Entretien avec Benoit Soury, Président de Natexbio

Directeur Général de La Vie Claire depuis 2002, administrateur de Synadis Bio et Président de Natexbio, Benoît SOURY nous présente le contexte et les défis de la filière des transformateurs et distributeurs bio.

Natexbio : 2015 a été une année exceptionnelle pour toute la filière Bio qui a enregistré une croissance à deux chiffres. Sommes-nous arrivés au sommet de la vague ?

Benoit Soury : Après une année 2015 euphorique, nous vivons un début d’année 2016 exceptionnel en termes de croissance du marché.

Cette évolution bouleverse l’ensemble des filières de production, de transformation et de distribution des produits biologiques, car il s’agit d’un niveau de croissance de la demande, encore jamais vu.

La pression pour obtenir plus de matières premières biologiques en terme de quantité, ne doit jamais faire oublier l’exigence intact en terme de qualité qui est la clef de voûte de la confiance des consommateurs dans notre filière.

Cette croissance aiguise naturellement les appétits des opérateurs du marché qui poursuivent leurs investissements, mais favorise aussi l’arrivée de nouveaux opérateurs à l’instar de Lustucru ou Danone qui viennent de réaliser des opérations d’acquisition d’industriels et favorisent la consolidation du secteur.

Quelles places et ambitions auront-ils ? au service de quels marchés et de quelles valeurs ? irrigueront ils la croissance du marché en regroupant d’autres entreprises ? quelles influences possibles sur les cahiers des charges de l’agriculture biologique de demain ?…..autant de questions ouvertes auxquelles ses acteurs auront à répondre demain

Natexbio: Quelles sont vos prévisions économiques pour le marché bio 2016 ?

Benoit Soury : La belle croissance de 2015, supérieur à celle de 2014 de façon significative, semble se poursuivre sur 2016 ; notons que cette croissance profite essentiellement au circuit des magasins spécialisés, à la vente de produits alimentaires, en particulier les produits frais et les fruits et légumes.

Cette évolution de la demande des consommateurs est parfaitement tracée par les instituts spécialisés qui confirment la fidélité des consommateurs envers les produits et marques spécialisés en produits biologiques d’une part, et d’autre part, la croissance du nombre de consommateurs – acheteurs de Bio.

Natexbio : Selon l’Agence Bio, la surface agricole en bio en France fin 2015 a progressé de +17 % par rapport à 2014. Les capacités de transformation des produits bio sont-elles suffisantes pour absorber cette croissance ?

Benoit Soury : La très forte croissance des surfaces agricoles converties au Bio en France constitue d’abord une excellente nouvelle pour la filière ; en effet la volonté des consommateurs de consommer Bio et Local, via les magasins spécialisés, ne peut trouver meilleur réponse que le développement, dans de nombreuses régions de France, des hectares dédiés à l’agriculture biologique.

La réduction de notre dépendance aux produits agricoles importés constitue également une excellente nouvelle, en priorité pour la filière des magasins spécialisés, la grande distribution ayant souvent une démarche moins orientée vers l’agriculture de proximité.

L’industrie de transformation, sauf rare exception de produits, est calibrée pour satisfaire la demande ; ses capitaux familiaux originels sont néanmoins en phase de transformation et les notions d’investisseurs financiers, de multinationales, de regroupement ont marqué l’actualité de ces derniers mois.

Natexbio : La grande distribution communique de plus en plus sur son offre de produits bio. Récemment Carrefour a affirmé vouloir «démocratiser le bio, dans une approche plus ouverte, moins militante que les spécialistes ». Qu’est-ce que cela vous inspire? 

Benoit Soury : Au-delà des discours et de l’ambition affichée de tel ou tel opérateur ou enseigne de la grande distribution, il est normal de constater que la croissance de notre marché suscite des appétits marqués ; on ne peut croitre en Bio à un rythme 10 à 12 fois supérieur au marché traditionnel, sans imaginer que cela suscite des convoitises ; à défaut de vouloir ou pouvoir contrôler ces dernières, aux opérateurs spécialisés d’écrire leur histoire, de développer leurs singularités, de se remettre en cause pour garder ce supplément d’âme et des avantages concurrentiels réels ressentis par les consommateurs

Natexbio : Les magasins spécialisés bio sont aussi concurrencés par la vente directe de produits bio qui se professionnalisent Cela représente-t-il une menace latente pour les franchises et les indépendants bio ?

Benoit Soury : Le développement de la vente omni canal touche naturellement notre secteur d’activité ; au départ, l’impact s’est surtout fait sur des gammes de produits non alimentaires pour la vente sur Internet et, sur les marchés, à la ferme ou par abonnements, pour les fruits et légumes ou produits frais.

Les données chiffrées du poids de ses opérateurs restent encore assez mesurées – néanmoins la volonté des consommateurs d’être et d’agir au plus près des lieux de production et/ou de transformation, constitue un phénomène que nous ne pouvons ignorer.

Les magasins spécialisés, par leurs implantations et par l’engagement social et sociétal de leurs dirigeants et salariés, sont parfaitement en capacité d’être des acteurs de cette évolution de la distribution, pour peu qu’ils la considèrent comme une opportunité de croissance et non comme un risque à endiguer.

Natexbio : Amazon qui référence des produits bio depuis quelques mois, vient de lancer Prime now un service de livraison à domicile de produits frais en moins d’1 heure. La distribution spécialisée a-t-elle les moyens de proposer un tel service ? Comment répondre à Amazon?

Benoit Soury : Amazon est un champion de la communication avec de fort relais d’opinion et un innovateur réel dans la distribution.

Cette nouvelle forme de distribution, qui ne constitue pas encore un modèle économique rentable avéré, doit surtout inciter les opérateurs spécialisés à prendre des risques et à offrir de nouveaux services aux consommateurs.

Le Drive, le Click & Collect, la livraison à domicile, les places de marché….constituent autant de pistes pour l’avenir de la distribution qui, pour se renouveler, doit sans cesse se réinventer !

Natexbio : Une étude menée l’année dernière à la demande de Natexbio a mis en lumière un double défi pour le secteur bio : continuer à investir en se recapitalisant et en se concentrant, continuer à croître en répondant à la demande locale mais aussi en se développant à l’export. Cette analyse est-elle toujours d’actualité ?

Benoit Soury : La Fédération Natexbio, dans le cadre des études qu’elle confie à des Instituts spécialisés, cherche à mieux connaitre et à analyser le contenu de notre filière.

La dernière étude de 2015 que nous remettons à jour cette année en étendant son champs à la filière distribution, nous révèle l’exigence pour les acteur de la transformation mais aussi de la distribution, d’étendre leurs terrains de jeux ; pour se faire l’innovation produit, la mutualisation des investissements, l’internationalisation des savoirs faire ou des concepts, sont une nécessité pour mieux préparer l’avenir d’un marché français qui se sera pas indéfiniment en croissance forte.

Natexbio : Le 17 novembre prochain se tiendront les Rencontres de Natexbio. Pouvez-vous nous présenter en quelques mots le programme de cet événement ?

Benoit Soury : A Lille, le 17 Novembre 2016, au sein de l’Institut Supérieur d’Agriculture, nos échanges porteront sur la Bio et le Bien-être.

Ce sera l’occasion d’échanger avec Nicolas Bouzou économiste, Laurent Croguennec DG de Ecocert Environnement, le Docteur Lecerf spécialiste de la nutrition, Romain Ruth Président de Cosmébio et d’autres spécialistes.

L’idée principale de ces Rencontres réside dans la déclinaison du Bio et Bien être, pour le Consommateur, pour sa forme physique, pour sa beauté, pour notre planète et pour nos entreprises et nos collaborateurs.

Je suis certain que nous serons nombreux autour de cette thématique ambitieuse !

Propos recueillis par Natexbio