Monsanto : la justice pourrait avoir raison de la firme
Nul ne peut ignorer la victoire juridique récente de ce courageux jardinier californien face au géant de l’agrochimie Monsanto. En effet, ce 10 août, la – si tristement célèbre – firme a été condamnée par un tribunal de San Francisco à verser 290 millions de dollars à Dewayne Johnson, jardinier atteint par cancer du sang, un lymphome non hodgkinien (LNH) incurable. Ce LNH aurait pour cause l’exposition du jardinier au désherbant de la firme le plus vendu au monde : le RoundUp. Le jury a également affirmé que Monsanto connaissait la dangerosité de ces produits et a volontairement choisi de ne pas avertir le consommateur de cette dangerosité.
Notre association, Générations Futures, comme tant d’autres, a salué cette victoire historique. Certes la firme s’est empressée de faire appel, certes cette victoire est chère payée au regard de la souffrance endurée par Dewayne et sa famille, mais quel symbole et quel espoir cette victoire a fait naître chez les milliers de familles victimes de ces produits chimiques. Rappelons qu’au-delà du cas individuel de Dewayne Jonhson, ce sont pas moins de 3500 plaignants – victimes ou proches de victimes décédées de ce fameux LNH qu’ils attribuent aussi à une exposition au RoundUp – qui ont actuellement des procédures en cours aux Etats-Unis contre la firme. C’est d’ailleurs dans le cadre de ces actions juridiques, qu’il a été possible d’avoir accès aux « Monsanto papers » à savoir des mémos stratégiques, des courriels, des contrats confidentiels… qui ont commencé à livrer leurs terribles secrets.
En France et en Europe aussi, les victimes et les ONG se mobilisent et ont des plaintes en cours contre le géant de l’agrochimie. Citons le combat mené par ce céréalier de Charente, Paul François, qui s’est intoxiqué au Lasso, un désherbant de la firme. En avril 2004, l’agriculteur inhale les vapeurs de cet herbicide qu’il utilise pour traiter son maïs. Son état nécessite une hospitalisation d’urgence. En 2007, il attaque en justice la firme. En 2012, Monsanto est jugée responsable de l’intoxication de l’agriculteur, et contrainte à payer une indemnisation. La firme, qui nie tout en bloc, se pourvoit en cassation après la confirmation du premier jugement par la cour d’appel de Lyon. En juillet 2017, la Cour de cassation annule l’arrêt lyonnais pour manque de preuves et renvoie son cas devant une autre cour d’appel. L’ultime audience devrait se tenir début 2019. Il y a aussi la famille Grataloup qui à son tour a décidé de se battre et d’entamer une action juridique contre la firme. Théo, aujourd’hui âgé de 11 ans est le fils de Sabine et Thomas Grataloup. Il a été exposé in utéro à l’herbicide phare de Monsanto, le RoundUp alors que sa maman l’utilisait dans la carrière de son centre équestre. Né avec des malformations au larynx et à l’œsophage, Théo a dû être opéré à 53 reprises et a appris à vivre avec un trou dans la gorge après sa trachéotomie. En mai 2018, la famille se décide à déposer plainte à son tour. L’on pourrait allonger la liste des victimes en tournant notre regard vers l’Argentine ou le Sri Lanka. Si certains veulent encore se convaincre des ravages de ces produits, ils peuvent aller lire les témoignages sur le site dédiés aux victimes des pesticides[1] ou encore écouter ceux recueillis lors du Tribunal Monsanto qui s’est tenu à la Haye entre 2016 et 2017.
Après toutes ces années d’impunité, un vent de révolte s’est levé partout dans le monde contre les effets sanitaires provoqués par l’exposition à ces poisons. En Europe, la mobilisation très forte contre la ré-autorisation du glyphosate, substance active du RoundUp, le démontre. L’engouement non moins fort alors que se lance l’Appel Nous voulons des coquelicots en est le symbole ! La mobilisation est lancée et elle n’est pas prête de s’arrêter.
[1] https://victimes-pesticides.fr/
Tribune de François Veillerette Directeur et Porte-parole de Générations Futures
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