Des OGM pour réduire les pesticides ?
Les entreprises ont mis au point des variétés transgéniques pour simplifier le travail de l’agriculteur nord-américain. Elles ont bien entendu aussi promis que ces merveilles technologiques permettraient de diminuer la quantité de produits chimiques épandus. Vingt ans après, cet argument est toujours utilisé même si la réalité lui a souvent donné tort. L’agriculture transgénique, promue comme une réponse aux dégâts de l’agriculture chimique, n’en est en fait que le prolongement.
Aujourd’hui, 99% des plantes transgéniques commercialisées sont des plantes « pesticides » : soit elles tolèrent un ou des herbicides (il s’agit des plantes RoundUp Ready, LibertyLink…), soit elles produisent une protéine insecticide (plantes Bt) ou encore les deux à la fois. Mais regardons ça de plus près…
Ces OGM qui tolèrent les herbicides… et augmentent leur dosage.
Les données récoltées permettent de le démontrer : l’expertise collective Inra-CNRS [1] souligne des hausses de l’usage des herbicides, pour la période 1995 à 2007 aux Etats-Unis, pour le maïs GM (+25%), le soja GM (+11%) et le coton GM (+13%). Elle ajoute qu’en 2011, « ces tendances sont confirmées avec des indications similaires pour le soja au Canada, au Brésil et en Argentine ».
Cette augmentation a plusieurs raisons.
La première est une utilisation moins rigoureuse des herbicides : la plante GM survit aux pulvérisations (c’est pour cela qu’elle a été créée), donc l’agriculteur ne craint pas d’en mettre trop. Ainsi, ces plantes GM lui permettent d’optimiser les passages de tracteur en augmentant les doses de chaque passage et de s’assurer qu’aucune plante adventice (plus connues sous le nom de « mauvaises herbes ») ne perturbe la culture souhaitée.
La seconde raison est qu’en utilisant de telles plantes génétiquement modifiées, l’agriculteur a tendance à utiliser en permanence le même herbicide. Ainsi, les adventices s’adaptent plus rapidement et deviennent résistantes aux herbicides utilisées. Or, pour détruire ces plantes indésirables devenues résistantes, il faut soit procéder à un arrachage manuel, soit augmenter les doses de l’herbicide déjà utilisé, soit encore utiliser des herbicides plus toxiques, tels que l’atrazine, le 2,4-D, etc.
Charles Benbrook, consultant en agriculture aux États-Unis cité dans l’expertise Inra CNRS, précise que l’apparition de plantes adventices tolérantes au glyphosate a entraîné des « difficultés de désherbage conduisant à une augmentation des doses et/ou du nombre de passages de glyphosate en dix ans ».
Les plantes Bt et la promesse d’une diminution des pesticides
Une autre caractéristique possible, celle des plantes Bt, est de produire elle-même leur(s) protéine(s) insecticide(s) en continu et dans toutes les cellules. Donc si on parle d’insecticides directement pulvérisés par l’agriculteur sur la plante, il semble logique que la quantité de pulvérisations sera moindre.
Mais il paraît tout à fait malhonnête de ne pas intégrer les quantités d’insecticides produites par la plante dans le bilan final : ces molécules se retrouvent en effet dans la nature au même titre que celles pulvérisées. Or, cette quantité auto-produite n’est pas connue avec précision. Sa méconnaissance empêche d’évaluer et de gérer les résistances chez les insectes cibles.
Et si les insectes acquièrent à leur tour une résistance à une protéine insecticide Bt produite par une plante, l’agriculteur devra bel et bien revenir à des pulvérisations d’autres insecticides pour lutter contre ce parasite. Or, les résistances commencent effectivement à apparaître : il est probable que ce phénomène engendrera, comme pour les plantes GM tolérant un herbicide, une augmentation des doses ou l’utilisation d’insecticides chimiques plus toxiques…
D’autre part, les plantes Bt ne produisent pas des insecticides contre l’ensemble des insectes phytophages. Donc même avec des variétés Bt et en l’absence d’insectes résistants, un agriculteur conventionnel (non bio) sera amené à utiliser d’autres insecticides.
Enfin, l’efficacité des plantes Bt, en entraînant un changement dans l’écosystème local (disparition de certains insectes ravageurs) peut entraîner la prolifération de parasites auparavant mineurs, ce qui implique aussi d’utiliser des insecticides contre ces derniers.
À l’inverse de cette approche, l’approche « bio » ne cherche pas à éliminer totalement une population de prédateurs, mais à s’assurer que les populations d’insectes soient en équilibre avec leur milieu, afin qu’aucune ne prolifère et ne dévaste la culture.
Par Christophe Noisette pour Natexbio
Rédacteur en chef du site d’informations www.infogm.org
Contact : infogm@infogm.org
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[1]http://www.infogm.org/spip.php?article5025
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