Natexpo 2022 : la bio plus combative et innovante que jamais
Par Fabien Zaghini, journaliste, pour Natexbio
La filière bio avait rendez-vous à Lyon du 18 au 20 septembre 2022 au salon international des produits biologiques : NATEXPO. Malgré un climat d’incertitudes, l’évènement a battu son record de fréquentation à Eurexpo en dépassant les 10 000 professionnels sur trois jours. Une belle preuve de la mobilisation du secteur, résolument tourné vers l’innovation pour accroître la valeur de ses produits et renouer avec la croissance.
La filière bio face aux défis de l’époque
Avec 1800 exposants et 200 conférences exclusives, NATEXPO 2022 affichait des chiffres en hausse avant même d’ouvrir ses portes dimanche – une première à Eurexpo –, après une précédente édition lyonnaise impactée par la crise sanitaire. Force est de constater que les acheteurs ont répondu présent : 10 177 professionnels ont parcouru les allées du Hall 4, dans un contexte qui les invite plus que jamais à miser sur l’intelligence collective pour rebondir.
Car une donnée publiée par l’Agence Bio n’est pas passée inaperçue dans le secteur des produits biologiques : le recul du chiffre d’affaires enregistré en 2021 (-1,3 %), après des années de hausses spectaculaires à deux chiffres. Certes, les ventes ont malgré tout progressé par rapport à la période pré-Covid (+11,4 % entre 2019 et 2021), mais le tassement de la courbe incite les professionnels à remettre en question leurs stratégies et à observer plus attentivement le comportement des consommateurs. Pour éviter de s’engager sur une pente glissante, « la Bio » a profité de NATEXPO 2022 pour partager son diagnostic de la période qu’elle traverse, et réfléchir aux solutions à explorer pour retrouver sa dynamique.
Le constat ? « On traverse une période de recul de la demande et donc de baisse de l’activité » confie Charles Pernin, Délégué Général de Synabio. Pour Antoine Lemaire, cofondateur du magazine Bio Linéaires, « le ralentissement des ventes remonte à juin 2021, aussi bien dans la grande distribution que dans les magasins spécialisés ». « On fait face à un paradoxe entre d’un côté une exigence très forte de garanties sur la qualité et l’origine des produits, et de l’autre un pouvoir d’achat qui est le sujet majeur de la plupart des Français » développe Gaëlle Frémont, fondatrice d’Ingrébio.
Revaloriser le produit bio pour lui redonner son attractivité
Mais n’espérez pas croiser d’exposants ou de visiteurs pessimistes dans les allées d’Eurexpo lors du salon NATEXPO. Tous sont convaincus des atouts des produits biologiques pour reconquérir le cœur des consommateurs. « Les fabricants ont des ressources pour passer ce cap difficile » affirme Charles Pernin. « Ils doivent s’appuyer sur des fondamentaux pertinents par rapport à la santé ou à l’environnement, qui sont vraiment d’actualité. » Sa préconisation : « Travailler sur la cohérence de la marque autour des valeurs du bio comme l’équité ou la RSE, plutôt que de s’engager dans la course aux pris bas. » Elle est partagée par Lionel Wolberg, Président de Markal : « Il faut opérer un retour aux fondamentaux en proposant le bon produit au bon prix, avec la bonne offre et le marketing approprié. »
Les valeurs de la bio, ce sont les meilleurs leviers pour valoriser des produits bio. Les conférences étaient en effet unanimes pour placer la réponse du secteur au défi environnemental comme l’atout-maître en termes de différenciation auprès des consommateurs. Mais comment émerger dans les rayons de la grande distribution par exemple face à « la concurrence de labels moins bien disant qui se disent plus vertueux » dixit Gaëlle Frémont ? « La certification bio ne suffit plus à rassurer le consommateur aujourd’hui. Les acteurs engagés ont besoin de montrer tout ce qu’ils font en plus du règlement pour le développement durable, le commerce équitable ou le développement de filières structurantes. »
Une démarche responsable à mettre en avant
La pédagogie sur les bienfaits des produits bio est l’un des fondamentaux de la filière. « Sur les compléments alimentaires, la clientèle est de plus en plus jeune et de mieux en mieux éduquée » note Philippe Laratte, fondateur de la marque ANOË et Trésorier de Synadiet. « Cette clientèle comprend que la santé passe par la prévention, et que la prévention passe par des produits minéraux, vitamines, phytothérapie aromathérapie. » L’étape suivante consiste donc à montrer les coulisses de ces produits, ajouter à la qualité intrinsèque une démarche vertueuse pour dessiner une proposition de valeur unique. C’est ainsi que la filière pourra rester cohérente avec les aspirations de consommateurs plus sensibles aux externalités des produits qu’ils achètent. A NATEXPO 2022, c’est que l’on a présenté comme l’extension de l’engagement de la bio. « Dans l’univers des cosmétiques et de l’hygiène bio chez nos adhérents, tous sont certifiés » glisse Magali Barbier, Chargée de Développement et d’Animation Réseau chez Cosmébio. « Mais tous vont de plus en plus loin ! » Le produit bio est devenu indissociable de son packaging ou encore de son process de fabrication.
Au-delà des labels bio, les acteurs de la filière peuvent faire reconnaître leurs démarches durables. C’est ce qu’a expliqué Péroline Baiguini lors de la conférence de présentation du label RSE BioED au Forum Natexbio / La Maison de la Bio. Porté conjointement par le Synabio et Cosmébio, ce label professionnel s’intéresse moins aux produits qu’à la stratégie de l’entreprise en matière de conditions de travail et d’impact environnemental de l’activité. Le label BIOPARTENAIRE® s’applique quant à lui aux acteurs engagés dans un partenariat équitable entre le transformateur et le producteur, que ce dernier se trouve dans l’hémisphère Sud ou en Bretagne ! « Il est réservé aux produits distribués dans les réseaux spécialisés et repose sur un engagement de long terme, pour avoir une garantie de durabilité des filières » explique Claire Touret, déléguée générale du label créé en 2002.
Le cahier des charges de ces labels aide les entreprises engagées à structurer leurs process dans une approche plus responsable, qui correspond à une aspiration croissante des consommateurs. Avec les effets de plus en plus visibles du dérèglement climatique, le storytelling autour de ces actions vertueuses prend tout son sens et renforce la valeur perçue du produit et de la marque. Très loin du greenwashing de certains grands groupes régulièrement dénoncé par Synadis Bio, la démarche a également du sens du point de vue du sourcing des matières premières.
Des exemples probants d’engagements éthiques
Sur le Forum des Ingrédients Bio, le directeur général d’Agro Sourcing, Philippe Sendral – labellisé BioED et BIOPARTENAIRE® – a revendiqué un « devoir d’exemplarité » en détaillant les efforts de l’importateur de fruits secs biologiques et équitables pour accompagner 5500 producteurs locaux. En s’engageant autour de problématiques de biodiversité, de lutte contre la précarité ou encore de défense des minorités, Agro Sourcing contribue aussi à solidifier ses approvisionnements, un enjeu largement relayé lors du salon NATEXPO 2022 en raison de la fragilisation des filières face à la répétition des évènements climatiques.
L’urgence écologique est d’ailleurs au fondement de la démarche des Mouettes Vertes depuis 2005. Ce créateur et fabricant de vêtements et accessoires textiles écologiques sur-mesure, présent sur le salon NATEXPO 2022, s’échine à diffuser le coton bio et plus globalement des alternatives au plastique et au jetable. « Notre production s’adresse aux marques désireuses de proposer des cadeaux à leurs clients – comme des tote bags ou des trousses personnalisées – plus éco-responsables » résume la responsable commerciale de la marque, Tania Szersnovicz. « Nous proposons par exemple le furoshiki, un emballage cadeau zéro-déchet ! » Les Mouettes Vertes symbolisent cet engagement durable profond qui caractérise les entreprises de la bio : disrupter les habitudes de consommation, employer des matières écologiques, se soumettre au cahier des charges de certifications exigeantes en matière de traçabilité et de recyclage.
Trophées NATEXPO 2022 : l’innovation récompensée
Le défi climatique est aussi un formidable moteur d’innovations sur le marché des produits biologiques. Parmi 240 candidatures, le jury d’experts et de professionnels des Trophées NATEXPO 2022 a accordé une large place aux solutions « zéro gâchis ».
Dans la catégorie des produits d’épicerie sucrés, le Kignon de La Biscuiterie Handi-Gaspi a décroché le trophée Argent Innovation bio avec ses biscuits issus d’invendus de pain bio revalorisés. Un modèle d’upcycling ! Un mouvement dans lequel s’inscrit Yum & Wild avec ses sauces végétales à partir de l’aquafaba, l’eau de cuisson de pois chiche. Dans la Galerie des Nouveautés tout au bout du Hall 4, l’upcycling se déclinait également avec la trousse de toilette nomade de TOMO à partir de tissu recyclé.
En matière de produits et services pour la maison et la personne, la poudre à diluer Epur de Chembo Bevil (trophée Or) et le solide vaisselle de Solide ! (trophée Argent) réduisent les emballages et le transport inutile d’eau. Côté équipement pour le magasin, le Spicoj d’Ulteria Bulk and Co (trophée Or) permet de décliner le vrac aux poudres, épices, herbes et baies, tandis que les présentoirs de sol en bois de Sequoia Factory (trophée Argent) s’inscrivent dans une démarche circulaire afin de retourner dans le circuit. Les deux aboutissent au même résultat : la réduction des déchets.
Trophée Or dans la catégorie produits frais, le Taharama de L’Atelier V répond de la même ambition minimaliste. Cette recette revisite le tarama en se passant d’œufs de poisson pour préserver les écosystèmes marins. À la place, le haricot blanc fumé et l’algue dulse créent l’illusion à la perfection ! Des algues, il en était d’ailleurs question au Forum des Innovations avec Ammi et ses bocaux gourmands à la spiruline fraîche. Cette micro-algue est en effet la plus nutritive sur Terre, considérée par l’OMS comme le meilleur aliment du siècle !
Faire du digital un atout pour la bio
Que retenir d’autre de ce salon NATEXPO 2022 ? Du côté cosmétique bio, les solides ne se contentent pas d’éliminer l’emballage : ils jouent sur le plaisir d’utilisation à l’image de la gelée micellaire solide du Laboratoire Gravier, bluffante par son confort lors de son application sur la peau.
Cette édition 2022 inaugurait par ailleurs un secteur dédié aux solutions e-commerce. Un canal de distribution mis sur orbite lors de la crise sanitaire, devenu d’autant plus indispensable dans un contexte de tassement des ventes physiques. « La vente en ligne s’inscrit dans la diversification des circuits de distribution aux côtés du magasin spécialisé, de la grande distribution ou encore de la restauration » insiste Charles Pernin. « Les compléments alimentaires s’en sortent bien parce qu’ils ont une distribution multicanale, notamment en e-commerce » renchérit Philippe Laratte. Le digital, c’est aussi la blockchain au service de la traçabilité des filières, portée notamment par Connecting Food et sa « Food Confidence Platform » pour apporter une totale transparence au contenu des assiettes. Le monde bouge et la bio se doit par essence de rester à l’avant-garde !
Rendez-vous pour la prochaine édition de NATEXPO qui se tiendra au Parc des Expositions de Paris-Nord Villepinte les 22, 23 et 24 octobre 2023.
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