Natexpo 2024 : la filière bio reprend confiance

2 octobre 2024


Un vent d’optimisme soufflait dans les allées du salon Natexpo les 23 et 24 septembre derniers à Eurexpo Lyon. Après trois années de crise liées à l’inflation, les acteurs de la filière bio ont pu partager et valider un même sentiment, celui que le rebond espéré est en train de s’opérer. Une tendance qui entérine les efforts de tout un écosystème dans le respect d’une démarche vertueuse et porteuse de sens.

A l’extrémité du Hall 6 d’Eurexpo Lyon, le Forum des Bio-Tendances organisé en partenariat avec Bio Linéaires proposait une mini-conférence sur le thème de… la reprise. Animée par Bernard Ollié, expert en data des consommations « alternatives », sa tonalité n’était pas béate mais fondée sur des données. Un chiffre de l’Agence bio notamment : +8,4 %, soit la hausse des ventes en circuit spécialisé bio sur le premier semestre 2024, bien aidée par la forte dynamique des fruits et légumes qui représentent un quart du chiffre d’affaires. La vente directe aussi bénéficie de ce rebond (+3%), à l’inverse des produits bio dans la grande distribution (-4,4%), mis en retrait des linéaires par les enseignes dans un contexte d’inflation. Pas de quoi monter sur les tables et tourner les serviettes certes, mais « l’optimisme revient » comme le martèle Bernard Ollié, à l’instar de tous les acteurs rencontrés durant deux jours lors du salon des professionnels de la filière.

La fréquentation repart dans les magasins bio

En parlant de chiffres, ceux du salon Natexpo 2024 accréditent aussi la thèse du rebond. Dans un nouveau format plus compact sur deux jours, il a attiré 6 287 visiteurs, permettant aux 350 exposants de bénéficier d’une affluence doublée sur leurs stands par rapport à 2022. « Il y avait un esprit bon enfant, le creux de la vague est passé » observe Florence Roublot, la directrice du salon. « Le mot d’ordre cette année c’est « on va de l’avant ». Lorsque le salon se déroule à Lyon, il y a une convivialité et une dimension humaine plus importantes. » En témoigne le succès de l’apéro Tchin tchin du lundi soir, mais aussi le succès du Village des distributeurs au centre du Hall 6 qui a grandement facilité les échanges.

« J’ai eu une vingtaine de rencontres qualifiées » se réjouissait Stéphanie Defour, fondatrice de la marque de cosmétiques 100 % naturels Un battement d’aile. Venue en voisine de Villefranche-sur-Saône comme de nombreux exposants – les trois quarts de ceux présents à Eurexpo ne se déplacent que sur l’édition biannuelle à Lyon –, elle avait déjà eu l’occasion de mesurer l’impact d’un stand à Natexpo lors d’une première participation. « C’est très concluant car ça donne une visibilité importante auprès des distributeurs. »

Forum des Bio Tendances (crédit photo ©NRodet)
Plus de 6000 visiteurs ont arpenté les allées de Natexpo Lyon 2024 (crédit photo ©NRodet)

Les ajustements gagnants de la distribution bio

« Pour beaucoup d’exposants, la journée de lundi a été la meilleure qu’ils aient connu à l’occasion d’un salon Natexpo » note Antoine Lemaire, fondateur du magazine Bio Linéaires et témoin privilégié de la filière. « Certains acteurs importants n’avaient pas prévu de tenir un stand, cela n’a donné que plus de visibilité aux plus petits exposants. » Lui aussi assiste au rebond du marché : « On devrait atteindre les 4 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2024, ce qui correspond à une très bonne année en dépit de l’inflation. D’ailleurs, il est à souligner que cette dernière a touché moins durement les produits bio que les produits conventionnels. On est loin de la grande incertitude qui régnait encore l’an dernier à pareille époque. Nous sommes en période de convalescence : le nombre de fermetures de magasins bio a chuté – une soixantaine au premier semestre contre plus de 200 en 2023. Les adeptes ont continué de fréquenter les magasins spécialisés et l’on voit réapparaître plus fréquemment des consommateurs occasionnels. Il faut aussi noter que les comportements ont évolué, avec la recherche de la promotion. »

Les promos, c’est l’un des axes d’amélioration suivis par les magasins La Vie Claire ces derniers mois. « Nous avons aussi travaillé sur les prix, et nous avons un atout de poids qui est le conseil » explique Christelle Le Hir, présidente du directoire de la chaine de magasins spécialisés et également à la tête du Synadis Bio, le syndicat professionnel des magasins bio. « Certains consommateurs reviennent et de nouveaux apparaissent, nous parvenons à en recruter de nouveaux ! »

Santé et environnement, les deux jambes qui font avancer la bio

Qui sont ces consommateurs prêts à payer plus pour acheter bio ? Les experts de la Chaire Agriculture Biologique de Bordeaux Sciences Agro se sont penchés sur la question lors d’une conférence sur la scène de Natexpo. Chargé de recherche à l’INRAE, Sébastien Lecocq a rappelé le profil type du consommateur de produits bio : un citadin avec un haut niveau d’étude et des revenus confortables, soucieux de sa santé et de l’environnement. La préoccupation des enjeux environnementaux et les conséquences sur la santé des produits que l’on consomme demeurent en effet les deux facteurs essentiels donnant la préférence au bio par rapport au conventionnel. Un fait confirmé par Fabien Foulon, data analyst expert de la bio et consultant pour Retail&Detail. L’étude récente des tickets de caisse lui a ainsi permis d’observer la part importante des compléments alimentaires chez les nouveaux clients – deux fois supérieure à la moyenne –, ce qui en fait un puissant produit d’appel pour attirer une nouvelle clientèle dans les magasins spécialisés. Ce n’est pas Anne Serrault qui dira le contraire ; la directrice générale de Vit’All+, également administratrice du Synadiet, concède que « la prise en charge active de sa santé est le moteur de notre segment de produits ». « Tout n’est pas certifiable, mais l’image de naturalité de nos gammes et les notions de qualité et de sécurité sont des critères importants pour des consommateurs soucieux de leur qualité de vie. »

Interview de Sébastien Lecocq, chercheur INRAE et Eric Giraud-Héraud Directeur de recherche INRAE

Santé et environnement, les deux jambes qui font avancer la bio

L’optimisme de la filière bio réside aussi et toujours dans sa forte marge de progression dans le panier des ménages, où il ne pèse encore que 6%. Doubler ce chiffre, c’est par exemple l’objectif affiché de la région Occitanie d’ici 2027 pour des enjeux de santé autant que de souveraineté alimentaire. Le soutien politique reste néanmoins un irritant auprès des acteurs de la bio, notamment dans la restauration collective où la barre des 20% de produits bio dans les cantines fixée par la loi EGalim est encore loin d’être atteint – il dépasse à peine 13% actuellement. « Avec 20% de produits bio dans la restauration collective, on pourrait installer des jeunes agriculteurs alors qu’aujourd’hui on assiste au plus grand plan social de France dans le monde agricole » schématise Bertand Féraud, arboriculteur engagé dans le bio équitable à la tête de la coopérative Uni-Vert dans le Gard. « La Loi EGalim ne faisant l’objet d’aucun contrôle, le bio dans les cantines demeure une question de volonté politique » regrette-t-il. « Consommer bio est pourtant d’intérêt public ! »

La volonté politique peut néanmoins venir des territoires. En visite sur le salon Natexpo où il joue à domicile, Jérémy Camus a pu exposer le dispositif de la Métropole de Lyon dont il est vice-président en charge de l’agriculture et de l’alimentation : 100% bio et 50% local. Même chose à Bordeaux, où l’on vise les 60% de produits bio dans les menus en 2026 comme le constate Thomas Breuzet, fondateur du groupe Quinoak à Agen. Cet acteur régional de l’agroalimentaire bio présent à Natexpo observe la sensibilisation croissante des élus, des gestionnaires et des cuisiniers pour le bio et les circuits courts. « Toutes les collectivités peuvent passer au 100% bio, les filières sont présentes localement. C’est même possible à budget égal grâce à l’utilisation de produits de saison ou encore de protéines végétales afin de monter en gamme sur la viande. D’autant que le bio, c’est moins de gaspillage ! Et ce qu’on peut faire en restauration collective est un exemple qu’il est possible d’appliquer dans le foyer. »

Le premier prix du Natexbio Challenge attribué à SudOvégé, nouvel acteur de la restauration collective depuis un an avec ses plats végétariens 100 % bio, est un coup de projecteur sur le dynamisme de la filière. Revigoré par des indicateurs positifs, l’écosystème de la bio est en ordre de marche pour convaincre et convertir de nouvelles cibles !

Par Fabien Zaghini


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