La terre et l’entreprise comme organismes vivants
Je suis très attachée à la bio.
Je le dis d’emblée, afin de répondre aux critiques qui diront que je suis partiale. Oui, je suis totalement partiale, j’aime les valeurs que portent la bio, j’aime les hommes et les femmes qui la produisent et l’embellissent, j’aime son caractère pionnier, joyeux et engagé. J’ai toujours défendu la bio lorsqu’elle était attaquée ; j’ai souvent décelé dans ces attaques, bien que parfois pertinentes, une certaine ingratitude : oui, la bio n’est pas parfaite, mais commençons peut-être par louer ce qu’elle fait mieux : les portes qu’elles ouvrent et les transformations nécessaires qu’elle impulse.
De la bio terrienne, de la glèbe organique et sensationnelle (au sens premier), je suis passée à la bio en entreprise. De la santé des sols, des paysages, des plantes, des animaux, des agriculteurs et des agricultrices, je suis passée à la santé des salariés, des espaces communs, des projets, des produits, des réunions. J’ai toujours pensé que le secteur bio ne pouvait se satisfaire des efforts (considérables) des agriculteurs et agricultrices et que la filière entière devait se hisser sur le même chemin de crête, magnifiquement balisé par les quatre valeurs fondatrices, d’une brûlante actualité : équité, précaution, santé, écologie.
J’ai rencontré peu d’entreprises qui cherchaient cette cohérence mais les quelques-unes que j’ai croisées sur mon chemin m’ont suffi pour croire qu’un changement était possible et en marche, tant au niveau agricole et alimentaire, qu’au niveau de la gouvernance des organisations et des impacts de celles-ci sur les hommes et les femmes, les sols et les paysages.
C’est ce que j’appelle la symétrie des attentions. Au respect des sols, répond la beauté des bureaux et des locaux ; au respect de la biodiversité répond la diversité des talents et des cultures (en opposition à la monoculture), à la rotation des végétaux et la couverture du sol en permanence (« permanent agriculture » qui a donné permaculture) répond la culture de la permanence et du long terme. Aux associations bénéfiques entre végétaux répond le déploiement des démarches participatives dans les entreprises. Agriculture biologique signifie Agriculture du vivant, tout comme l’entreprise responsable est (étymologiquement) l’entreprise capable de répondre aux attentes de tout ce qui vit en elle et autour d’elle (salariés, clients, fournisseurs, mais aussi paysage, faune et flore, générations futures, etc.).
La raison d’être, aujourd’hui très à la mode, permet de questionner sa place et sa contribution au monde (cf les entreprises contributives). C’est exactement par là qu’avait commencé ce beau mouvement de l’agriculture du vivant, comme me le racontait récemment Manuel Brunet, co-dirigeant d’Arcadie : dans un monde productiviste, l’agriculture biologique a décidé de replacer au centre une forte raison d’être : produire des aliments sains pour nourrir l’homme et la femme en prenant soin de la planète. Elle allume ainsi un phare qui va guider nos actions et nous mettre en mouvement.
L’entreprise, tout comme le sol, tout comme la terre, les hommes et les femmes qui l’habitent, est bien, dans cette vision où tout est relié, un organisme vivant à soigner, à vivifier, à aimer.
Tribune libre de Louise Browaeys, Consultante RSE, facilitatrice et auteure
L’entreprise responsable et vivante : Donner du sens au travail – Louise Browaeys
Qu’est-ce que la responsabilité sociale des entreprises (RSE) et comment la mettre en place avec douceur et efficacité ? Loin des clichés de management, ce livre riche en témoignages répond aux idées reçues dans un contexte où les mentalités évoluent. Il donne des conseils et outils afin que chaque organisation vive sa transition et que chacun – quelle que soit sa position hiérarchique – initie cette démarche en évitant les écueils et en ouvrant le dialogue.
Parution le 29 octobre aux éditions Terre vivante.
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