Natexpo 2023 : une édition plus internationale que jamais
Le monde de la bio s’est donné rendez-vous au hall 6 du parc des expositions Paris Nord Villepinte du 22 au 24 octobre 2023. Et ce n’est pas qu’une expression : la part des exposants et visiteurs internationaux est en augmentation, signe que le marché français aiguise les intérêts… et que la production française fait référence.
Un exposant sur quatre en provenance de l’étranger
Maîtrise de l’anglais exigée. Pour sillonner les allées du salon Natexpo et pouvoir échanger avec plus de 2000 exposants et marques (sur 870 stands) et plus de 11 000 professionnels, mieux vaut comprendre et s’exprimer de manière fluide dans la langue de Shakespeare. Car au milieu des pavillons régionaux aux couleurs de l’Occitanie (Ad’Occ), de l’Auvergne-Rhône-Alpes (Cluster bio), de la Bretagne (Initiative Bio Bretagne), des Hauts-de-France ou encore de PACA, ce sont des pavillons internationaux qui ont fleuri. Ils portent les couleurs de l’Italie, de l’Allemagne, de la Belgique – la Wallonie plus précisément –, de l’Espagne – deux pavillons dont un nouveau (Ecovelia) – et de l’Irlande, arrivée en grande pompe avec sa ministre déléguée à la Biodiversité. « 25 % des exposants sont internationaux, en provenance de vingt-trois pays » résume Valérie Lemant, directrice générale de Spas Organisation à la tête du salon Natexpo. « Et près d’un visiteur sur six sur le salon est étranger. »
Les voisins européens sont évidemment les plus représentés, l’Italie en tête avec une cinquantaine d’exposants devant La Belgique (une quarantaine), l’Allemagne (une trentaine), l’Espagne (une vingtaine), la Suisse (dix), les Pays-Bas et l’Irlande (neuf chacun), le Royaume-Uni (cinq) et même l’Ukraine (quatre).. Mais Natexpo n’est pas seulement un rendez-vous continental : on pouvait croiser sur l’édition 2023 un stand représentant les entreprises canadiennes de l’agriculture bio, deux stands indiens dans la cosmétique et l’encens bio, des producteurs de biosel tunisien, de noix de cajou sénégalaises ou d’huiles essentielles taiwannaises. Bref : on vient de loin pour exposer son savoir-faire dans l’univers de la bio. Pardon : de la « food organic » ou de la « beauty organic ».
Certes, la consommation de produits bio a accusé un recul ces deux dernières années en France. Ils représentaient 6 % du panier de courses alimentaires des Français en 2022 d’après les données de l’Agence Bio, la faute à l’inflation et à la baisse du pouvoir d’achat des ménages. Mais le marché bio hexagonal demeure fort en volume à l’échelle européenne : 12 milliards d’euros en 2022, de quoi nourrir la convoitise des producteurs hors de nos frontières.
L’Italie, leader européen des exportations de produits bio
C’est notamment le cas des Italiens, qui possèdent la plus importante surface agricole dédiée au bio (17,4 %, taux le plus élevé d’Europe). « L’export est une tradition forte dans l’agriculture et l’agroalimentaire italien » reconnaît volontiers Giuseppina Di Bella de l’agence italienne pour le commerce extérieur (ICE) dans les allées de Natexpo. Pâtes, sauces, fromage, huile d’olive, vin : la gastronomie italienne suscite l’émerveillement dans le monde entier. Et l’agroalimentaire est un secteur stratégique pour le pays, puisque cette industrie représente 15 % du PIB italien d’après Forbes. Mais les producteurs italiens convertis à la bio sont confrontés à un paradoxe : la consommation nationale est parmi les plus faible d’Europe. En 2021, un Italien dépensait en moyenne 60 euros par an pour l’achat de produits bio, près de trois fois moins qu’un Français et six fois moins qu’un Danois !
Conséquence : le marché intérieur italien n’atteint pas les 5 Md€ de chiffre d’affaires annuel, alors le troisième plus grand producteur agricole de l’Union européenne se tourne logiquement vers l’extérieur pour trouver des débouchés. Dixième exportateur mondial de produits agroalimentaires, l’Italie est le second dans l’univers de la bio, derrière les États-Unis. Elle réalise près de 40 % de son chiffre d’affaires de produits issus de l’agriculture biologique à l’export d’après les données de l’Association Italienne pour l’Agriculture Biologique (AIAB). « Et la France est notre deuxième marché cible après l’Allemagne » précise Giuseppina Di Bella, qui voit chez les Français « des consommateurs attentifs au goût et à la qualité ».
Le marché français, un relais de croissance
Autre pays frontalier, l’Espagne cultive certaines ressemblances avec l’Italie comme un panier moyen de produits bio restrictif de la part de ses habitants (moins de 60€ par an). Alors la France est un relais de croissance privilégié, « notre premier client à l’export » souligne Victoria Mirallas Abella de la Junta de Castille-et-Léon. « La consommation de produits bio y est plus avancée qu’en Espagne (3 Md€, NDLR), nous n’avons pas de distribution dédiée comme cela existe ici et le pouvoir d’achat est en souffrance. » C’est sur le prix que les produits espagnols – principalement les fruits et légumes bio – trouvent leur place dans les étals françaises. Une nécessité pour un pays qui possède la deuxième plus importante surface agricole utile dédiée au bio en Europe.
Les Allemands possèdent quant à eux le premier marché bio d’Europe devant la France (plus de 15 Md € de chiffre d’affaires en 2022). Un cadre propice au développement d’une offre de produits bio exhaustive, où le cahier des charges des labels impose une conversion totale du mode de production. Le bio occupe une place importante dans les linéaires de la grande distribution des discounters allemands, mais la proximité naturelle avec la France encourage les producteurs à prospecter de l’autre côté du Rhin. « Il est difficile de s’établir sur un marché comme celui de la France, où les consommateurs donnent la préférence à la production locale » admet d’emblée Joachim Ludwig sur le « Germany Pavilion » sous l’égide du ministère fédéral de l’Alimentation et de l’Agriculture. « Nous misons sur l’innovation et les nouveaux produits pour nous démarquer, par exemple avec des produits végans. »
Des nouveautés d’ailleurs
Témoin de la forte présence d’exposants internationaux, la Galerie des Nouveautés de Natexpo 2023 était la vitrine de ces savoir-faire d’ailleurs.
Les émincés végétaux et bio « Chicken style » de la marque allemande Wheaty à base de seitan conviennent en effet aux végans, tout en apportant beaucoup de protéines et en se passant d’huile de palme. Ils côtoyaient un café bio portugais végan et sans gluten (Extreme Energy de la marque Iswari) et un chocolat italien à l’avoine végan (ChocOat de la marque Cacao Crudo). Parmi les produits régionaux emblématiques, on trouvait un grana padano AOP (Caseria Monti Trentini) côté italien et une bière IPA sans alcool belge (Trottinette). On peut aussi citer les innovations suisses (des fleurs comestibles signées Sativa) ou néerlandaises (de la pulpe de cacao bio permettant de valoriser une partie de la cabosse habituellement traitée comme un déchet).
Qui dit internationalisation de la consommation bio dit forcément impact carbone. Une problématique qui n’a pas forcément lieu d’être pour les producteurs des pays limitrophes – « nous sommes moins loin de l’Ile-de-France que certaines régions françaises » glisse habilement l’allemand Joachim Ludwig. Pour d’autres, la dimension équitable des produits importés d’Afrique tel que l’huile de sésame originaire du Kenya proposée par les Belges de Fairoils, garantissant un revenu fixe aux locaux, compense les émissions de CO2 du transport. De même que le cahier des charges très strict appliqué dans le mode de fabrication. La préférence au localisme ne doit pas priver les consommateurs du plaisir d’un saumon ou d’un whisky bio élevé en Irlande !
Pour Valérie Lemant, la forte connotation internationale de Natexpo 2023 ne doit par ailleurs en rien effrayer les exposants nationaux. « C’est au contraire une énorme opportunité » explique l’organisatrice du salon. « Ce sont des nouveautés qui vont attirer les consommateurs dans le commerce spécialisé bio, et des visiteurs internationaux en plus qui peuvent offrir de nouveaux débouchés aux producteurs tournés vers l’export. » Le succès des rendez-vous d’affaires orchestrés par Business France sont là pour en témoigner : l’international fonctionne dans les deux sens.
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