Les nouveaux OGM, outil de brevetage du vivant
Depuis 1996, associations environnementalistes, syndicats agricoles et une foule de citoyens anonymes se sont mobilisés pour exiger – et obtenir – que les plantes génétiquement modifiées (PGM) soient évaluées et étiquetées. Vingt ans plus tard, les entreprises espèrent commercialiser rapidement de nouvelles plantes génétiquement modifiées tout en espérant échapper à la législation actuelle sur les OGM, jugée trop contraignante. Porteurs d’espoirs commerciaux pour les entreprises, ces nouveaux OGM pourraient bien marquer un tournant dans ce dossier.
Un travail sur les plantes qui s’effectue artificiellement
Les nouveaux outils génétiques que sont les nucléases à doigt de zinc, la mutagénèse dirigée par oligonucléotides, la méthylation de l’ADN guidée par l’ARN…, appelées « nouvelles techniques de sélection » (abusivement puisqu’il ne s’agit pas seulement de sélection mais bien de modification) sont en passe de remplacer les « lignées pures », et autres hybrides F1 ou plantes mutées aléatoirement. Si ces techniques de modification génétique diffèrent dans leur principe, elles partagent toutes un point commun : elles sont obtenues in vitro, c’est à dire sur cellules cultivées en boîte de Petri. Un détail ? Pas vraiment, puisque pour la législation internationale (le Protocole de Carthagène) et européenne (directive 2001/18), cela en fait des techniques donnant des organismes génétiquement modifiés.
Un principe législatif remis en question
Des rumeurs ont circulé sur la volonté de la Commission européenne d’exclure de la législation OGM certaines des nouvelles techniques : elles sont le reflet du lobby de certaines entreprises qui souhaitent ouvertement obtenir que les produits de ces techniques ne soient pas soumis à une évaluation des risques aussi poussée que celles des OGM, ni à une autorisation avant commercialisation et à un étiquetage obligatoire. Mais les législations internationales et européennes étant, quoi qu’on en dise, assez claires, un travail s’est engagé depuis quatre ans au sein de la Commission européenne pour interpréter le droit et définir le statut des produits obtenus. Et les entreprises d’argumenter que les produits obtenus pourraient être obtenus naturellement, qu’il serait impossible d’identifier leur origine biotechnologique et qu’ils sont, bien sûr, sans risque. Mais en Europe, l’approche législative adoptée prend autant en compte le procédé utilisé pour modifier un génome que les caractéristiques du produit final, respectant ainsi le principe de précaution qui préside dans l’Union européenne (contrairement à l’équivalence en substance, qui induirait de ne s’intéresser qu’au produit final). Une approche défendue par les représentants de la société civile qui réclament que toutes les nouvelles techniques listées par la Commission européenne soient considérées comme devant être soumises au champ d’application de la législation sur les OGM. Une décision qui serait le seul moyen d’assurer une évaluation des risques avant commercialisation, un étiquetage obligatoire permettant aux « consommateurs, agriculteurs et obtenteurs » de savoir ce qu’ils achètent et donc d’éviter les OGM.
Le vivant objet d’une propriété industrielle
Et cet étiquetage n’aurait rien d’anodin. Non seulement il est le seul moyen pour les acteurs de la filière bio de garantir l’absence d’OGM (tels que définis dans leur cahier des charges) dans leurs produits, mais il est également le seul moyen de « tracer » les brevets présents dans ces plantes. Car si les entreprises argumentent que ces techniques donnent des produits qui peuvent exister naturellement, elles prennent soin de déposer des demandes de brevets associés. Or, si ces brevets concernent des techniques et leurs produits, ils pourront être étendus à tous produits « ressemblant », surtout si ces derniers ne peuvent être différenciés. Ils permettront donc aux entreprises d’étendre leurs propriétés industrielles aux plantes existant naturellement. Un tournant pour le moins fondamental puisque le « naturel » deviendrait propriété privée…
Par Eric Meunier d’Inf’OGM pour Natexbio
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