La distribution des produits naturels et bio au Danemark
Article Bio Linéaires n°103 septembre/octobre 2022
Champion du monde de la part du bio dans la consommation alimentaire et vice-champion du monde de la consommation par habitant en valeur : le Danemark est d’évidence un pays où la Bio a le mieux réussi à convaincre. Mais ce n’est sans doute pas pour autant un modèle apte à faire rêver le réseau spécialisé français.
Une croissance constante forte
La distribution des produits bio au Danemark a déjà été présentée dans nos pages, à savoir dans le n°88 de mars/avril 2020. Les derniers chiffres disponibles remontaient alors à l’année 2018.
À l’instar de plusieurs autres petits pays européens, petits au regard de leur population (moins de 10 millions d’habitants) mais à l’économie en général prospère, comme la Suisse, la Suède, le Luxembourg ou encore l’Autriche, le Danemark est un marché où le bio est de toute évidence ancré dans les habitudes du quotidien. Certes, concernant la production agricole, seuls 11,4 % de sa surface utile est cultivée en bio (chiffre 2020), loin derrière le trio de tête (Liechtenstein 41,6 % ; Autriche 26,5 % ; Estonie 22,4 %) mais toujours mieux que les chiffres français (8,8 %) ou belges (7,2 %), et en plus avec une croissance constante (2020/2019 : +5,1 % ; 2020/2010 : +85,0 %).
Mais les données qui impressionnent, dans ce pays pionnier de la certification bio comme la France (le label bio national y est né dès 1987, deux ans après nous), ce sont celles relatives à la consommation. Selon les derniers chiffres du FiBL, portant sur 2020, le Danemark est une nouvelle fois, comme depuis de nombreuses années le champion du monde de la part du bio dans l’alimentation, avec une proportion de 13% devant l’Autriche (11,3 %), la Suisse (10,8 %), le Luxembourg (9,1 %) et la Suède (8,7 %). Pour mémoire, cette part était de 6,5 % en France cette même année 2020. Pour certaines familles de produits, comme les œufs, le lait ou la farine, la part de marché du bio dépasse même les 30 % au Danemark. Elle atteint même 65 % pour les substituts végétaux des produits laitiers et 66,5 % pour les bananes.
Et si pour ce qui concerne les dépenses moyennes par habitant le pays n’est pas le n°1 mondial, qui est la Suisse (418 € en 2020), il la talonne de près avec 384 €, les suivants étant largement derrière (Luxembourg 285 € et Autriche 254 €). Les Français et les Belges, bien que figurant très honorablement dans le « top 10 » ne consommaient alors respectivement que 188 € et 77 €.
Qui plus est, le Danemark était en 2020 le pays européen avec la plus forte croissance du marché vs. 2019 (+13 %), derrière l’Allemagne (+22,3 %), la Suisse (+19,1 %), l’Autriche (+18 %) et l’Irlande (+16,2 %), et ce dans un marché alimentaire qui avait alors plutôt tendance à stagner. La croissance danoise 2019 vs. 2018 avait été de +9,9 %.
La part de marché de la Bio a été multipliée par 4 depuis 2005 et la consommation par habitant par 7 depuis 2001.
Un marché au montant important
Grâce à cette consommation par habitant élevée, le montant total du marché bio danois est loin d’être négligeable malgré les seulement 6 Mio d’habitants, ayant atteint en 2020 la valeur de 2,24 Mrd € soit plus que celui de pays plus peuplés, comme la Suède (10 Mio habitants et 2,193 Mrd €), les Pays-Bas (17,6 Mio d’habitants et 1,361 Mrd €) ou la Belgique (11,5 Mio d’habitants et 892 Mio €).
En 2020, 37 % des produits bio achetés étaient des fruits et légumes, 19 % des produits laitiers, 10 % des produits d’épicerie sèche, 9 % des boissons, 8 % des produits carnés (viande, charcuterie et poisson), 5 % des œufs et 12 % des produits autres.
Étant donné ce marché important, les importations jouent un grand rôle dans l’approvisionnement bio du pays. En 2019, 85,6 % des importations bio du Danemark provenaient de l’Union européenne, en augmentation de 9,6 % par rapport à 2018. L’Allemagne en représentait 20,1%, devant les Pays-Bas (15,5 %), l’Espagne (13,7 %) et l’Italie (12,3 %). Le Danemark achète principalement des fruits et légumes bio, puis des céréales et produits à base de céréales à l’Allemagne et aux Pays-Bas. Le Danemark importe principalement des fruits et légumes bio d’Espagne et d’Italie. 13,4 % des importations provenaient d’autres pays, en premier lieu de Chine (6,9 %).
La GMS, leader sans vraie concurrence
Le marché danois est extrêmement concentré, avec depuis toujours un quasi-monopole de la GMS. Contrairement à des pays comme la France, l’Italie ou même l’Allemagne, où le réseau spécialisé a de tout temps joué un rôle important dans la distribution bio, le Danemark se range du côté de ceux où c’est la GMS qui est devenue depuis longtemps le leader et le moteur du marché, à l’instar de l’Autriche, de la Suède, de la Suisse ou du Royaume-Uni.
Comme le souligne l’Agence Bio dans sa dernière édition (2021) de son rapport L’agriculture bio dans l’Union européenne, « en 2020, plus de trois quarts des Danois ont acheté des produits bio toutes les semaines (contre 52,5 % en 2019 et 48,7 % en 2016). Le développement avancé du marché bio danois peut être expliqué par les campagnes de sensibilisation qui ont été organisées (le logo bio danois est connu par 98 % des habitants) et par la coopération entre les enseignes de la grande distribution et la fédération bio, Organic Denmark. Cette dernière travaille avec la GMS au niveau stratégique et soutient les enseignes dans le développement de leurs rayons bio afin de donner plus de visibilité aux produits bio. Des formations et séminaires sont organisés pour aider les petites entreprises à travailler avec la GMS et la RHF. »
En 2020, le circuit de la distribution conventionnelle et la vente en ligne (les statistiques nationales associent ces deux canaux) ont réalisé 16 Mrd de couronnes (DKK) soit 2,15 Mrd € (2018 : 1,73 Mrd €, 80,6 % du marché), la RHF 1,6 Mrd DKK soit 210 Mio € (2018 : 330 Mio €, 15,6 % de PDM) et les magasins spécialisés, « mini-marchés » et autres canaux 0,7 Mrd DKK soit 94 Mio € (2018 : 80 Mio €, 3,8 % de PDM). La RHF a particulièrement souffert de la pandémie (confinement, fermeture des restaurants) en 2019-2020.
Hors RHF, la distribution conventionnelle, GMS principalement (avec la vente en ligne, donc) a réalisé en 2020 95,8 % des ventes, les autres points de vente se partageant les 4,2 % restants. Les magasins bio sont, de facto, quasiment inexistants. Comme nous l’avions écrit en mars 2020, les quelques centaines de helsekostbutikker (équivalent mot-à-mot des health food stores anglo-saxons), comme les chaînes Ren Kost, Helsam ou encore Helsemin, vendent surtout des médicaments en vente libre, des produits diététiques et pour sportifs, des vitamines, des cosmétiques naturels et plus ou moins bio, etc. Leur offre alimentaire bio est très limitée.
De leur côté, les ventes sur les marchés et à la ferme ne représentent qu’une partie anecdotique des ventes totales de produits bio.
Les principaux acteurs de la GMS
Toutes les enseignes de la grande distribution proposent des produits bio, leur faible prix stimulant les ventes, la pandémie ayant eu par ailleurs un effet positif sur les ventes de produits bio en GMS et en ligne. Celles de la GMS ont progressé de 14 % en 2020.
Le leader de la distribution conventionnelle reste le groupe danois Netto, enseigne de hard -discount. Sailing Group, qui en est le propriétaire, possède également les enseignes Føtex (supermarchés) et Bilka (hypermarchés), ce qui lui donne près d’un tiers de part de marché. ØGO, la MDD bio de Netto, compte environ 200 références, mais Levevis, celle de Føtex, atteint les 2 000 références.
Donnée symptomatique de ce marché, le second acteur est l’enseigne Rema 1000 (groupe Reitan Distribution) qui est également positionnée sur le discount. Le troisième acteur est l’enseigne SuperBrugsen, appartenant à Coop Danmark, qui gère aussi l’enseigne de discount Fakta et les magasins de proximité DaglíBrugsen et LokalBrugsen. Coop Danmark a été la première enseigne à proposer du bio, dès 1981.
Il faut aussi citer le groupe Dagrofa (supermarchés premium Meny, épiceries de proximité Spar et Min Købmand). Aldi, présent comme dans la plupart des pays européens, a doublé en 2018 le nombre de références bio dans ses points de vente pour atteindre les 200. Son offre a encore progressé de 14 % en 2020.
Par Michel Knittel avec l’aimable autorisation de BioLinéaires
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