La distribution des produits naturels et bio en Allemagne

17 janvier 2015

Tout au long de l’année 2015, Bio Linéaires va vous proposer un voyage à l’étranger, pour partir à la découverte de pays dans lesquels la distribution des produits naturels et bio présente un visage souvent différent de celui que nous connaissons dans l’Hexagone. À tout seigneur tout honneur, notre première étape est l’Allemagne, car premier marché bio européen en matière de consommation.

Un marché demandeur, en croissance permanente

Avec un CA de 4,56 Mds d’€ en 2013 (4,38 Mds d’€ TTC pour la consommation à domicile par les ménages, + 9 % par rapport à l’année précédente), la France n’est que le 2ème marché bio derrière l’Allemagne. En 2013, le CA a atteint en effet chez nos voisins 7,4 Mds d’€ pour les produits alimentaires bio (+ 6 % comparé à 2012). Un tiers de l’alimentation bio consommée en Europe est vendu outre-Rhin ! Le problème est que la consommation s’y développe plus vite que la production et que les importations (produits bruts surtout : céréales, lait, œufs, viande de porc, légumes…) sont nettement supérieures aux exportations (produits transformés essentiellement).

En 2012, 50 % de ce chiffre a été réalisé par la grande distribution classique, à savoir les supérettes, super et hypermarchés (Lebensmitteleinzelhandel, Verbrauchermarkt, SB-Warenhaus), environ 31 % par les réseaux spécialisés et 19 % dans d’autres circuits, dont la vente directe.

Une distribution bipolaire : Reformhäuser et Bioldden

Si l’Allemagne est un pays pionnier en matière d’alimentation saine et de produits naturels, depuis une quarantaine d’années, leur distribution s’est retrouvée répartie dans deux types de circuits, d’une part les Reformhäuser (« magasins de produits de réforme », que l’on pourrait traduire par « magasins diététiques) et d’autre part les Bioläden ou Naturkostkiden (magasins bio).

Les Reformhäuser sont les plus anciens : le premier est apparu en 1887 ! Regroupés en 1927 au sein de l’association Neuform et œuvrant sous l’enseigne commune (marque déposée) Reformhäus, ces magasins indépendants proposent depuis l’origine des produits diététiques ou végétariens, des boissons sans alcool, des thés et tisanes, des « médicaments naturels » (phytothérapie, vitamines, minéraux), ainsi que de la cosmétique et de l’hygiène d’origine naturelle. Point important : pour être le gérant d’un tel magasin ou y être employé, il faut impérativement suivre une formation diplômante dispensée par l’académie professionnelle de la Neuform, suivie de mises à jour régulières. Le personnel y est donc particulièrement compétent en matière de conseil. L’assortiment va de 2000 à 9000 références selon la surface. En 2012, les 600 Mio d’€ de CA du réseau Neuform étaient répartis comme suit : produits alimentaires et diététiques 60,5 %, cosmétique naturelle 19,5 %, « médicaments naturels » 10 % et compléments alimentaires 10 %.

Bien plus que les Bioläden, ce réseau reste une cible principale si on veut vendre de la cosmétique certifiée, des produits diététiques ou des compléments. Il faut néanmoins savoir que la Neuform a rédigé ses propres cahiers des charges pour les différents types de produits, introduisant des critères qui viennent s’ajouter à ceux de toute façon exigés (certifications bio, Naturland, Bioläden, BDIH, NaTrue, etc.). Etre référencé nécessite donc en général un agrément. 1700 points de vente affichent aujourd’hui en Allemagne l’enseigne Reformhäus, un chiffre qui s’est stabilisé (avec un CA qui repart à la hausse) après avoir fortement chuté : ils étaient 2800 à leur apogée, 2150 en 2003. Ceci en raison de l’explosion du bio à laquelle ils n’ont pas participé (ne proposant pas de produits alimentaires stricto sensu) et d’une perte de clientèle allant chercher ailleurs une « alimentation plus saine », même si le bio apparaît aujourd’hui lentement dans l’assortiment.

Les Bioläden, « pionniers du bio »

L’autre type de magasins, les Bioläden, naquit de l’explosion du bio dans les années 70, d’abord dans les grandes villes. Ils proposèrent initialement surtout des produits alimentaires obligatoirement certifiés bio (ou même biodynamique), ainsi qu’une sélection de produits d’entretien écologiques et quelques rares produits cosmétiques, mais avec une approche plus hygiène que beauté proprement dite. En 1975 apparurent des grossistes spécialisés, puis des coopératives de distribution régionales à partir de 1979.

Directement liés au mouvement militant « alternatif », ces Bioläden offraient des produits frais, issus des exploitations agricoles locales, des céréales en vrac, du pain complet, des produits végétariens… ainsi qu’une importante littérature militante. Leur nombre atteignit le millier dans les années 80-90, alors que les supermarchés traditionnels et autres grands magasins généralistes (Kaufhäuser) commençaient aussi à proposer des produits bio. Les premiers supermarchés bio (Bio-Supermärkte) apparurent alors, avec des rayons spécialisés bien garnis (pain, viande, fromage à la coupe…), conjointement à une compétence de vente croissante, bien que concernant surtout l’alimentaire, la cosmétique étant restée longtemps la portion congrue de l’assortiment, sans parler des compléments alimentaires, peu voire pas présents, car peu en phase avec « l’esprit bio ».

Si les produits alimentaires vendus doivent bien sûr y arborer le logo bio européen, très souvent ils affichent en plus le logo de certifications typiquement allemandes, qui viennent ajouter des critères spécifiques, comme Naturland, Bioland ou Demeter.

Les supermarchés bio

Les Bio-Supermärkte (supermarchés bio, à partir de 400 m2) sont une évolution directe des Bioläden, suite à la croissance de la demande bio.

Sur les 2 361 magasins bio existant en 2012, 478 étaient des supermarchés, ceux-ci réalisant à eux seuls 50 % du CA (Source BioHandel 02/2013). La plupart de ces supermarchés sont des filiales de chaînes plus ou moins grandes, d’implantation nationale ou seulement régionale (cf. tableau : liste non exhaustive pour les chaînes régionales).

Ces chaînes présentent souvent des caractères différents. Denn’s, Basic et Alnatura proposent ainsi des produits à marque propre. Concernant Denn’s encore, la chaîne est une filiale du grossiste national Dennree, né en 1974 (CA groupe en 2013: 615 Mio d’€ soit + 13%), avec plus de 11500 références au catalogue, livrant plus de 1300 points de vente en Allemagne, Autriche et Luxembourg, dont les chaînes Alnatura et Basic. Et Dennree a racheté en 2014 les 10 magasins bio de la chaîne viv BioFrischeMarkt (Berlin principalement), passés sous l’enseigne Denn’s..

Alnatura agit également comme grossiste (689 Mio de CA au total), fournissant 3750 magasins dans 14 pays (Allemagne, Autriche, Europe de l’Est, Luxembourg, Suisse…) dont les drogueries dm et Budnikowsky, la chaîne Tegut, Migros en Suisse, etc. Et si Temma est encore un petit acteur, il faut noter que c’est une filiale du groupe Rewe qui possède 3000 magasins alimentaires à son enseigne (90 000 collaborateurs, 16,4 Mds d’€ de CA) et avec ses autres activités (tourisme) dépasse même les 51 Mds d’€. Quant à la présentation des magasins Temma, elle vise le haut de gamme, avec un esprit « bio et chic ».

Mais même Basic et Alnatura, pourtant dans l’esprit « discount », ont des aménagements magasin très modernes et séduisants. Et pour information, dans un de ses magasins berlinois, LPG Biomarkt propose sur 2 étages et 1600 m2 plus de 18000 références ! La plupart de ces chaînes, même celles ayant une implantation nationale, mettent l’accent sur les produits régionaux, critère important pour le consommateur allemand. On voit même l’émergence de chaînes bio dont c’est l’argument principal : travaillant avec une trentaine d’exploitations agricoles situées dans un rayon de 70 km maximum, Landwege a ouvert en 2 ans 5 supermarchés dans la région de Lübeck, avec comme slogan Bio aus nächster Nähe (la bio de proximité).

Notons enfin l’importance croissante du vegan : un marché de 630 Mio d’€ fin octobre 2013 contre 536 fin 2012 et 461 fin 2011. La chaîne spécialisée Veganz est née à Berlin en 2011, proposant plus de 6000 références, mais pas toujours certifiées bio ni même naturelles, l’aspect vegan primant avant tout.

Par Michel Knittel avec l’aimable autorisation de Bioliénaires n°57 janvier/février 2015

Source: Biolinéaires


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