Les enjeux des approvisionnements bio ont marqué le salon Natexpo
L’édition lyonnaise du salon Natexpo a démontré une nouvelle fois sa capacité à réunir tous les acteurs de la bio, de l’amont à l’aval. A l’interface, les fournisseurs d’ingrédients ont aussi contribué au succès du salon. Ils occupent une zone de près de 400m2 où ils offrent une diversité de matières premières ou ingrédients biologiques aux formulateurs et acheteurs des entreprises de transformation.
Depuis 2017, la société de conseil INGREBIO accompagne Natexpo sur ce Pôle Ingrédients avec l’animation du Forum des Ingrédients Bio.
Cette année, sa fondatrice Gaëlle Frémont organisait également des Circuits Découverte Ingrédients dans le but d’aller explorer, avec les visiteurs, l’offre en ingrédients innovants sur le Pôle mais aussi sur tout le salon.
Parmi les différentes thématiques portées par le Forum des Ingrédients Bio (Filières, Réglementation, Innovations, Formulation…), la question des approvisionnements bio a été prédominante cette année.
Entretien avec Gaëlle Frémont, fondatrice d’Ingrébio et organisatrice du Forum des Ingrédients Bio.
Quels étaient les sujets phares du Forum des Ingrédients Bio cette année ?
Cette 6ème édition du Forum des Ingrédients Bio a été marquée par la mise en avant de l’innovation sur ce maillon de la chaîne. Les Circuits Découverte qui ont complété nos focus ‘Tendances ingrédients bio’ ont permis de découvrir plus de 40 ingrédients innovants pour tous les secteurs (alimentaire, diététique et cosmétique).
L’enjeu lié aux protéines végétales a été particulièrement présent tout au long des 3 jours de salon. Celui-ci a en effet donné l’occasion au Cluster Bio Auvergne Rhône Alpes de partager les résultats de la grande étude menée sur les protéines végétales bio, en partenariat avec Nutrifizz et Ingrébio.
Les évolutions de la réglementation bio nécessitent toujours que l’on s’y attarde, et nous faisons confiance pour cela au Synabio. Bernard Lignon a proposé aux visiteurs un récapitulatif des modifications à connaître pour les transformateurs bio, et celles qu’il faut déjà anticiper.
Mais en effet, la question des approvisionnements en bio et de la structuration des filières a toujours été un sujet majeur sur notre Forum.
Et cette année, il revêtait une importance plus particulière dans les contextes de crise économique et environnementale que nous traversons.
Avec les différents experts que nous avons invités, nous avons souhaité partager les multiples expériences positives observées en bio, que ce soit par les leviers de la responsabilité sociétale et environnementale ou du commerce équitable, par le biais de la relocalisation, de la mutualisation des moyens ou de la transparence sur la chaîne de valeur.
Nous entendons beaucoup parler de relocalisation, mais est-ce la solution ?
En effet, la relocalisation des filières est l’une des solutions qui peut permettre de s’affranchir des enjeux de dépendance, de logistique voire de qualité.
Et nous rencontrons de très beaux exemples où le produit proposé au marché valorise à la fois les producteurs, les transformateurs et les territoires.
Pour exemple, Eva Coudray de l’association Bio Hauts de France a pu montrer comment le projet de création d’un sucre de betterave bio et local, différenciant et à forte valeur ajoutée est en train de se concrétiser. La création de la Fabrique à sucre, avec sa gouvernance innovante, propose déjà un sirop de sucre unique aux transformateurs.
Les témoignages des entreprises Atelier Sarrasin, Favrichon et Cereco ont été également inspirants lors de la table ronde sur la ‘consolidation et mutualisation des filières bio’ animée par Claire Dimier-Vallet du Synabio. Dans un cas, la présentation de la structure Sarrasin Bio Bourgogne a montré que la fédération de tous les acteurs d’une filière pouvait permettre de créer une filière territorialisée innovante et durable, répondant aux attentes des consommateurs. Dans l’autre cas, la coopérative Cocebi et les 2 entreprises ‘concurrentes’ ont démontré qu’il était possible de réunir tous les acteurs amont et aval pour mutualiser un site de floconnage de céréales bio et conforter ensemble une filière française bio et équitable.
Le commerce équitable, d’ailleurs, est un atout complémentaire qui permet de renforcer le développement de la bio en France aussi. Julie Maisonhaute, représentante de Commerce Équitable France, l’a montré avec la présentation d’une étude récente menée par l’organisme fédérateur des labels équitables.
Quels autres leviers pourraient aider à la transition agricole et alimentaire dont nous avons besoin ?
La relocalisation n’est pas la seule solution en effet… car d’une part toute les matières premières que nous consommons ne pourront pas être cultivées localement pour des raisons de climat (enfin espérons-le…) mais aussi pour des raisons de disponibilités des terres agricoles. D’autre part, le risque est grand de compter sur un approvisionnement majoritairement français, face aux aléas climatiques.
Pouvoir compter sur les producteurs du monde entier a donc aussi son importance, ne l’oublions pas. L’enjeu est surtout de savoir comment nous importons ?
En matière d’approvisionnement de matières premières biologiques, la question n’est pas tant la proximité géographique mais plutôt la connaissance de ce que l’on achète et la proximité développée avec les producteurs.
Lors de la table-ronde animée par Mathilde Gsell (Synabio – BioED) sur les achats responsables en bio, les intervenants ont justement témoigné de l’importance de connaître et de comprendre les risques locaux pour agir sur le terrain de façon pertinente. « Être responsable, c’est être conscient de ses impacts et les prendre en compte dans ses décisions », citait Mathilde dans son introduction. « Et en cela, les entreprises bio ont un devoir d’exemplarité », appuyait-elle.
Avec une expérience dans 21 pays différents, Philippe Sendral d’Agro Sourcing s’appuie sur les référentiels BIOPARTENAIRE® et BioED pour accompagner ses filières de fruits secs et fruits à coques. Quant à PROVA, spécialistes des arômes bruns, les achats responsables de la vanille s’accompagnent d’un « investissement fort sur le terrain, à travers une ONG depuis 2013 et une équipe dédiée sur place pour accompagner les planteurs au quotidien », expliquait Sylvie Gérard.
Les enjeux des achats responsables sont d’autant plus importants que les filières sont fragiles aujourd’hui. On a pu discuter du cas du cacao, filière à bout de souffle en particulier en Afrique de l’Ouest, avec Émilie Durochat (Commerce Équitable France) et Arthur Gautier, (TERRA ETICA). Les résultats d’une étude économique sur le financement de la transition agroécologique de la filière cacao en Côte d’Ivoire, menée dans le cadre du programme éQuité 2, montre que « la rémunération suffisante du producteur est une condition sine qua non de la possibilité d’introduire l’agroforesterie sur la base de crédit auprès de petits producteurs ». Pour financer le coût d’un cacao zéro déforestation, il faudra s’appuyer sur 2 leviers selon Commerce Équitable France : agir sur les relations commerciales et agir sur les politiques publiques.
Si le cacao bio et équitable est un exemple emblématique qui ‘parle’ au consommateur… le travail de sensibilisation est en revanche moins avancé sur d’autres filières comme celles des produits marins. Nous avons donné la parole à Thomas Canetti, fondateur de Food4Good, qui démontre que s’approvisionner en poissons durables est possible aujourd’hui. Mais le saumon bio ne représente encore qu’à peine 1,8% de la production mondiale aujourd’hui. Avec la présentation de l’étude menée par l’association régionale A Pro Bio sur la filière halieutique dans les Hauts de France, Pia Leveille concluait que la filière nécessitait des outils de structuration, notamment d’aide à la conversion, mais aussi la sensibilisation de tous les opérateurs, des pêcheurs aux poissonniers.
De la structuration de filières aux partenariats durables et équitables, le secteur bio se doit d’apporter le maximum d’attention aux approvisionnements d’ingrédients et matières premières. Et pas seulement en termes de qualité. Les impacts des achats bio doivent pouvoir être mesurés en amont comme en aval. C’est ce que nous souhaitons partager lors de ce Forum, et avec nos experts.
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