Ce vote était un test important : c’était la première fois depuis l’adoption de la directive opt-out en 2015 (directive 2015/412) que les États membres se prononçaient sur des autorisations de cultures d’OGM. Cette directive opt-out avait été pensée par la Commission européenne pour permettre de débloquer les autorisations d’OGM et faciliter leur culture au niveau de l’UE. Las ! Elle n’a finalement pas permis de débloquer quoique ce soit : aucune majorité qualifiée n’a en effet émergé pour ou contre ces demandes d’autorisation.
Cela s’est pourtant joué à peu de choses : douze États membres ont voté contre la ré-autorisation du MON810, dix pour, et six se sont abstenus [3]. S’agissant des autorisations de maïs GM 1507 et Bt 11, treize États membres ont voté contre, huit pour et sept se sont abstenus [4]. Autrement dit, une majorité -numéraire- d’États membres s’est prononcée contre les autorisations.
L’issue du vote au sein du Comité d’appel sera-t-elle la même ? La Commission européenne va-t-elle chercher à faire pression pour justifier sa nouvelle directive ?
L’absence de consensus entre les États membres sur la décision à prendre entraîne, notamment, des retards dans le traitement des demandes d’autorisation. Ces retards ont déjà valu à la Commission européenne, chargée de prendre la décision finale en cas d’absence d’avis des États membres, d’être condamnée par le Tribunal (Union européenne) [5].
Le premier vote depuis l’adoption de la directive opt-out
Ce vote était aussi l’occasion de voir si les États membres changeraient leurs habitudes de vote maintenant qu’ils peuvent interdire la culture des OGM sur leur territoire national grâce à la directive opt-out. Les États membres voteraient-ils, comme ils le faisaient auparavant, de telle manière que le résultat aboutisse à une absence d’avis ? Ou les États membres allaient-ils être cohérents avec la mesure d’interdiction prise au niveau national en votant contre l’autorisation de culture au niveau de l’Union européenne ?
Avant le vote qui a eu lieu ce matin, plusieurs États membres avaient annoncé qu’ils voteraient contre ces nouvelles autorisations, en cohérence avec l’interdiction nationale de culture (Autriche, Bulgarie, Grèce, Hongrie, Lettonie, Luxembourg, et Pologne). Ces États ont effectivement voté contre.
Mais en regardant les résultats du vote, il est également intéressant de relever que certains États membres ont changé leur habitude de vote. C’est ainsi que la France, contrairement à son habituelle abstention, s’est prononcée contre les trois autorisations de culture. Un vote cohérent avec l’interdiction nationale de culture. Mais c’est l’inverse qui s’est produit pour l’Italie. S’abstenant habituellement, elle a voté en faveur de l’autorisation de culture, alors même qu’existe au niveau national une interdiction de culture.
La culture des OGM reste très controversée en Europe et une grande majorité de citoyens européens s’y oppose tant pour la culture que pour l’alimentation. Le 6 octobre 2016, le Parlement européen, institution représentant les citoyens de l’UE, s’est d’ailleurs opposé, à une large majorité, aux projets de la Commission d’autoriser les maïs MON810, 1507 et Bt11 [6]. Les Verts au Parlement européen s’inquiétaient également de ces nouvelles autorisations de culture. Ils avaient à cet effet lancé une campagne sur twitter par laquelle les citoyens pouvaient interpeller directement les ministres des États membres pour les inciter à voter contre les autorisations de culture [7].
Quant aux organisations de la société civile, elles craignaient que la multiplication des autorisations à la culture d’OGM accroisse le risque de contamination de la nourriture et des semences dans le marché intérieur, et augmente le coût des contrôles internes destinés à prévenir la contamination dans les États qui ont interdit leur culture. Un coût que devraient prendre en charge les agriculteurs et transformateurs qui ne souhaitent pas voir leurs productions déclassées ou étiquetées… et cela, en l’absence de mesures de coexistences efficaces au niveau européen. En France, plusieurs organisations de la société civile [8] avaient interpellé directement les ministères de l’Environnement et de l’Agriculture pour inciter le gouvernement français à voter contre ces autorisations. Elles souhaitaient que le gouvernement soit cohérent avec l’interdiction de culture prononcée au niveau national, et ce fut donc le cas.
Commentant les résultats du vote de ce matin 27 janvier, Greenpeace affirme qu’ils démontrent clairement que la Commission est encore loin d’atteindre la majorité qualifiée nécessaire pour l’autorisation des trois variétés de maïs GM et qu’il n’y a toujours pas d’attrait pour ce type de cultures en Europe. La majorité des États membres n’a pas soutenu les projets de décision de la Commission et selon Franziska Achterberg, directrice de la division des politiques alimentaires à Greenpeace, l’absence de majorité qualifiée ne saurait être interprétée par la Commission comme un feu vert, compte tenu de l’opposition générale aux cultures GM des citoyens et des députés [9].
À ce jour, seul le maïs transgénique MON810 est autorisé à la culture dans l’Union européenne. 17 gouvernements nationaux, dont la France, et quatre gouvernements régionaux interdisent à l’heure actuelle la culture de plusieurs variétés de maïs génétiquement modifiées sur leur territoire. S’ils viennent à être autorisés, MON810, 1507 et Bt11 pourraient être cultivés dans dix États et deux régions [10].
L’importation également à l’ordre du jour
L’importation d’OGM était également à l’ordre du jour de la réunion de ce vendredi. Les États membres réunis dans les comités devaient en effet discuter de l’autorisation de mise sur le marché de produits contenant ou consistant en – ou produits à partir de – maïs GM [11].
Par Charlotte Krinke, avec l’aimable autorisation de Inf’OGM