La grande communauté du « faire »
Article Bio Linéaires n°98 Novembre/Décembre 2021
Il suffit d’écrire ces trois lettres, « DIY », abréviation de « Do It Yourself » (littéralement « Faites-le vous-même ») sur le premier moteur de recherche pour mesurer leur impact. Résultat : près de 3,5 milliards de réponses (près de 2 milliards pour « Do it yourself »). Dans les magazines féminins, de décoration, les magasins de bricolage et les magasins bio, ou sur internet… Recettes, tutos et ateliers se multiplient autour du DIY.
EN 2018, une étude1 de l’Observatoire Société et Consommation (ObSoCo) révèle que 80% des Français se livrent au « fait maison ». Principalement dans le bricolage (55%), mais aussi la fabrication du pain (20%), de leurs produits d’entretien (12%) et de leurs cosmétiques ou savons (7%).
C’est la force du DIY. Il est partout, dans la fabrication de confiture, les loisirs créatifs ou la confection de vêtements… L’ObSoCo estime à 95 milliards d’euros l’ensemble des activités liées au faire soi-même.
L’entretien et l’hygiène-beauté en question
En 2017, Kantar2 a consacré une étude au DIY sur les marchés de l’entretien et de l’hygiène-beauté. 16,8% des foyers français y déclarent avoir déjà fabriqué eux-mêmes leurs produits. Avec, en tête, la fabrication de nettoyants ménagers (11,2%), loin devant la fabrication de lessive (6,1%), de soins / crèmes pour le visage (3,6%), et de liquide vaisselle (3,4%). « Depuis quelques années, le Do It Yourself, le faire soi-même, a le vent en poupe. Pain, yaourts, bière, etc. : le marché de l’alimentaire était déjà concerné par la vague « home made ». Plus récemment, il est devenu « tendance » de réaliser soi-même ses produits d’Entretien ou de Beauté », commente le panéliste. Fer de lance du DIY en cosmétique, Aroma Zone indique avoir recruté 350 000 nouveaux clients en 2020 et revendique désormais 1,2 million d’utilisateurs actifs et plus de 100 millions de chiffre d’affaires (source : Les Échos, Cosmétiques : Aroma-Zone affole les compteurs en ligne).
Les consommateurs bio en première ligne
Qu’en est-il en magasin bio ? Pour le savoir, notre partenaire Bio Panel a mené une enquête auprès des consommateurs de produits bio effectuant leurs achats majoritairement en réseau spécialisé. Il en ressort que plus de 85% s’adonnent au DIY en général ou sont intéressés par cette tendance (dans le détail : 46,9% ont déjà créé leurs propres produits / 39,9% sont intéressés). 5,4% indiquent ne pas le connaître mais pouvoir être intéressés. Seuls 7,8% disent ne pas être sensibles à cette tendance et préférer acheter des produits « prêts à l’emploi ».
Les motivations
Maîtrise des ingrédients, économies, plaisir du fait soi-même, rejet de la surconsommation… Les motivations sont multiples pour faire du DIY, que l’on peut aussi inscrire dans les 3R (Réduire, Réemployer, Recycler). « La première motivation des Français pour pratiquer une activité créative, c’est avant tout l’envie de se détendre (43%), juste devant la fierté de pouvoir créer quelque chose de ses propres mains (37%), indiquait, fin 2017, la sociologue Virginie Pez-Pérard auprès de Libération3. Elle y soulignait que le DIY est aussi « un engagement citoyen : on connaît la composition des produits et les conditions de fabrication ». Un argument souvent repris par les adeptes du « sans » en cosmétiques. « L’intérêt pour le « faire » rend plus sensible aux matières premières, au process » abonde Sauveur Fernandez.
On retrouve ces motivations également chez les adeptes du bio sondés par Bio Panel. Ils indiquent ainsi pratiquer le DIY par plaisir de faire eux-mêmes (25,93%), pour connaître les ingrédients (23,46%). Mais la toute première motivation invoquée est pour des raisons écologiques à près de 30%.
Le retour aux cuisines
À la faveur des confinements, le fait-maison a fait son grand retour en cuisine. « D’après une enquête d’Ifop, 47% des Français déclarent cuisiner davantage qu’avant la crise, et ce taux grimpe à 60% chez les plus jeunes (18-34 ans). Dans une enquête de Kantar, 27% des ménages reconnaissent cuisiner des plats qu’ils n’ont pas l’habitude de faire. Ils se mettent également à faire de la pâtisserie et du pain, dont témoignent les hausses spectaculaires des ventes de farines (+135% du CA sur la période de confinement, par rapport à il y a un an), de levure et sucre aromatisé (+148%), de desserts à préparer (+60%), d’aides à la pâtisserie (+51%) ou de miels (+49%), ce qui met ces produits dans le top des ventes de la grande distribution toutes catégories confondues », détaille une étude4 de FranceAgriMer sur l’impact du Covid-19. « Outre ces chiffres records, la tendance vers le faire soi-même est visible aussi à travers l’augmentation d’achats, par rapport à la période équivalente de 2019, des grandes catégories de produits de base, telles que le lait, les œufs, le sucre, l’huile, le beurre, la crème fraîche, ou encore les fromages », ajoute l’étude.
L’impact s’est aussi fait sentir en magasin bio comme le souligne l’évolution des ventes d’ingrédients alimentaires propices au fait-maison avant et pendant les confinements.
Les résultats de l’enquête de Bio Panel témoignent également des changements des habitudes de consommation. Les répondants précisent en effet acheter, depuis les derniers confinements, davantage de produits frais à 43,05% – avec, très largement en tête, les légumes. Dans le top 3 que les consommateurs de produits bio disent acheter davantage figurent, après les légumes, les fruits et la farine. 10,16% indiquent aussi acheter plus de produits vendus en vrac.
L’adepte DIY
En 2017, selon Kantar, « les champions du DIY sont plutôt des jeunes » (30% ont moins de 35 ans). Il faut toutefois rappeler qu’il s’agit d’une enquête dédiée au DIY dans le domaine de l’entretien et de la beauté. Notre enquête menée avec Bio Panel, concerne le DIY dans sa globalité et sonde des consommateurs de produits bio, achetant majoritairement en magasin bio. Et l’âge des répondants nous éclaire sur un profil différent des adeptes du « fait maison ». En effet, s’il s’agit majoritairement de femmes à 87,91% (12,09% d’hommes), plus de 50% des participants ont plus de 51 ans ! Dans le détail, et par ordre décroissant, ils ont de 41 à 50 ans à 27,91% , plus de 61 ans (26,05%), 51 à 60 ans (25,35%). Les personnes âgées de 31 à 40 ans (16,51%) et de 20 à 30 ans (4,19%) ferment la marche. Quant au lieu d’habitation, ils demeurent à 33,49% dans des communes de 2 000 à 20 000 habitants, à 24,65% dans de villes de 20 000 à 100 000 habitants et à 20,93% en zone rurale (moins de 7% habitent en agglomération parisienne et moins de 14% dans des villes de plus de 100 000 habitants).
Des achats surtout en magasin bio
Les résultats de l’enquête Bio Panel sont très clairs sur l’importance du magasin bio. En effet, les répondants déclarent y acheter leurs ingrédients pour le DIY à 55,78% loin devant les grandes surfaces (19,10%) et Internet (6,37%). Avec un budget « DIY » qui passe du simple au double. Ils sont ainsi 46,56% à dire qu’ils dépensent moins de 20 euros par mois… et 25,18% qu’ils dépensent plus de 40 euros par mois ! 19,95% disent dépenser entre 20 et 40 €/mois.
Et après ?
Si le DIY est encore un marché de niche, la tendance va se déployer prédit Sauveur Fernandez.
« Le « faire soi-même » semble une tendance lourde. Les gens qui étaient dans cet état d’esprit vont le garder et d’autres se sont découvert une vocation », appuie Rémy Oudghiri, directeur général du cabinet Sociovision, dans les colonnes des Échos5. Pour l’ObSoCo6, « s’intéresser au « faire » est une des manières d’entrer dans le modèle de consommation émergent. C’est une source d’inspiration pour le développement de nouveaux marchés, pour renouveler le contenu de la relation client dans un sens plus conforme aux aspirations des consommateurs d’aujourd’hui et, finalement, pour imaginer de nouveaux business models ».
Lara Duponchel et Bio Panel
- « Do-it-yourself » : la renaissance du faire soi-même, Le Monde, 07/07/2019
- Kantar – Le DIY sur les marchés de l’entretien et de la beauté (publié le 12 mars 2018)
- « C’est moi qui l’ai fait » Do it yourself [Titrez vous-même], Libération, 21/12/2017
- « L’impact de la crise de la COVID-19 sur la consommatioon alimentaire en France : parenthèse, accélérateur ou élément de rupture de tendances ? », de FranceAgriMer
- DIY : le « faire soi-même » promis à un bel avenir, Les Échos, 31/05/2020
- « Le « Faire » : nouvel horizon des marchés de consommation, étude de l’ObSoCo
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