Entretien avec Diego Garcia de Brochenin
Diego GARCIA est le Directeur Général de la société Jules Brochenin SA, une PME d’une cinquantaine de personnes spécialisée dans l’huilerie et l’import-export de fruits et d’oléagineux issus de l’agriculture biologique en tant qu’ingrédients bio et des produits bio MDD. Il nous présente son histoire et celle d’une démarche éco-responsable.
Natexbio : Pouvez-vous nous présenter la société Brochenin? Son histoire, ses produits, sa diversification.
Diego Garcia: Jules Brochenin est une société familiale avec 2 actionnaires principaux : l’un s’occupe de la partie trituration-huilerie bio (olive, tournesol, colza, carthame …) et l’autre des importations des produits tropicaux bio (coco, bananes, ananas, graines de sésame, chia, agave…). La société a été fondée en 1990, les 2 associés travaillaient les produits bio depuis 1981. Le défi de créer une société autour des valeurs propres et des exigences bio nous a occupés à plein temps. Nous sommes très fiers d’avoir travaillé la première huile d’olive bio, la première banane bio, la première huile de palme bio, la première margarine bio, les premières graines de chia bio…
Natexbio : Vous importez de nombreux fruits tropicaux venant d’Amérique Latine et d’Afrique. Comment avez-vous développé votre filière d’approvisionnement ?
Diego Garcia: Je suis d’origine latino-américaine, habitué aux contacts transatlantiques. Mon but était de construire des filières bio stables, qui n’existaient pas à l’époque: huiles d’olive, huiles des tropiques -palme, palmiste, noix de coco-, margarines végétales, sésame, chia, agave… Le commerce bio exige beaucoup d’audits sur place et avec les années, avec la compagnie des inspecteurs bio, on arrive à mieux comprendre l’agriculture et ses contraintes, l’éthique des acteurs impliqués, la traçabilité, les critères de qualité et la fraîcheur de chaque produit, les logistiques, les finances…
Natexbio : Vous êtes pionnier de l’importation du Chia, une graine oléagineuse encore très peu connue en France. Pouvez-vous nous présenter sa culture, son mode de consommation, ses vertus…
Diego Garcia: Votre question pourrait faire l’objet d’un livre ! Il y a environ 4000 ans le chia était l’une des cultures principales des indiens sédentaires de l’Amérique Latine, notamment les mayas et les aztèques. Son intérêt nutritionnel est basé sur ses fibres hydrosolubles (fibres, satiété), son contenu record d’oméga 3, ses protéines, ses minéraux -calcium, magnésium, sélénium, la liste est longue-. Sa culture est simple, son rendement intéressant, et son cycle agricole très court permet jusqu’à 3 récoltes par an. Son statut « nouvel food » dans l’Union Européenne a freiné son développement (l’huile de chia est interdite à ce jour, car trop riche en oméga 3). Pour plus d’information: http://biochia.blogspot.fr/ ou tapez dans votre navigateur: chia bio brochenin.
Natexbio : Vous êtes engagé au sein d’organisations professionnelles telles que le Synabio. Pouvez-vous nous parler des actions que vous y menez ?
Diego Garcia: En tant qu’administrateur et trésorier, je suis à l’écoute amicale des entreprises bio adhérentes pour comprendre et mieux affiner les différentes orientations de nos travaux, dégager les priorités à suivre car nos moyens sont limités. Le Synabio est le seul syndicat professionnel des entreprises de l’aval de la filière bio au niveau national en France. Vous pouvez suivre ses actualités sur son site synabio.com. Les 2 activités les plus importantes à ce jour sont ses programmes, comme l’adaptation de la RSE aux spécificités des entreprises bio « Bio Entreprise Durable » et la mutualisation des analyses et les statistiques des pollutions non-bio dans le programme « Sécurbio ». D’autre part, le suivi de la réglementation bio, sa nécessaire évolution au niveau de l’UE et du monde, l’application des tolérances et des limites font partie des bases de travail et des services.
Notre syndicat est l’intermédiaire incontournable entre les entreprises bio adhérentes et l’entourage politique, administratif et médiatique: l’Agence Bio, les ministères en charge de l’agriculture et de l’environnement, les familles professionnelles agricoles travaillant la bio comme la FNAB, l’APCA et les Coopératives de France, l’INAO, les inter-professions, les relais bio régionaux, la presse, les ONG engagées dans notre voie comme Générations Futures, la recherche.
Natexbio : Lors des Rencontres de Natexbio du 6 octobre à Marseille, vous êtes intervenu sur le thème de la réglementation qui est un élément fondateur et essentiel pour pérenniser la confiance du consommateur. Pouvez-vous nous rappeler les idées clés de votre intervention ?
Diego Garcia: La confiance des citoyens et des consommateurs doit se construire quotidiennement autour des informations claires, solides, cartésiennes. La réglementation est le pilier le plus visible pour être le garant de la méthode de production biologique tout le long des filières : agriculture, transformation, distribution. Mon idée est de lutter d’abord contre les divisions internes de notre mouvement et d’aller vers une unité de communication, sobre et respectueuse d’autrui. Car le respect est le socle bio. Nos concepts sont universels et nous devons les maintenir lisibles et accessibles à tous. Mettre en avant les qualités et la spécificité de chaque produit bio, son impact socio-environnemental, leur intérêt nutritionnel, voilà mon but.
Natexbio : Vous vous êtes aussi exprimé sur la dimension collective non marchande de Brochenin et sur sa responsabilité sociétale. Comment se traduit concrètement votre engagement dans le développement durable ?
Diego Garcia: Notre engagement en tant qu’entrepreneur suit le programme Bio Entreprise Durable, un outil mise à disposition des adhérents du Synabio. Notre société a pu ainsi commencer à mesurer son empreinte sociale et environnementale. Ceci nous a aidés à mieux comprendre et avancer dans le cadre de nos salariés, dans nos relations avec la société civile -avec des conférences, des journées portes ouvertes, des blogs-. Concernant notre activité industrielle et commerciale, nous avons amélioré le contrôle de nos effluents (eaux) et diminué notre consommation énergétique avec un objectif à 10 ans qui inclut nos dépenses d’énergie à titre d’action commerciale. Le but est ambitieux : arriver à compenser toute notre dépense de CO² avec des économies d’énergie et des projets liés à notre approvisionnement des produits agricoles biologiques -plantation d’arbres, mise en place des projets agro-forestiers avec nos fournisseurs-.
Natexbio : Les Rencontres de Natexbio ont été l’occasion de réfléchir ensemble à l’avenir du bio. Quelle est votre vision du futur de la bio ?
Diego Garcia: Je pense comme les Romains, « l’union fait la force », et dans le monde le mouvement bio va devenir fort car il est uni. Notre connaissance va beaucoup augmenter grâce à l’intensification de nos relations sociétales. Le monde numérique qui s’ouvre à nous sera l’instrument nous permettant de mieux nous organiser. Notre monde « connecté » va nous permettre de prendre conscience de la multitude des impacts de notre consommation quotidienne dans un monde changeant devenu bien plus difficile à cerner. Tout porte à croire qu’un développement important des produits bio sera fait dans l’intérêt de l’humanité, dans le sens de l’histoire. Nos sociétés finiront par taxer ou interdire les produits-pollueurs et par promouvoir la consommation des produits véritablement responsables.
Gardez en tête : le défi du XXIème siècle, « produire mieux avec moins… » Moins d’eau, moins d’énergie, moins de terres arables, tout en affrontant le réchauffement de la planète et la baisse de la biodiversité… L’agriculture biologique est la seule à relier la performance écologique, technique, sociale et économique pour répondre aux enjeux de l’alimentation humaine, tout en contribuant à préserver nos ressources naturelles.
Diego Garcia: Natexbio : Les professionnels des produits bio sont aussi des ambassadeurs du bien-être. Quelle est la formule gagnante de votre hygiène de vie ? Avez-vous un conseil à donner à nos lecteurs ?
Non, je ne souhaite pas donner de formule car chaque individu, chaque famille devrait trouver sa propre voie par ses propres moyens, tout au long de sa vie. Il faut se méfier de la « solution toute faite », et encore plus du « problème tout fait ». La vie ne s’arrête jamais de s’adapter, d’évoluer, de changer… et ce rythme va en augmentant. Mon conseil serait du « déjà vu » : vivre plus simplement, en décalage décomplexé, manger plus doucement, privilégier la qualité à la quantité. Mettre au centre l’être humain, avec le plaisir de créer une qualité de vie nouvelle et contemporaine, avec le plaisir d’être acteur de notre responsabilité environnementale.
Propos recueillis par Natexbio
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