Pourquoi le Local ne suffira pas à résoudre l’équation de l’alimentation durable
Parmi les causes de la crise du marché Bio, la concurrence du ‘Local’ : 61% des consommateurs auraient tendance à préférer un produit local non bio à un produit bio non local, d’après NielsenIQ. Si la ferveur des consommateurs pour les produits locaux peut se justifier pas des critères sociétaux et écologiques, le Local doit-il primer autant sur le Bio ?
Au contraire, d’un point de vue environnemental, le mode de production biologique devrait en réalité être la priorité, et le Local s’ajouter aux bénéfices… explications…
Manger local ne suffit pas à réduire l’impact écologique de notre alimentation
La question des bénéfices environnementaux de l’alimentation locale a été adressée par de nombreuses études scientifiques.
En effet, on peut penser que la réduction des temps de stockage, des temps de transport et potentiellement de la quantité d’emballage nécessaire va suffire à rendre l’alimentation locale plus vertueuse. Or on sait aujourd’hui que, dans la chaîne de valeurs de notre alimentation, la part de l’empreinte carbone liée au transport des marchandises ne représente qu’à peine 14% de l’empreinte carbone globale de notre alimentation[1]. Alors que la phase de production agricole affecte, elle, 67% de cette empreinte carbone.
Cette phase de production agricole pèse même jusqu’à 84% si l’on considère les impacts écologiques globaux (c’est à dire pollutions de l’eau, de l’air et des sols, destruction de la biodiversité, écotoxicité…) de notre alimentation[2]. Ce chiffre atteint 90% pour les produits d’origine animale alors qu’il n’est que de 67% pour les produits d’origine végétale. C’est dire combien les modes de production agricoles sont importants, et devraient être considérés en premier lieu.
Faire le choix du seul critère ‘Local’ dans sa consommation, ne résout pas l’équation de la réduction de notre impact environnemental. Si la dimension locale fait évidemment partie de cette équation, une alimentation durable implique nécessairement de privilégier les pratiques agricoles respectueuses de l’environnement (agriculture biologique, agroécologie, élevages paysans durables, herbagers extensifs…) et de limiter sa consommation de produits d’origine animale.
Bio puis Local comme choix éclairé de consommation
Les injonctions successives de consommation ont perdu le consommateur, notamment le consommateur bio, perdu par les labels. Les atouts de l’agriculture biologique ont été oubliés. Et le poids écologique du mode d’agriculture, comme rappelé plus haut, est méconnu. Il importe donc à tous les acteurs, producteurs, transformateurs, distributeurs, de se ressaisir des principes fondamentaux de la Bio et de les apporter à la connaissance des consommateurs.
Les projets politiques d’affichage environnemental, en cours au niveau français et européen, vont dans le sens d’une information factuelle et détaillée pour éclairer les choix des consommateurs.
Le premier projet officiel d’un ‘écoscore’ national prend en compte, à l’instar de la proposition du Planet-score, dans sa méthode de calcul, les 16 critères de la méthode ACV auxquels sont ajoutés 5 critères complémentaires liés à la biodiversité, aux pesticides, à la diversité agricole, aux conditions d’élevage et aux infrastructures agroécologiques.
Les garanties sur le volet social pourront être apportées par une certification en commerce équitable, car de même le ‘Local’ ne garantit rien en termes de rémunération des producteurs.
Les limites du ‘Local‘
Le ‘local’ est rassurant pour la plupart des français… Par exemple, 73% des consommateurs considèrent le fait de consommer un produit « fabriqué en France » comme important (source NielsenIQ). Or, on le sait « fabriqué en France » ne dit rien sur l’origine des ingrédients d’un produit alimentaire. Pas plus qu’une biscotte « au blé bio français » est forcément fabriquée en France… (en l’occurrence certaines sont transformées en Espagne…).
Non seulement les allégations n’apportent qu’une partie de l’information au consommateur et sont parfois trompeuses, mais le terme ‘Local’ n’a lui-même qu’une définition bien relative. Il se définit le plus souvent relativement à une personne, une entreprise, une communauté…
A cela s’ajoutera les limites de la relocalisation que l’on constate sur le terrain : le prix du local, les risques climatiques, la disponibilité des terres agricoles et le manque à venir de producteurs… A l’échelle de la France, l’agriculture nationale pourra difficilement subvenir à tous les besoins alimentaires de tous les Français. Et puis, doit-on le rappeler, la France reste un pays fortement utilisateur de produits phytosanitaires. Faire croire que parce que c’est ‘Local’ c’est meilleur, est un donc leurre si on ne prend pas en compte en plus le mode d’agriculture… et les récentes révélations sur les niveaux de pollutions des eaux françaises viennent le prouver encore.
La transparence sur les origines des ingrédients pour aller plus loin
Au Bio + Local, pourrait s’ajouter la transparence sur les origines de chaque ingrédient des produits alimentaires. Lorsque les démarches d’approvisionnement des ingrédients alimentaires quels qu’ils soient, sont menées de façon durable et respectueuse, cela ne devrait pas poser problème d’indiquer l’origine de chaque ingrédient et de pouvoir la justifier. Nous observons de nombreuses filières partout dans le monde qui méritent d’être valorisées et qui n’ont rien à envier aux filières françaises. À quand la transparence sur l’origine des ingrédients même sur les plus faibles de leur recette?
Auteur : Gaëlle FREMONT, www.ingrebio.fr
[1] L’empreinte énergétique et carbone de l’alimentation en France – de la production à la consommation, Solagro, IDDRI, CIRED, EDF R&D, FIRE, PhiLabs, 2019
[2] “Manger local” permet-il de réduire les impacts environnementaux de son alimentation ?, Réseau Action Climat, 19/05/2021
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