Quelle place pour l’agriculture biologique dans l’enseignement agricole aujourd’hui?
La bio conquiert de plus en plus de consommateurs et de producteurs. Elle comptait en 2017 plus de 35.000 producteurs (soit 6,5% de la SAU), près de 2700 points de ventes spécialisés selon Synadis Bio, et représentait plus de huit milliards d’euros de chiffre d’affaires (4% de la consommation alimentaire des ménages). Des chiffres très encourageants pour l’avenir des filières bio. Mais qu’en est-il de la place de l’AB au sein même des formations en agronomie et agriculture? C’est à ce petit tour d’horizon que nous vous convions. Pour Florent Guhl, directeur de l’Agence BIO : « La croissance et le dynamisme de la filière agriculture biologique nécessite de développer une offre de formation adaptée aussi bien dans l’enseignement agricole que dans les formations aux métiers de bouches et de la diététique ».
Le réseau Formabio
Les initiatives dans le domaine de la formation technique à l’agriculture biologique sont fédérées au sein de Formabio, réseau de la DGER (Ministère de l’agriculture) initié à la fin des années 80 et aujourd’hui doté de deux animateurs (Jean-Marie Morin et Bertrand Minaud). Son objectif est de sensibiliser les élèves / stagiaires / apprentis de l’enseignement agricole à l’agriculture biologique, de mettre en place des formations spécifiques sur ce thème pour en professionnaliser les acteurs, de développer l’agriculture biologique sur les exploitations des établissements, et de développer la coopération des établissements avec les professionnels de l’agriculture biologique.
Le site du réseau Formabio permet d’effectuer des recherches sur les offres de formations (113 formations longues et 23 formations courtes) à orientation AB (ce ne sont pas des diplômes spécifiquement bio, mais une « habilitation orientation agriculture biologique » à tous les niveaux de diplômes de l’enseignement technique agricole), et sur les exploitations agricoles et ateliers technologiques certifiées pour des activités bio. Voici quelques exemples des formations répertoriées sur le site : Gestion des matières organiques en AB, Pollinisation, Initiation à la biodynamie, Tailler en méthode douce, Conduire un atelier en bovin lait, etc. Les domaines des productions maraîchères et fruitières sont particulièrement représentés et moteur pour l’ensemble de l’enseignement en bio.
« Dans le cadre du programme « Enseigner à produire autrement » lancé au cours de la précédente mandature et poursuivi par le ministre Stéphane Travert, l’orientation en faveur de l’agro-écologie est confirmée. C’est ainsi que la part des terres des exploitations agricoles de l’enseignement agricole public (19.000 ha) atteint 19%, soit trois fois la proportion nationale. », précise Philippe Vinçon, Directeur général de l’enseignement et de la recherche (DGER). Il y a 125 exploitations (sur 190) de l’enseignement agricole public qui ont au moins un atelier bio (une trentaine sont entièrement en bio). Mais dans l’enseignement agricole privé, il y a encore très peu d’ateliers bios.
Aborder l’AB dans toutes les formations agricoles techniques
« Les premières formations officielles en agriculture biologique ont été proposées en 1985 et essentiellement dispensées par des enseignants et formateurs impliqués localement dans l’AB. Proposées comme une spécialisation alors qu’il s’agissait d’une forte remise en question des systèmes agricoles en vigueur, elles ont surtout intéressé un public averti et se sont limitées à quelques centres » écrivent Jean-Marie Morin et Bertrand Minaud. Mais comme partout ailleurs, la bio a connu aussi un essor important dans l’enseignement. Et il est devenu obligatoire en 2008 d’aborder le mode de production « Agriculture biologique » dans toutes les formations de l’enseignement agricole technique.
Le ministère de l’agriculture (DGER) et les professionnels de la bio ont de plus signé le 13 juillet 2017 des conventions de partenariat pour le développement de la formation et de l’enseignement en agriculture biologique. Cela devrait faciliter l’insertion professionnelle et territoriale des étudiants de l’enseignement agricole dans le secteur bio. Le projet vise à adapter les formations destinées aux élèves, apprentis et adultes en reconversion professionnelle en développant des projets dans 800 établissements d’enseignement agricoles et 90 groupements départementaux et régionaux du réseau de la Fnab.
L’enseignement agricole s’adresse aujourd’hui à des jeunes en voie scolaire (160 000) ou par apprentissage (36 000) mais aussi à des adultes en formation continue qui sont intéressés par des formations par le bio.
Licence professionnelle ABCD : une formation incontournable
Unique en France, la licence professionnelle ABCD (Agriculture Biologique : Conseil et Développement) est incontournable dans le secteur de l’agriculture biologique. Co-accréditée par VetAgro Sup et l’Université Clermont Auvergne, cette formation est dispensée par un réseau de treize établissements en Métropole et en Martinique. Cette organisation permet de répondre à la diversité des attentes des étudiants, en alliant compétences universitaires et visée professionnelle.
La LP ABCD propose une formation en alternance cours/entreprise dès le début du cursus, et est en lien direct avec un réseau de professionnels qualifiés et de formateurs de l’agriculture biologique reconnus. La finalité de cette licence professionnelle est de former des cadres polyvalents spécialistes des questions de l’agriculture biologique.
Quid des écoles d’ingénieurs agronomes et des écoles vétérinaires ?
Dans les écoles vétérinaires, la bio n’a peut être pas encore toute la place qu’elle mérite mais elle pointe son nez à deux principaux niveaux. D’abord, les écoles se doivent de former les futurs vétérinaires ruraux aux modes de production bio, c’est à dire un mode de production systémique et une conception de la santé qui va au delà de celle du corps de l’animal. La bio interpelle aussi dans ces écoles car elle offre une place de choix aux médecines alternatives (phytothérapie, ostéopathie, homéopathie), qui interessent de plus en plus les vétérinaires !
Dans les écoles d’agronomie, la bio a connu un bel essor ces dernières années. « Dans toutes ces écoles, l’AB offre des avantages indéniables pour la formation des futurs ingénieurs agronomes. Sa sobriété en intrant est une forme très aboutie d’agronomie et un prototype solide pour l’agro-écologie », explique Étienne Josien, directeur de VetAgro Sup à Clermont. Elle est aussi une source de réflexion très intéressante sur la façon dont on peut transformer en pratiques techniques une certaine vision des rapports entre l’homme et la nature. Elle offre également de nombreuses opportunités de travail sur la question des transitions agricoles et alimentaires en cours et à venir.
Cependant aucune école ne propose de spécialisation bio en dernière année. En effet, l’objectif est de former des ingénieurs polyvalents, à l’aise dans la diversité des modèles agricoles et alimentaires et capable de prise de recul, ce qui est en adéquation avec les attentes des professionnels, y compris de la bio. A VetAgro Sup Clermont, établissement public engagé depuis longtemps dans l’enseignement de la bio, le suivi d’un « fil vert » constitué du suivi de quatre modules optionnels consécutifs proposés autour de la bio en deuxième année et de la réalisation d’un dossier par l’étudiant permet d’obtenir une mention spéciale bio figurant dans le supplément au diplômes. Un « parcours bio », articulant ce fil vert aux choix des différents stages est à l’étude. Gageons que cela inspirera d’autres écoles!
Un MOOC pour comprendre l’agriculture biologique!
Le MOOC Bio, porté par VetAgro Sup, Agreenium et l’Inra, est une formation en ligne, gratuite et accessible à tous, qui se tient pendant 8 semaines à partir du 16 avril 2018 (inscription possible jusqu’au 15 juin) sur la plate-forme France Université Numérique. Elaboré par un collectif d’auteurs issus d’écoles d’ingénieurs et d’organismes de recherche et développement, le MOOC Bio s’organise autour de 4 grandes thématiques, présentées sous forme d’exposés, d’animations et d’enquêtes de terrain :
- Les cadres de l’agriculture biologique (réglementaires, socio-professionnels et historiques) ;
- Comment produire en agriculture biologique ;
- La diversité de l’agriculture biologique et de ses trajectoires ;
- Agriculture biologique et territoire.
Des bases du cahier des charges, à la production agricole, en passant par la diversité, les dynamiques des territoires et les questions qui font débat dans la société, cette formation s’adresse à un public large d’étudiants, de consommateurs et d’agriculteurs désireux de se forger un avis sur l’agriculture biologique. Avant de commencer la formation, les apprenants seront invités à formuler leurs propres objectifs d’apprentissage et à se présenter au sein de la communauté des participants au MOOC. Les connaissances acquises seront testées à travers une série d’exercices et des sujets seront débatus au sein la communauté apprenante sur les pages Facebook et Twitter du MOOC.
La recherche, carburant pour la formation
Rappelons pour finir que la formation à l’agriculture biologique reste bien sûr très proche et très tributaire des avancées de la recherche (méta-programme dédié à l’INRA, projets financés par le CASDAR, ERA NET « Core Organic », ITAB, etc.). «Le fort développement de la consommation en bio s’est accompagné d’un accroissement exponentiel de la production de connaissances en lien avec la bio, qu’elles soient issues des projets de recherche académique ou de la formalisation des innovations réalisées au niveau des fermes», explique Étienne Josien, directeur de VetAgro Sup à Clermont. Ce qui permet de nourrir largement la diversité des formations et de proposer une bio exigeante, à la fois militante et scientifique.
Louise Browaeys consultante RSE et facilitatrice en intelligence collective.
Classés dans : Agriculture bio Tous