mais on voit apparaître de nouveaux profils de consommateurs, via notre site internet e-commerce, créé il y a un an, où les profils d’acheteurs sont très équilibrés, 50% hommes et femmes, élargis à la fois vers les plus jeunes et les plus seniors. Le site nous permet d’affiner nos cibles marketing. »
Natexbio : Suite à la crise sanitaire, qu’est ce qui a changé pour vous depuis deux ans ?
NC : « Pour nous, cette crise a été une épée à double tranchant. Clairement, nous avons eu en 2020 une accélération des ventes de produits transformés, en raison du phénomène de stockage et de surconsommation de la part des acheteurs ; et à l’inverse, pour la partie fruits frais, nous avons connu une stagnation des ventes, voire une décroissance. En 2021, nous avons constaté un faible ralentissement des ventes en produits transformés, malgré un recrutement de nouveaux consommateurs, et pour être tout à fait honnête, un ralentissement plus net de l’activité depuis septembre 2021, pour revenir au niveau de 2019 et de la période « avant Covid ».
Beaucoup de marques et de réseaux se sont gargarisés du fait qu’ils allaient maintenir cette activité de forte consommation, et finalement on se rend compte aujourd’hui que ce n’est pas le cas, le souffle est retombé et nous sommes actuellement en train de voir comment nous allons passer ce cap et répondre à la demande, pour laquelle nous avions recruté et augmenté notre capacité de production les deux années précédentes. Cela ajoute une tension au contexte conjoncturel du marché. »
Natexbio : Et pour vous, que signifient les valeurs de la bio ?
NC : On nous a souvent posé cette question ; et je n’aurais pas répondu la même chose avant et après la crise sanitaire. Il y a eu un changement de paradigme, pour nous qui avions accompagné depuis plus de 20 ans les acteurs du réseau spécialisé dans l’évolution de la bio.
Depuis 6 mois à un an, nous avons remarqué un changement de la part des consommateurs, qui souhaitent plus de naturalité, de local, du circuit court, du sens et de la transparence. Au final, en tant que fournisseur du marché bio en France, on doit se renouveler pour redéfinir quelles sont les valeurs, les critères de nos consommateurs. On se réoriente donc sur le local, pour avoir plus de sens et d’impact au niveau environnemental, et c’est ça qui redéfinit les valeurs de la bio. Il ne faut pas voir uniquement le label, mais prendre en compte les attentes des consommateurs, qui vont au delà : les valeurs humaines de l’entreprise, la RSE, l’impact généré dans son propre environnement. Il ne faut pas répondre simplement à un cahier des charges, mais adopter un engagement total à tous les niveaux possibles. Aujourd’hui ce n’est pas le critère AB qui déterminera l’engagement des entreprises sur le marché de la bio, il faut dire quand même qu’il y en a qui se sont converti au bio par opportunisme, et ils se rendent compte aujourd’hui que ce n’est pas la panacée, et pour certains, reviennent en arrière. Les valeurs de la bio, c’est quelque chose de profondément enraciné, et que nous, nous possédons aux Côteaux Nantais depuis près de 80 ans, c’est ça qui fera la différence demain. »
Natexbio : Votre entreprise est engagée dans une démarche RSE. Concrètement quelles actions avez-vous mis en place ?
NC : « Déjà le fait d’être producteur, avec un lien direct à la terre, donc un impact environnemental qui nous amène à défendre la biodiversité et prendre en compte tous les éléments de la nature dans la production de nos fruits, et dans leur transformation, étape où la dépense énergétique est la plus importante. Nous minimisons au mieux cette dépense, en valorisant les déchets de bois et de palettes pour produire de l’électricité. Et aussi au niveau social, nous sommes labellisés « employeur certifié », c’est à dire qu’au delà de créer un poste de travail, nous nous engageons auprès de nos salariés à diminuer leur impact environnemental et énergétique, en facilitant par exemple leur transport en co-voiturage, par des ateliers participatifs à l’éco-conception, ou sur le bien-être au travail. Cette intelligence collective est mise en place sur le temps de travail pour tous les collaborateurs.trices qui nous rejoignent.
Cet engagement se joue aussi en termes financiers. Il y a 4 ans nous avons fait entrer des actionnaires dans notre capital, et avons choisi comme actionnaire principal un fond d’investissement, Quadia, spécialisé dans l’impact environnemental et la RSE. Ce fond a pour objectifs de diminuer notre impact énergétique au quotidien, et au fil des années, favoriser la réutilisation de contenants comme les bocaux en verre, en participant à des ateliers sur le sujet avec Biocoop…nous prenons du temps pour réduire au maximum notre impact. »
Natexbio : Quels sont les projets pour cette année et 2023 ? De nouveaux produits ?
NC : « Nous devons chaque année innover et proposer de nouveaux produits. C’est un des piliers des Côteaux Nantais, et la volonté d’accompagner la différenciation au sein du réseau spécialisé. Cela ne peut se faire qu’en proposant des nouveaux produits. Notre grosse nouveauté cette année, c’est une gamme de desserts de fruits au rayon frais, pour du snacking par exemple. Nous utilisons une technologie intéressante du point de vue du goût : la pasteurisation à froid sous haute pression, qui conserve un maximum de qualité au produit, mais avec une DLC courte, donc adaptée au rayon frais, et des produits innovants qui n’existent ni en GD, ni jusqu’alors en magasins bio spécialisés. Par ailleurs nous avons lancé des purée de pommes mélangées avec des fruits exotiques, des nouveaux conditionnements très familiaux en poches 3kg, et d’autres choses encore… »
Natexbio : Et Natexpo 2022 ? Toujours fidèles à ce rendez-vous ?
NC : C’est bien que le salon de Lyon passe aussi cette année sur trois jours. C’est pour nous le salon incontournable, la rencontre en France de tous les acteurs du marché, national et international. C’est l’un des salons auquel nous sommes le plus fidèles, car il a pour nous plus de sens que le Sial, qui est devenu une trop grosse machine alimentaire, qui ne met pas assez en avant les valeurs de la bio. Natexpo reste pour moi le salon « fort », qui va au-delà de la bio pour défendre la nature dans tous les sens du terme. C’est un rendez-vous toujours très riche au niveau des échanges entre acteurs et distributeurs. »
Propos recueillis par Christophe Beaubaton pour Natexbio
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