La distribution des produits naturels et bio au Royaume-Uni et aux Pays-Bas

22 octobre 2021

Article BioLinéaires n°97 septembre/octobre 2021

Le marché de la Bio ne cesse de croître dans tous les pays, en particulier en Europe. Chaque année apporte son lot de changements dans la plupart d’entre eux, qu’il s’agisse de l’évolution des ventes ou de modifications du paysage de la distribution. Un numéro entier de Bio Linéaires ne suffirait pas à décrire dans le détail les changements récents, mais jeter un coup d’œil rapide sur deux pays européens proches de nos frontières éclaire néanmoins quelques grandes tendances. 

Planet Organic est une chaine privée britannique qui a de grandes ambitions. Ici le magasin de Muswell Hill, à Londres.
Planet Organic est une chaine privée britannique qui a de grandes ambitions. Ici le magasin de Muswell Hill, à Londres. Photo Philafrenzy via Wikimedia Commons.

Un marché européen 

De nombreuses difficultés se font jour quand il s’agit d’appréhender les réalités locales du marché bio dans les différents pays. Nombreux sont ceux qui ne disposent pas en effet de statistiques fiables. Et même quand elles existent, il faut attendre plus d’un an avant leur collecte pour leur comparaison et leur publication. Ainsi, à ce jour (juillet 2021), les dernières données globales officielles disponibles sont celles de l’année 2019. De plus, s’agissant de comparer les pays entre eux, il s’avère que la notion de « magasin bio » y varie parfois, que la frontière est souvent floue entre ces magasins bio et les magasins d’alimentation « santé » ou « naturelle », et que dans certains pays les données concernant les chaînes bio sont parfois regroupées avec celles de la GMS conventionnelle, seuls les magasins bio indépendants étant classés à part. 

À ce jour, pour une vue d’ensemble, nous ne pouvons donc que nous pencher sur l’année 2019. Ainsi, l’Union européenne a représenté 39 % de la consommation mondiale de cette année-là (41,4 Mrd €), les USA en réalisant 42 % (44,7 Mrd €). Les ventes de l’Europe continentale dans son ensemble ont été de 45 Mrd € (+8 % vs. 2018). Le top 3 des pays européens est inchangé : Allemagne (12 Mrd €), France (11,3 Mrd €), Italie (3,6 Mrd €). 

Comme l’ensemble des médias s’en est fait l’écho, la pandémie de Covid-19 a dopé les ventes bio depuis le printemps 2020, mais avec une croissance différente selon les pays, comme le montrent les chiffres pour l’année 2020 : Allemagne +22,3 % (14,99 Mrd € hors RHD), Royaume-Uni +12,6 % (2,91 Mrd €), France +12,2 % (12,7 Mrd € mais 13,2 Mrd € avec la RHD, soit au total +10,4 %), Italie +6,6 % (4,36 Mrd €). La Suède, 5e marché européen (2,76 Mrd €), a de son côté connu une baisse de -1,8 %. 

Comme évoqué plus haut, les chiffres cachent des réalités très variables sur le terrain selon les pays. Pour les illustrer, nous en avons deux : le Royaume-Uni et les Pays-Bas. 

Le Royaume-Uni 

En 2020, comme indiqué plus haut, ce marché est passé à 251 Mrd €, soit +12,6 % vs. 2019, où les ventes avaient été de 2,68 Mrd € (+3.7 % vs. 2018). C’est la plus forte croissance annuelle depuis 15 ans. Le Royaume-Uni est le 8e marché mondial en valeur (derrière les USA, l’Allemagne, la France, la Chine, l’Italie, le Canada et la Suisse). Avec environ 1,8 % en 2019, la part du bio dans la consommation alimentaire reste assez faible (40 €/habitant). 

En 2020, la grande distribution et les chaînes ont représenté 64,8 % du marché bio (avec une croissance de l’ordre de +10 % de leurs ventes), la livraison à domicile 17,7 %, les détaillants indépendants (dont les marchés et les ventes à la ferme) 14,6 % et la RHD 2,7 %. 

Concernant la grande distribution conventionnelle (dont les enseignes ont toutes augmenté leur offre bio), les principaux acteurs sont Tesco (26,8 % de PDM des ventes alimentaires globales), Sainsbury’s (14,9 %), Asda (14,5 %), Morrisons (10,1 %), Aldi (8 %), Co-op Food (6,8 %), Lidl (6 %) et Waitrose (4,9 %). Les ventes alimentaires globales des quatre leaders ont connu un ralentissement, sous la pression des discounters allemands Aldi et Lidl. 

Du côté des magasins bio, s’il en existe des centaines (organic stores), seules deux enseignes sont organisées, avec un nombre de points de vente très modeste en comparaison des leaders français ou allemands. 

La première en CA est Whole Foods Market, appartenant à la chaîne américaine bien connue (487 magasins aux USA et 14 au Canada à la date de mars 2020), rachetée par Amazon en 2017. Whole Foods Market était arrivé en 2004 au Royaume-Uni via l’acquisition des sept magasins britanniques Fresh & Wild, dont quatre étaient restés sous l’enseigne Whole Foods. L’entreprise en possède actuellement sept, tous à Londres, pour un CA total d’environ 103 Mio GPB (120 Mio €). Les clients londoniens peuvent être livrés à domicile via le Programme AmazonFresh ainsi que par Deliveroo. 

L’autre chaîne organisée est Planet Organic, née en 1995 avec l’ouverture à Londres du premier magasin certifié bio par la Soil Association. Chaque magasin offre environ 8 000 références. Réalisant un CA de 39 Mio GBP en 2020 (environ 53 Mio €, vs. 35,1 Mio GBP en 2019), l’enseigne a possédé jusqu’à 12 points de vente, tous à Londres. Mais il n’en reste actuellement que 10 en activité, un ayant été fermé définitivement et un autre l’étant temporairement. En janvier 2020, l’entreprise a néanmoins annoncé vouloir porter leur nombre à 18 en quatre ans, faisant en particulier l’acquisition de son concurrent As Nature Intended (7 magasins à Londres à fin 2019 pour 10,3 Mio GBP / 12 Mio € de CA) en difficulté. En novembre 2020, Planet Organic a de plus annoncé étendre la livraison de son offre en ligne, initialement limitée à Londres, à l’ensemble du pays, vu la croissance de ce créneau avec la pandémie. 

Son engagement éthique et durable est ancien et « militant ». Dès 2014, Planet Organic avait proposé une large offre vrac dans son magasin de Muswell Hill, que l’on retrouve aujourd’hui dans la plupart des points de vente. Muswell Hill a également introduit un rayon vrac/rechargeable pour les produits d’hygiène-cosmétique en 2019. Planet Organic souligne également être devenue en 2018 « la première entreprise zéro déchet alimentaire », en écoulant ses invendus via Too Good To Go et Olio, tous les déchets alimentaires non comestibles étant par ailleurs compostés et utilisés par des exploitations agricoles autour de Londres. Tous les contenants de leurs plats à emporter, gobelets de jus de fruits et café, sont compostables. La livraison à domicile des commandes en ligne se fait dans des cartons composés à 75 % de fibres recyclées et rembourrés de papier froissé recyclé et de poches d’air compostables. Les produits réfrigérés sont protégés par des emballages en laine durables. Planet Organic soutient par ailleurs les « causes locales », tels de nombreux projets communautaires sportifs ou culturels, et offre aussi 10 % de remise aux étudiants et au personnel du NHS, le réseau public de soin du Royaume-Uni. 

Le magasin Whole Foods Market de Picadilly, à Londres. Photo The wub via Wikimedia Commons

Il existe bien sûr bien d’autres magasins bio à travers le pays en sus de Planet Organic. Quelques indépendants ont parfois plusieurs points de vente, comme Real Foods qui en a juste deux à Edimbourg mais se présente comme « le plus grand détaillant écossais d’aliments bio, équitables et diététiques ». 

À ces organic stores, il faut ajouter les traditionnels health food stores, dont le cœur de métier a toujours été les compléments, les aliments diététiques et de santé, la cosmétique naturelle, etc. mais qui proposent également aujourd’hui un assortiment de produits bio (non frais). C’est notamment le cas de la célèbre chaîne Holland & Barrett, implantée dans 16 pays (Pays-Bas, République d’Irlande, Belgique, Suède…), qui possède 715 magasins en propre au Royaume-Uni, auxquels s’ajoutent des franchisés. Depuis 2015, Holland & Barrett a développé des magasins « More » (cinq à ce jour), avec un choix accru d’aliments bio, végétariens et végans, ainsi que de cosmétique naturelle, et même un rayon « Make Your Own » de cosmétique personnalisée à faire soi-même. Plus petite, la chaîne Revitalfondée en 1991, possède 18 magasins, à l’implantation limitée à l’Angleterre. 

Comme évoqué plus haut, la livraison à domicile (e-commerce et paniers bio) est avec une part de marché de 17,7 % en 2020 le 2e circuit de distribution, devant les magasins bio. 

Appréciée en particulier par la clientèle jeune, cette livraison à domicile a explosé en 2020, avec une hausse des ventes de 36,2 %, faisant suite à une augmentation de 11,2 % en 2019 vs. 2018. Certains de ses acteurs réalisent un CA énorme, comme Abel & Cole (60 Mio GBP soit 70 Mio €) et surtout Riverford Organic Farmers (68 Mio GBP soit 80 Mio €). Tous deux Iivrent dans tout le pays, 45 000 colis par semaine pour Riverford par exemple.

Les Pays-Bas 

Le marché néerlandais a été présenté en détail dans notre n° 59 (mai 2015). En 2019, il s’est monté à 1,211 Mrd € (+4,1 % vs. 2018), soit une part de marché du bio de 4,9 %. C’était le 10marché en Europe continentale, derrière l’Autriche et devant la Belgique, et le 9e pour la consommation annuelle par habitant (71 €), derrière la Norvège et devant la Belgique. En 2018, la GMS (discounters non inclus) – avec une offre variant de… 50 à 1 000 références bio par magasin – détenait 50 % de PDM, devant la RHD (21 %), le réseau bio (20 %) et les ventes directes (3 %). En 2019, les ventes bio de la GMS ont augmenté de 4,9 % et celles du réseau bio de 1,8 %. 

Les chaînes de GMS conventionnelles sont très nombreuses aux Pays-Bas, les principales étant Albert Heijn (groupe Ahold Delhaize, près de 1 000 magasins et 35 % de PDM), Jumbo (plus de 700 magasins, 21 % de PDM), Spar (Sperwer Groep et Sligro Food Group, 550 magasins), la coopérative Coop (320 magasins), la coopérative Plus (Sperwer Groep, 270 magasins), Dirk (Detailresult Groep,130 magasins aux prix réputés plus bas que ses concurrents). Sans oublier les chaînes discount Aldi (plus de 500 magasins) et Lidl (plus de 400) et une série de petites chaînes d’implantation régionale (Poiesz, Vomar, Deen, Dekamarkt, Hoogvliet…). 

En ce qui concerne le réseau spécialisé bio, si le pays compte évidemment de nombreux magasins indépendants, le seul acteur majeur organisé est aujourd’hui Ekoplaza, fondé en 1980, dont le chiffre d’affaires est d’environ 150 Mio €. Il est la propriété d’Udea, grossiste néerlandais en produits bio (créé en 1999 par Gerard Does, le fondateur d’Ekoplaza). La croissance récente de l’enseigne s’est faite entre autres par l’acquisition par Udea, en septembre 2018, du grossiste Natudis Nederland, propriétaire non seulement du grossiste belge Hagor, mais aussi de la chaîne franchisée bio néerlandaise De Natuurwinkel (25 magasins, CA 30 Mio €), qui était en difficulté, la plupart des magasins étant passés sous l’enseigne Ekoplaza. 

En mars 2019, Udea a fusionné avec le grossiste Biofresh Belgium, avec effet rétroactif au 1er janvier. Et en août 2020, Ekoplaza a repris en Belgique les 14 magasins de la chaîne Origin’O. 

En sus de ses 85 magasins néerlandais, Ekoplaza propose la récupération de ses produits dans 39 points de collecte (Ekoplaza webshop afhaalpunt), ses magasins Ekoplaza bien sûr mais aussi des magasins indépendants de produits naturels et bio. 

Udea est par ailleurs également propriétaire de la chaîne marqt (13 points de vente actuellement dont 9 à Amsterdam), fondée en 2008, qui ne sont pas des magasins bio au sens strict. L’assortiment est en effet constitué de produits éthiques et durables, végétariens/végans, équitables. Déficitaire lors de son rachat fin 2019, elle comptait à ce moment-là 18 magasins, dont certains ont été repris par Jumbo et sont passés sous cette enseigne. 

Un magasin sans plastique 

Ekoplaza a été récompensé en 2012 et 2013 comme étant « la marque la plus durable des Pays-Bas ». 

En février 2018, l’enseigne s’est distinguée en ouvrant à Amsterdam, l’extension d’une succursale, Ekoplaza Lab, le premier supermarché éphémère sans plastique, proposant 680 produits arborant le label britannique « Plastic Free ». Les emballages de ces produits (viande, céréales, sauces, produits laitiers, fruits et légumes…) étaient en matériaux biosourcés, recyclés et totalement biodégradables ou réutilisables. Ekoplaza Lab a fermé ses portes deux mois plus tard, mais l’assortiment, portant au final sur 1 370 produits (25 % des références d’un point de vente) a été intégré dans tous les magasins. 

En 2018, Ekoplaza a médiatisé son programme « Plastic Free » via un magasin éphémère à Amsterdam. Photo www.ekoplaza.nl, DR 

L’autre chaîne bio organisée est Odin, une coopérative fondée en 1983, qui a son propre grossiste (De Nieuwe Band) et possède 29 magasins dont les premiers avaient ouvert en 2000 (à l’enseigne Estafette jusqu’en 2016). Il s’y ajoute environ 250 points de collecte pour l’achat en ligne, qui vont des magasins Odin à des boutiques bio indépendantes, en passant par des supermarchés conventionnels (notamment Poiesz) et même des magasins Ekoplaza franchisés. 

En sus des nombreux magasins bio indépendants, il faut aussi mentionner, comme pour le Royaume-Uni ou l’Allemagne, les magasins d’alimentation naturelle (Natuurwinkel, Reformvvinkel ou Reformhuis), centrés sur les compléments, les produits diététiques et de santé ainsi que sur la cosmétique naturelle, mais qui proposent aussi de plus en plus de références bio. On trouve ainsi aux Pays-Bas, la chaîne britannique Holland & Barrett, qui exploite 200 magasins, ou encore la chaîne locale de franchise Gezond en Wel, née en 1983, avec une centaine de boutiques proposant chacune environ 4 000 références. 

Par Michel Knittel avec l’aimable autorisation de BioLinéaires

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