Les 7 leçons cachées de l’ère Covid, qui marquent le futur immédiat de la bio spécialisée (6/7)
Sixième épisode : voici la suite de nos warnings projectifs* spécial ère Covid-19 sur les conséquences méconnues du virus pour la bio spécialisée. Au programme : la Covid s’installe pour durer. Maison « sanctuaire » et nouvelle consommation bio. Prix et paupérisation de la société *Évolutions à surveiller en prospective courte.
Une ère Covid à rallonge, quelles conséquences ?
Médiatisée depuis mars 2020, la Covid-19 semble atteindre une moyenne à minima de 6,5 % du total des décès journaliers mondiaux par jour, doublée en un an. L’effet des vaccinations sur sa courbe de croissance commence cependant à se faire sentir, notamment en Europe occidentale et aux États-Unis.
Mais l’évolution actuelle laisse présager que nous ne serons pas tirés d’affaire avant au moins 2-3 ans. Citons l’augmentation inquiétante du nombre de variants anglais, sud-africains et brésiliens en circulation intensive, et la situation en Inde qui, par sa taille et sa densité, favorise la résistance des variants aux vaccins et aux immunités naturelles.
S’il est impossible d’anticiper quoi que ce soit d’autre avec ce virus, la pression psychologique des confinements et le sentiment de menace permanente — justifiés ou non — qui vont durer pour un moment encore vont entrainer ou accélérer deux grandes conséquences notables sur la consommation.
1/ La maison sanctuaire
Retour au cocooning, version années 2020 : la première répercussion est que le besoin légitime de se sentir protéger, ajouté à la soif de véritables contacts physiques favorise le développement de l’habitat domestique “sanctuaire” qui se transforme en un petit monde autonome et rassurant ou on se ressource, se protège, avec une vie sociale entretenue. Le salon devient un lieu de vie tribale important, mais aussi le potager de balcon, la terrasse, le jardin… qui inclut aussi nos petits compagnons à quatre pattes.
Voici 3 exemples d’Univers produits prometteurs que les magasins bio auraient intérêt à créer ou à développer autrement.
/ La bio en jeu : le confinement a stimulé l’intérêt des Français pour les traditionnels jeux de société. Dans le top des dix jouets les plus vendus en France durant le début du premier confinement, on comptait sept jeux de société et trois puzzles…
Si le coronavirus stimule le besoin de se sentir en lien avec sa famille pour se rassurer, et d’activité ludiques pour s’évader, la “jeumania” est aussi une tendance de fond promise à perdurer. Dans un monde de surenchère d’écrans (près de 6,4 par foyer en 2020) et de jeux électroniques sophistiqués, chacun ressent un rééquilibrage nécessaire avec des interactions sociales ludiques directes et simples.
Internet est le grand circuit gagnant, avec près d’un tiers des ventes en jeu et jouets, mais les magasins physiques sont aussi en vogue depuis plusieurs années. Le secteur bio (marques et distributeurs) à donc tout intérêt à développer une offre variée en ce domaine,
Les marges de progrès et d’innovations sont en effet nombreuses. Par exemple, 80 % des jouets sont made in China, un phénomène qui touche aussi une partie de leur alter ego écologique. Pour les jeux de société “bio”, l’offre actuelle ronronne doucement avec les classiques défenses de l’environnement ou jeux pour les petits.
Pour renouveler le genre, l’idéal est de s’inspirer des jeux traditionnels les plus vendus (Monopoly, Scrabble, Uno, Trivial Pursuit, Battleship) avec de nouvelles thématiques décomplexées. Comme créer une filière bio hippie, développer un éco-village gaulois après une épidémie, une école de yoga ouverte aux animaux philosophes, etc. Le secteur des jeux pour adultes plus ou moins transgressifs est aussi une grande tendance de fond en conventionnel (Limite Limite, Je n’ai jamais, Blanc-manger coco, Secret Hitler…).
L’Univers du DIY ludique, et pour une vie autonome, prend aussi de l’ampleur.
Enfin, comme pour la santé et les cosmétiques les distributeurs ne doivent pas se contenter d’une simple mise en rayon mais proposer, par exemple, dans leurs programmes “Lieu de vie” des sessions événements de jeux collectifs, de rôles, etc., en association avec des boutiques indépendantes de jeux, expertes en ce domaine. La lecture, appréciée de la mouvance bio et écologique pourrait aussi être valorisée en publiant des critiques de livres ou conseils de lectures par les lecteurs du magasin…
En ces temps de paupérisation la vente occasion de jeux et jouets devrait être aussi initiée, à l’instar du site en ligne Vinted. Apprécié des générations Y et Z, et dédié à ses débuts à la vente de vêtements pour femmes, ce spécialiste de l’occasion s’est depuis élargi aux accessoires, au mobilier, livres jouets….
/ Faire du monde un jardin de vie : signe des temps, les français sont de plus en plus nombreux à vouloir acquérir un bien dans des agglomérations de moins de 20 000 habitants. Face au Covid et au télétravail, les futurs acquéreurs privilégient désormais un extérieur : balcon, terrasse, et jardin (étude Se Loger mars 2021).
La passion du jardinage est la suite logique, un constat vérifié par le marché du jardin qui, selon la fédération Promojardin, a vu croitre ses ventes de +10% en 2020, avec une croissance des ventes internet de +40 %. Celle-ci a compensée les fermetures de magasins.
Côté bio, 44 % des Français achètent des produits de jardinage utilisable en agriculture bio (agence bio 2020). Comme les jeux, jardiner son potager, avec des gestes manuels ancestraux (biner, semer, planter), permet de sortir de l’emprise des objets hightech et d’une alimentation mondialisée inquiétante. Il répond aussi, pêle-mêle, à la crise climatique, au désir de manger sain, de rendre sa fonction nourricière à sa terre, et de se connecter à quelque chose de plus grand que soi.
Fait important pour l’avenir proche, les trois-quarts des 18-24 ans souhaitent donner plus de place à la nature dans leur vie (sondage Opinion-Way juin 2020). Ceux-ci se passionnent pour les semences bio et rustiques et les techniques agroécologiques comme la permaculture. Très dynamiques, des startup émergent pour proposer une nouvelle génération de produits destinée au jardinage vertical urbain lombricomposteurs, jardinières auto-alimentées, pots avec auto-arrosage, box à planter, etc.
Malgré ces constats, il est assez étonnant de constater que les magasins bio, ancrés dans l’alimentaire, n’ont aucune offre d’envergure, à l’heure où les jardineries sortent de plus en plus de leur spécialité pour proposer de l’alimentation bio, et de l’hygiène & cosmétique, comme Botanic…
/ Petits compagnons domestiques : la maison “sanctuaire” accorde une place quasi humaine à nos chers petits animaux compagnons. Leur Maitre, engagé dans les produits bio, “propres” ou écologiques attend de plus en plus pour son animal des produits frais ou peu transformés, cuits à basse température, d’origine française, ou locavore dans l’idéal. L’emballage doit suivre la tendance zéro déchet (recyclable à minima, monomatériaux, compostables etc.).
Au-delà des classiques croquettes bio extrudées à chaud, de jeunes startup françaises, européennes et américaines disruptent le marché en suivant les tendances abordées plus haut. La marque américaine Sunday et le Lituanien Rocketo proposent des croquettes “crues” avec séchage basse température à l’air pour préserver les qualités nutritionnelles, se rapprochant de la qualité des aliments frais sans les contraintes de préparation.
En France, Petty Well affiche la composition précise des recettes. Typique de l’ère Covidn Les startups TeleVets et Callmyvet annoncent la venue en ligne de la consultation vétérinaire. Pepette surfe sur le fait maison avec des repas frais bio personnalisés livrés à domicile sur abonnement. Cette tendance clé à la livraison de mets frais cuisinés maison et “sur mesure” vient des États-Unis avec des marques comme The Farmer’s Dog, PetPlate, etc.
Côté communication, Nom Nom, autre marque américaine d’aliments frais pour chiens organise des webinaires à succès où les clients peuvent poser leurs questions sur les meilleures pratiques de nutrition canine. La startup sort aussi de son expertise alimentaire en proposant simultanément des compléments alimentaires probiotiques.
Que va-t-il se passer pour les années 2020 ? Les aliments chiens et chats en vrac, encore peu courants vont se développer. Mais le véritable avenir de l’alimentation pour animaux domestiques est de lier aliments pour animaux ultrafrais et locavorisme, reléguant alors les croquettes industrielles à la préhistoire ou à des usages ponctuels ou de santé. Les aliments sont préparés tous les jours par le service arrière du magasin, par un restaurant, ou dans un ghost kitchen (cuisine invisible) spécialisé géré par un cluster de magasins bio (ou de marques locales avec système de consigne et de livraison à domicile. Les ingrédients seront prioritairement locaux.
Les marques de croquettes auraient intérêt à se préparer à cette mutation de fond en proposant une offre d’aliments frais, et en initiant une offre ultra fraiche à une échelle locale sous peine de voir le marché préempté par les magasins, les restaurants ou les abattoirs et ateliers de découpe.
Fin de la 6me partie — Le mois prochain : Crise Covid et paupérisation, la question du prix — Tribune de veille libre par Sauveur Fernandez, l’Econovateur, accompagnateur marketing innovation — fsauveur@econovateur.com
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