Quels sont les risques des OGM pour la santé ?
Près de vingt ans après la première commercialisation d’une plante génétiquement modifiée (PGM), le débat sur leur innocuité reste non tranché. Et le fait que les Étasuniens en mangent depuis deux décennies n’est en aucun cas un argument valable pour conclure cette controverse. Il ne faut pas confondre l’observation globale d’une population et une étude épidémiologique (qui nécessite a minima des témoins qui n’auraient pas consommé de PGM…). Seule conclusion possible : la consommation actuelle des quelques PGM commercialisées ne tue pas de façon foudroyante…
Une technique pas assez maîtrisée
Le vivant ne fonctionne pas mécaniquement, comme une représentation simplificatrice du génie génétique le laisserait penser. Le génome n’est pas un empilement de gènes que l’on peut couper et recoller impunément : une grande partie des fonctions de l’ADN reste encore inconnue. Et l’ADN n’est pas isolable de son contexte cellulaire. L’insertion du transgène – c’est-à-dire de la séquence génétique porteuse d’une nouvelle caractéristique – se fait en aveugle. A l’heure actuelle, il n’est pas possible de placer ce petit bout de gène étranger à un endroit précis du génome, ni de savoir combien d’exemplaires ont été introduits… Aussi les manipulations génétiques peuvent-elles introduire des changements inattendus dans le fonctionnement des plantes transgéniques et provoquer la synthèse de nouveaux composés imprévus dans l’aliment. C’est ce que les biologistes appellent les « effets hors cible ».
Les risques sanitaires peuvent être :
– nutritionnels : les effets hors cibles peuvent en théorie modifier l’expression ou la forme des protéines de la plante, et donc modifier l’équilibre nutritionnel d’une plante ;
– toxicologiques : la toxicité peut, elle aussi, venir des perturbations engendrées par le transgène mais aussi de l’action du transgène lui-même : que devient l’herbicide Roundup pulvérisé sur de nombreuses PGM et métabolisé par elles ? Que devient la protéine insecticide Bt exprimée par d’autres PGM dans l’estomac des poulets ou des humains ?
– allergiques : la modification génétique peut conduire à l’expression d’une protéine transgénique, complètement nouvelle, conformée ou glycosylée différemment par rapport à son homologue non transgénique, ou sur-exprimer une protéine déjà existante.
Une littérature scientifique incomplète
Afin d’obtenir une autorisation de mise sur le marché, les entreprises fournissent un épais dossier qui doit, en théorie, démontrer l’innocuité sanitaire de leur produit. Ce dossier est « expertisé » par les agences nationales ou régionales d’évaluation sanitaire. Dans l’Union européenne, c’est l’Agence européenne de sécurité (AESA ou EFSA, en anglais). Cette autorité n’a donc qu’un rôle de contrôle de cette évaluation, sur laquelle elle base son avis. Elle ne réalise pas une contre-expertise. Et du fait du « secret des affaires », les données utilisées par les entreprises ne sont pas transmises de façon opérationnelle à des universitaires qui souhaiteraient, eux, contre-expertiser ces dossiers. La faiblesse de l’évaluation va bien au-delà : tout d’abord, l’Union européenne n’exige que des tests sur quelques rats sur 90 jours alors qu’il semble de plus en plus évident qu’il faudrait nourrir des rats pendant au moins deux ans avec des PGM pour pouvoir en déduire une innocuité ou une toxicité.
Ensuite, ces dossiers montrent des lacunes scientifiques importantes. Ainsi, les entreprises ont tendance à trier les données qu’ils soumettent aux experts, de manière à ne retenir que celles qui sont favorables ; les protocoles scientifiques sont construits de telle manière qu’on ne peut pratiquement rien conclure de l’expérience menée, et la puissance statistique des études est souvent très faible.
Enfin, les experts de l’AESA sont loin d’être neutres. A plusieurs reprises, des associations européennes ont démontré un jeu de portes tournantes entre l’industrie des biotechnologies ou des organisations de lobby et cette Agence. En 2013, le médiateur européen reconnaissait publiquement, par exemple, que l’AESA avait omis de prendre les mesures adéquates pour prévenir les conflits d’intérêts dans le cas de Suzy Renckens en 2008.
Au-delà de ces rapports de l’industrie, on pourrait aussi s’appuyer, toujours en théorie, sur la littérature scientifique publiée dans des revues prestigieuses comme Nature ou Science. Une majorité des études publiées ont été réalisées par des personnes proches de l’industrie. Ainsi, l’industrie peut énumérer des milliers d’études qui concluent à l’innocuité des PGM.
Réaliser des études avec un nombre de rats suffisants, sur une durée suffisante n’est pas à la portée de tous. Les quelques scientifiques indépendants qui se sont aventurés dans ce direction ont dû débourser des millions d’euros…
Par Christophe Noisette de Inf’OGM
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