Les coproduits, solution innovante pour répondre aux enjeux nutritionnels et écologiques
Le nouveau rapport du Giec est encore une fois alarmant et confirme la nécessité d’agir sur les émissions de gaz à effet de serre. L’alimentation est tenue en partie pour responsable de ce fléau, avec notamment plus de 12 millions de tonnes de matière sèche résiduelle générées par les produits issus de l’agriculture et l’industrie agroalimentaire par an en France[1]. Ces chiffres sont considérables, ils représenteraient 1/3 de la production mondiale, selon la FAO[2].
Pour lutter contre le gaspillage, la majorité de ces coproduits, encore souvent source de nutriments, peuvent être revalorisés : une solution qui répond aux enjeux sociétaux et environnementaux.
C’est en réponse aux préoccupations des acteurs de l’industrie agroalimentaire et des consommateurs que le marché de l’upcycling a montré un fort dynamisme ces dernières années. Une étude publiée par Future Market Insights a révélé que l’utilisation de coproduits a généré 46,7 milliards de dollars de revenus en 2019 dans le monde, et que son taux de croissance serait de 5% pour les 10 prochaines années.
L’upcycling, solution durable de revalorisation de coproduits
Selon l’ADEME, un coproduit est une « matière intentionnelle et inévitable, créée au cours du même processus de fabrication et en même temps que le produit principal ». Le coproduit est destiné à un usage particulier, distinct de celui du produit dont il est issu.
L’upcycling correspond à la récupération des coproduits habituellement jetés ou utilisés en alimentation animale, pour les revaloriser en ingrédients pour l’agroalimentaire ou la cosmétique.
Se situant entre le produit noble et le déchet, le coproduit ne date pas d’hier. Mélasses et autres dérivés alcooliques de l’industrie sucrière sont typiquement des coproduits utilisés depuis longtemps.
En France, la viande, les fruits et légumes, les boissons et le lait sont les 4 secteurs générant 85% des déchets. Cela illustre la quantité de coproduits pouvant être valorisée (voir article Ingrébio : Valorisation des coproduits et lutte contre le gaspillage).
Atouts nutritionnels des coproduits
Grâce à un enrichissement en fibres, protéines, vitamines ou minéraux, ou en réduisant les quantités de sucres, le recours aux ingrédients upcyclés permet d’optimiser la qualité nutritionnelle de produits alimentaires.
La réutilisation des drêches de brasserie, principal coproduit de l’industrie de la bière, est un exemple fréquemment étudié. En intégrant les drêches en tant qu’ingrédient fonctionnel dans les formulations, la valeur nutritionnelle des produits est nettement améliorée via un enrichissement en fibres, et l’intention d’achat des consommateurs en est augmentée (voir article Ingrébio : l’upcycling ou l’opportunité de revaloriser des coproduits d’intérêt).
D’autres exemples pratiques d’upcycling, tel l’intégration de peaux d’amande dans des formulations, permettent d’atteindre l’allégation « riche en fibres ». Cette option fournit une solution écologique pour le réemploi de ces coproduits à l’industrie de transformation des amandes, dont certaines filières d’amandes bio en France sont en développement.
Outre un enrichissement en nutriments, l’upcycling permet également de limiter le recours aux ingrédients ultra-transformés ou aux additifs, et donc de raccourcir la liste des ingrédients.
Les ingrédients issus de coproduits : des solutions innovantes
Dans le secteur des ingrédients, la valorisation des coproduits n’est pas nouvelle. Mais la prise de conscience de l’impact environnemental et économique du gaspillage alimentaire devrait permettre de favoriser ce marché. Des fournisseurs axent leurs développements en ce sens.
Citons pour exemple la jeune entreprise Hubcycle, qui s’est donnée pour mission de créer des ingrédients à haute valeur ajoutée à partir des coproduits obtenus en industrie agroalimentaire
Écorces de fèves de cacao, peaux d’orange, eau de kiwi… plus de 200 viviers de matières premières ont à ce jour été identifiés.
Pour sa nouvelle gamme d’infusions concentrées aromatisantes, Rouages s’est associé avec L’Atelier Corse Fruits et Légumes pour valoriser leurs coproduits d’agrumes. L’entreprise spécialisée dans les solutions aromatiques vient également de dévoiler sa nouvelle infusion intense de cacao à base d’écorces de fèves de cacao bio développées par Hubcycle.
L’univers de la cosmétique est aussi fortement touché par la recherche d’ingrédients nouveaux à base de coproduits. Citons Biolie, qui développe des ingrédients innovants et riches en principes actifs à partir de coproduits ou d’écarts de tri. Par exemple, cela leur a permis de lancer le premier bêta-carotène issu de carottes rejetées. Ou encore Chestnut, qui utilise les parties non utilisées des plantes pour les transformer en ingrédients fonctionnels intéressants.
A l’étranger aussi, le développement du marché fait parler de lui. L’entreprise espagnole Agrosingularity transforme les invendus de légumes en poudres alimentaires, et se démarque par la mise en ligne d’une plateforme dédiée à l’achat de coproduits et à la vente d’ingrédients valorisés.
Pour donner un cadre réglementaire à cette pratique, de nouveaux systèmes de certification voient le jour. C’est le cas notamment aux Etats-Unis avec l’Upcycled Food Association (UFA) qui a récemment lancé le premier système de certification pour les ingrédients et aliments recyclés (pour en savoir plus, consulter l’article Ingrébio sur le marché de l’up-cycling)
Un marché d’avenir pour les produits upcyclés
En explorant toutes les ressources, la tendance à l’upcycling prend son essor, et bon nombre d’acteurs bio se sont positionnés sur ce marché ces dernières années.
En améliorant la qualité nutritionnelle du produit grâce à leur richesse en fibres, les drêches de brasserie sont l’un des coproduits les plus utilisés ces dernières années. De nombreuses start-ups françaises en ont fait leur credo, avec notamment Résurrection, qui propose des crackers à base de divers coproduits, dont des drêches (biscuits aux drêches récompensés au Natexbio Challenge 2019), mais aussi du marc de pomme ou encore de l’okara de soja.
Quant à Ramen tes drêches, l’entreprise les revalorise dans des nouilles revisitées.
Les pains invendus rencontrent également un franc succès sur ce marché. La biscuiterie Handi-Gaspi surfe sur cette tendance en proposant des biscuits bio, gourmands et engagés à base de pains invendus (récompensés au Natexbio Challenge 2021). C’est aussi le cas de La Brewlangerie ou encore Cocomiette, qui confectionnent des bières à partir de ces rebus.
Autre exemple de revalorisation, et primé à l’occasion du salon Natexpo 2021, le yaourt de chèvre à l’hydrolat de verveine citronnée, de La Lémance. En utilisant le reliquat de la distillation d’huiles essentielles, l’entreprise revalorise un coproduit d’une entreprise voisine (voir article Ingrébio sur la rétrospective 2021 des produits bio primés).
En créant des ingrédients à forte valeur ajoutée, l’upcycling contribue à aider l’industrie alimentaire dans sa transition vers une économie circulaire. A mesure que la sensibilisation augmente, que les produits deviennent plus visibles et que les investissements affluent dans le secteur, les opportunités de développement liées à l’upcycling devraient être fortement présentes dans les années à venir, sur un marché porteur.
Auteur : Flora NAUDIN LEPICIER, Chargée de mission, Ingrébio
[1] Enquête Réséda, 2017
[2] Pour nourrir le monde, réduisons nos pertes alimentaires, FAO, 2011
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