Les 7 leçons cachées de l’ère Covid, qui vont marquer la bio spécialisée
Première partie : voici 7 constats projectifs (prospective courte) sur les conséquences méconnues de la Covid-19, désormais partie pour durer. Cette pandémie, qui accélère des tendances émergentes, oblige la bio spécialisée à se réinventer en profondeur avec de nouvelles missions. Partons donc en exploration sur un futur proche disruptif !
1. Progression ou régression ?
Deux sondages et études, en apparence contradictoire, soufflent le chaud et le froid sur l’avenir proche du magasin bio spécialisé (MSB). L’Agence Good a analysé avec son outil Bioanalytics® la crise de la Covid-19, avant, pendant et après la crise. Si la croissance répond présente en 2020, celle-ci est plus accentuée en grandes surfaces. L’explication, multifactorielle, révèle globalement un manque de différenciation du réseau spécialisé bio, dû à des labels communs, etc.
À l’inverse, l’enquête annuelle de septembre 2020 de Biopanel révèle une bonne appréciation globale des MSB par les consommateurs. La fréquentation et l’indice de satisfaction augmentent ainsi que la perception du rapport qualité prix.
Qu’en déduire ? Bien moins nombreux que les grandes surfaces alimentaires, les MSB comptabilisent 28 % des ventes bio. Mais, pour conserver leur image qualitative et leur fréquentation, ceux-ci vont devoir convaincre avec plus d’atouts uniques, bien avant le critère prix. Celui-ci ne peut en effet être décisif face au poids des enseignes et marques conventionnelles et au développement rapide de leur offre bio. La consommation bio étant aux premières loges en temps de crise Covid-19, ces facteurs de différences doivent être rapidement renforcés sur un ton positif, avec une conviction : la bio spécialisée de la prochaine décennie n’est plus celle d’aujourd’hui.
2. Internet, retard vraiment comblé ?
La vente alimentaire en ligne est la grande gagnante de l’ère Covid, qui ne fait qu’accélérer une tendance forte. Cependant, si un travail remarquable à été accompli en quelques mois, beaucoup reste à faire pour une vente omnicanale performante qui, par sa praticité, séduit les nombreux clients bio pressés par le temps.
La création d’un site en ligne est en effet une étape parmi d’autres. Quatre autres doivent suivre rapidement. Cet écosystème digital, en évolution permanente est fondamental pour une époque qui se veut résiliente : la Chine, grand laboratoire des services numériques à su proposer en un temps record des centaines de services « anti-Covid innovants », bien au-delà des initiatives européennes publiques et privées.
Toutes ces innovations vont accroître à terme le « champ des possibles » pour l’économie numérique. Conscientes de l’urgence, les enseignes spécialisées et marques écologiques américaines mettent les bouchées double, et en profitent pour sortir des sentiers battus.
La marque US de vêtements Outdoor Patagonia vient de promouvoir une place de marché… alimentaire, Patagonia Provisions diversifiant ainsi ses métiers ! Le plus grand épicier bio de la planète, Whole Foods market, vient de lancer à Brooklyn un point de vente… fermé au public ! Ce magasin magasin-entrepôt d’un nouveau genre (dark store) traite uniquement les commandes alimentaires en ligne locales. En cas de reconfinement, les autres points de vente habituels seront adaptés pour être fermés et transformés temporairement en dark store si nécessaire.
3. Les conséquences de l’essor du local sur la notion de qualité, la segmentation prix, et l‘attente client.
La Covid signe l’entrée du localisme dans l’arène des grandes tendances d’avenir. Les quelques % de l’offre locale actuelle des magasins bio spécialisés ne reflètent plus la demande générale. Se contenter d’élargir les références ne peut cependant suffire. Il faut voir loin, anticiper, et, comme toujours, innover.
Par exemple, le degré de « local » d’un produit va devenir le critère principal de qualité d’un aliment pour la décennie 2020. L’offre alimentaire « premium » sera issue de micro‑fermes récoltant et transformant sur place en petites séries artisanales. Des filières dites « du milieu » (gros producteurs et transformateurs et petites PME unis en filière circulaire « fabriquante ») assureront la production d’aliments milieu de gamme plus compétitifs, made in région de la semence à l’assiette, et résilients.
Quand aux produits « low cost » (un segment qui va très vite progresser suite à la paupérisation de nos société), ceux-ci resteront qualitatifs, mais issus d’usines nationales « standard » avec des matières premières « simplement » Made in France.
Si certains pionniers de la bio, comme Bernard Gaborit ont su devenir avant l’heure des « marques fermes » produisant sur le lieu même de production, des startup ultralocales commencent à apparaître. Elles s’ajoutent aux milliers de petits producteurs transformateurs locaux déjà présents, et en passe de générer une nouvelle catégorie de produits, celle des « micro‑marques » dites de terroir. Recherchées par les nouvelles écogénérations et les consom’acteurs avertis, elles sont promises à un brillant avenir à l’ère post-covid.
Enfin, du côté de l’attente psychologique profonde des clients (insight consumer), leurs demandes ne vont plus être tout à fait les mêmes : ceux-ci attendront d’abord de la GMS de la responsabilité et des preuves. Un magasin bio spécialisé bio centré sur le local au sens large, devra, quand à lui, pour se démarquer, offrir en priorité un sentiment de proximité porteur de lien social, de vie locale, tout en assurant la défense des plus faibles au sens large (petites filières, clients en difficulté, protéger la nature).
4. Mariage de raison entre magasins bio et RHF (restauration hors foyer) ?
La crise Covid signe l’entrée d’une nouvelle ère : nous allons, comme en Asie, devoir nous habituer régulièrement à respecter une distanciation sociale et à porter le masque au fil des très probables mutations ou successeurs de la covid‑19.
Ce constat est lourd de conséquences pour les restaurations collectives et hors foyer, très fragilisées par leur nature même de lieu exclusivement social. Celles-ci, pour perdurer, vont déjà devoir diversifier définitivement leurs activités,
Les livraisons de repas, menus spéciaux, kits repas, et autres boites à lunch, vont devenir la norme. Les études montrent en effet que ces tendances « dinner at home » ont toutes les chances de perdurer. De manière plus épisodique, une petite offre d’épiceries et de box d’épicerie fine spécialités DIY (smoothie, tacos, pâte à biscuits, brownies, bonbons gélifiés, etc.) font partie des solutions intéressantes initiées par certains restaurants américains. Des modèles d’abonnement alimentaires sont aussi à inventer. Ces pistes sont aussi valables pour les magasins bio, de plus en plus nombreux, qui proposent un service de restauration.
Mais d’autres voies existent : une alliance naturelle originale peut s’opérer entre magasins bio et restaurant pour un bénéfice mutuel. Un magasin bio peut en effet être aussi fragilisé en cas de fermeture ou baisse de fréquentation de son offre / espace de restauration.
Des accords de temps de crise pourraient être passés entre une ou plusieurs enseignes bio et des restaurants, fondés sur ce que chacun sait faire le mieux :
- Les enseignes bio distribuent sur place et livrent des plats de restaurants extérieurs, en remplacement ou en compléments de leur offre,
- Les restaurants mettent à la disposition des magasins bio leurs cantines, ateliers de cuisines, ou collaborateurs.
Sur le modèle des paniers solidaires, des repas solidaires peuvent aussi être créés dans des cuisines inutilisées à partir d’invendus, ou pris en charge en partie par les collectivités.
Bien orchestrées, ces alliances, sous forme de cluster, éviteraient par la même occasion une main mise trop appuyée des startups de la livraison de repas (Deliveroo, Uber Eats ou Just Eat) comme c’est actuellement le cas en Chine.
Fin de la première partie
Sauveur Fernandez, l’Econovateur, accompagnateur marketing innovation, fsauveur@econovateur.com
Classés dans : Consommation Distribution bio International Tous Transformation bio