Tribune libre de Sandrine Doppler, consultante marketing en alimentation bio
Aujourd’hui, le « bien manger » est dans l’esprit de chacun et le bio est à la fois accessible et abordable grâce à la multiplication des enseignes spécialisées ou des rayons identifiables dans les GMS. C’est indéniable, le bio plaît et engendre une nouvelle manière de consommer. Ceci étant sa diffusion, en grande partie relayée par les enseignes de grandes distributions, pose un problème aux marques et enseignes spécialisées : celui de la transmission des valeurs du bio.
Au vu de la vitesse à laquelle, le bio se diffuse – nouvelles enseignes, produits, marques – on pourrait penser que les marques spécialisées du bio vivent une période pérenne. Pourtant, ce n’est pas forcément le cas. En effet, aujourd’hui 80 % des consommateurs préfèrent se rendre en grande surface pour acheter du bio. En conséquence de quoi, en 2017 les GMS ont représenté 46 % de part de marché du bio. Le combat entre généralistes et spécialistes ne date pas d’hier mais c’est la première fois que la grande distribution a progressé plus vite (+21 %) que les enseignes spécialisées (+15 %).
Il faut dire que les GMS ne manquent pas de ressources : ouverture de magasins dédiés au bio, absorption des entreprises de transformation, contrôle des filières de production. La formule est simple : appliquer les méthodes au bio en élaborant des produits bio jusqu’à 30 % moins cher que les gammes des spécialistes. Loi du marché oblige, le consommateur se laisse tenter – difficile de lui en vouloir.
Est-ce le début de la fin pour les marques spécialisées ? Je ne pense pas et préfère voir dans cette situation une occasion unique pour le réseau historique d’apprendre à se démarquer définitivement des géants de la distribution.
Le bio doit opérer quelques changements. Il importe tout d’abord de prendre acte de la pluralité du consommateur d’aujourd’hui. Un individu en quête de repères fiables, universels, sensibles mais également d’expériences et d’engagements. Même si le consommateur continue de se rendre dans la plupart des grandes surfaces, les scandales alimentaires récents ont alimenté sa méfiance à l’égard de ces enseignes. Une aubaine pour les marques du bio ? Bien sûr. La chance en tout cas de se réinventer tout en restant fidèles aux valeurs qu’elles véhiculent. Alors sortons du cahier des charges traditionnel du bio pour proposer une communication plus claire, plus affirmée, en symbiose avec les convictions profondes des consommateurs. Rendons le bio plus ludique et créatif !
Pour se démarquer, il incombe aux marques de se dépasser et de proposer des produits soutenus par des storytellings uniques et des expériences engageantes à l’instar, par exemple, de marques comme TENSAI THE ou KARINE et JEFF qui osent revisiter les codes du bio, respectivement sur le segment du thé glacé et celui des recettes familiales. Tout en étant garantes des valeurs du bio, elles lui apportent un supplément d’âme qu’on ne saurait retrouver dans les allées impersonnelles des hypermarchés.
Par ces biais-là, le bio parviendra à garder le contrôle de ses valeurs et à amener le consommateur sur un terrain de jeu alimentaire dont il ignorait jusqu’à présent l’existence !
Tribune libre de Sandrine Doppler – Consultante marketing et communication Food, spécialisée en alimentation de proximité, circuits-courts, Bio, blockchain, traçabilité alimentaire.
Photo de Peter Wendt
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